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Arachnae
Charlotte Bousquet
Mnémos, Icares, roman (France), dark fantasy, 302 pages, avril 2009, 22€

La principauté d’Arachnae, comme la plupart des grandes cités, a deux visages.
Le premier est celui du faste et de la cour dont la décadence et les complots se dissimulent sous un masque d’apparat. Le second est la figure ouverte, franche et sans compromis de la misère et du vice. Une bauge où se déroulent tous les trafics, où tout s’achète et où la drogue et le meurtre ne sont pas les pires abominations.
Dans cette fange, qui se soucierait des cadavres d’enfants anonymes et effroyablement mutilés retrouvés dans des tas d’ordures ? Ces meurtres ont néanmoins attiré l’attention du capitaine Gracci qui mène l’enquête, secondé par une alliée qui doit plus sa venue à un tour de force du destin qu’à l’altruisme. Cette aide, c’est Théodora, brillante élève de l’Académie perdue dans les méandres de la vie.
Parallèlement, la famille princière et la cour ne sont pas épargnées par les complots et les crimes. Les Moires, conseillères du Prince, veulent l’évincer par tous les moyens tandis qu’un culte sanguinaire étend son influence dans les hautes sphères de la société.

Des trames complexes se tissent et s’emmêlent… Seront-elles dénouées ?



Évitant les écueils et des sentiers battus que propose souvent la fantasy, Charlotte Bousquet propose un roman noir aux allures de thriller dans lequel les personnages ne parviennent pas à se détourner des desseins obscurs du destin.
L’auteur va loin dans son intrigue. Lorsqu’elle veut parler de vices, de corruptions et de gangrène, elle assume jusqu’au bout et prend le risque de mettre en scène des situations que de plus pusillanimes auraient évitées.
Orgies de noblesses décadentes, pourriture des bas-fonds, mais surtout rites sacrificiels, meurtres et exploitation d’enfants, elle donne à ses personnages des enjeux forts sans pour autant tomber dans l’étalage pur et sans se délecter de descriptions chirurgicales.
Ici les faits sont certes évoqués, parfois crûment, mais sans insistance ni contemplation malsaine. C’est dit, les personnages agissent en conséquence, personne n’a peur de se mouiller.

Dès les premières pages, le récit emporte dans la cité d’Arachnae. On découvre l’univers en même temps que les intrigues et les personnages, ce qui permet une histoire sans temps mort et sans ennui.
Charlotte Bousquet profite de sa maîtrise des styles pour nous proposer des tranches de récits différents qui s’accordent et se complètent. Ainsi, citations poétiques côtoient descriptions macabres, théâtres galants, intrigues policières. Tout cela se juxtapose avec fluidité et sans donner l’impression d’un patchwork littéraire.

De même, elle oscille entre les points de vue de différents personnages et nous fait suivre simultanément plusieurs fils de la toile de son roman.
Malgré cette pluralité de tons, on ne se perd pas et on ne prend que plus de plaisir à la lecture, se demandant qui ou quoi va se rejoindre, et surtout, comment.

Une des grandes forces de cet ouvrage vient des protagonistes, résolument humains. Les personnages principaux et secondaires dont on suit le parcours ont une psychologie bien particulière, forgée pour la plupart par leur passé et leurs expériences. On évite les stéréotypes, car les chemins de la destinée sont ici bien loin des traditionnelles quêtes initiatiques et des orphelins en recherche de statut. Cependant, leur complexité et leurs particularités ne permettent pas forcément au lecteur de s’identifier clairement à l’un ou à l’autre et on suit la plupart du temps le récit comme le spectateur que l’on est. Ceci n’empêche nullement de s’attacher à eux et de les suivre avec intérêt.

Mais plus encore que les personnages, c’est le monde proposé et ses conflits qui semblent être le cœur de ce roman. On découvre la ville au double visage, on apprend à la connaître et elle peut donner l’impression d’être davantage qu’un décor. C’est un lieu de possibles, un lieu où les trames se tissent et se déchirent.

Charlotte Bousquet monte un univers complexe et complet qui pourrait sans mal devenir un support à d’autres histoires. Elle en jette d’ailleurs les bases en laissant certaines questions en suspens et en laissant deviner des éléments de grande envergure. Après la lecture d’une de ses interviews (disponible ici), nul doute : l’Archipel des Numinées n’a pas livré tous ses secrets.

Bref, « Arachnae » est un roman prenant, enrichi par de nombreuses références (mythologie, théâtre, poésie...) et des idées originales. Le style est soigné et le vocabulaire varié. Une fois commencé, difficile de décrocher. Petit bémol : les affaires se résolvent un peu trop facilement et un supplément de suspens aurait été le bienvenu.
Cependant, l’histoire et les personnages restent bien construits et le monde créé stimulant pour l’imagination.


Titre : Arachnae (France, 2009)
Auteur : Charlotte Bousquet
Couverture (souple) : Elvire De Cock
Éditeur : Mnémos
Collection : Icares
Sites internet : Site de l’auteur, blog de l’auteur
Pages : 302
Format (en cm) : 13 x 21 x 2,2 (broché)
Dépôt légal : avril 2009
ISBN : 978-2-35408-025-9
Prix : 22 €



Myriam Bouchet
16 juin 2009


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