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Mystère du Lac (Le)
Robert R. McCammon
Albin Michel, Wiz, roman, traduit de l’anglais (États-Unis), suspense / fantastique, 600 pages, octobre 2007, 17 €

En 1964 à Zephyr, une petite ville perdue de l’Alabama, la vie de Cory Mackenson bascule un matin où il accompagne son père dans sa tournée de livraison de lait. Une voiture folle traverse la route juste devant eux et plonge dans le lac. À son volant, un homme ligoté et torturé sombre dans les eaux noires et profondes. La victime ne peut être ramenée à la surface pour identification.
Les deux témoins du drame ne peuvent oublier cette vision cauchemardesque. Son père est hanté par cet homme qu’il n’a pu sauver et peine à trouver le sommeil.
Pour Cory et ses douze ans, cette année sera l’occasion de découvrir les nombreux mystères de Zephyr…



Né en 1952 à Birmingham dans l’Alabama, Robert McCammon est l’auteur d’une quinzaine de romans, dont la majorité date des années 1980. Après avoir annoncé sa retraite d’écrivain, il est revenu avec « Le Procès de la Sorcière » et « Le Visage du Mal ». Depuis ses débuts, il a remporté trois Bram Stoker Award, prix récompensant des œuvres de fantastique, et le Grand Prix de l’Imaginaire catégorie Roman étranger lui a été attribué en 1992 pour « L’Heure du Loup ».

Le narrateur n’est autre que Cory qui, bien plus tard, relate les évènements qui se sont passés durant 1964. Bien des similitudes existent entre Robert McCammon et Cory : l’année et l’état de naissance, tous les deux ont embrassé la carrière d’écrivain. Bref, McCammon se sert des souvenirs de son enfance, de ses copains, d’une époque révolue où l’imagination autorisait une évasion garantie, pour donner à ses lignes un ton d’authenticité. Il nous ouvre les portes de la période qu’il a connue, celle où le progrès montrait ses effets pervers (l’ouverture d’un supermarché sonne le glas du boulot de laitier de papa Mackenson) et où le Ku Klux Klan prônait la haine de l’autre.
Les descriptions, faites du point de vue d’un enfant, sont particulièrement savoureuses. Pour un adulte qui n’aurait pas employé les mêmes mots à cet usage, c’est souvent surprenant et n’en est que plus juste. La présentation de Rocket, le nouveau vélo de Cory, représente un vrai morceau de bravoure et nous ramène dans notre passé. Les adultes sont décrits d’une manière décalée qui révèle des aspects d’eux cachés.
Dans le traitement de l’histoire, tout concourt à nous redonner une âme d’enfant.

En 1964, en Alabama, c’est-à-dire un état du Sud, la ségrégation régnait toujours. Les blancs d’un côté, les noirs de l’autre, les deux communautés ne se mélangeaient pas. Une des plus vieilles représentantes noires, la Dame, semble versée dans la magie - on la traite du moins de sorcière – et, si Cory et sa mère la côtoient avec respect, son père en a une peur bleue. Alors qu’elle représente sûrement son seul espoir d’échapper aux cauchemars nocturnes, il préfère l’éviter. Les idées reçues sont difficiles à oublier.
Du haut de ses douze ans, Cory est guidé par l’insouciance de la jeunesse et il lui arrive, à lui et ses copains, des choses folles. Toute une série d’aventures émaille les quatre saisons de l’année. Bagarres contre les durs à cuire de l’école ou contre le Vieux Moïse, la créature du cours d’eau passant à Zephyr, découverte nocturne d’un trafic, enlèvement… la liste est longue et ne nous laisse quasiment jamais souffler.
Les protagonistes, découverts à travers la vue d’un gamin, se révèlent pittoresques, mais Cory ne perd jamais de vue la mort effroyable à laquelle il a assisté et mène l’enquête. Le danger rôde mais presque rien ne parvient à refroidir son ardeur.

Le fantastique imprègne l’atmosphère et tout semble possible. La touche est légère mais non moins présente. Provient-elle de l’imagination fertile enfantine ou est-ce une réalité ? La marge entre les deux est souvent étroite. Le premier jour des vacances, Cory emmène ses copains voler dans le ciel, plus tard il aura une prémonition salutaire, le cadavre au fond de l’eau en appelle à la justice et pollue les songes du père de Cory. Rien n’est simple, les morts n’ont jamais vraiment quitté la scène et une certaine superstition hante les esprits.

Une indéniable magie se dégage des pages du récit, celle de l’enfance et dont chaque adulte conserve une parcelle au fond de lui. Ici Robert McCammon la réveille avec brio.
Le World Fantasy Award qui a couronné « Le Mystère du Lac » n’est que justice, car il ne laisse pas indifférent, il nous fait vivre de grandes choses.
C’est un grand livre que l’on ne peut oublier. Son cadre, ses personnages, ainsi que toutes les péripéties, en font un récit magistral à ne pas manquer.
Robert McCammon signe là un ouvrage magnifique !

Publié dans une collection jeunesse, « Le Mystère du Lac » s’appréciera dès 14 ans.


Titre : Le Mystère du Lac (Boy’s Life, 1991)
Auteur : Robert R. McCammon
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Stéphane Carn
Couverture : Thomas Ehretsmann
Éditeur : Albin Michel
Collection : Wiz
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 600
Format (en cm) : 15 x 23
Dépôt légal : octobre 2007
ISBN : 978-2-226-17988-3
Prix : 17 €



À lire également sur la Yozone la chronique de La Malédiction de Bethany du même auteur.


François Schnebelen
29 juin 2009


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Illustration de Thomas Ehretsmann



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