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Imaginales 2009 - Prophéties, prédictions, divinations…

Epinal, 14 mai, 15h

Café littéraire : Prophéties, prédictions, divinations…quand la fantasy scrute nos destinées…
- Animé par Stéphanie Nicot, avec :
- D.A. Durham (traduit par Lionel Davoust) pour « Acacia », tome 1 : la guerre du Mein, Le pré aux clercs ;
- Edouard Brasey pour « la Malédiction de l’Anneau » : tome 1 : les Chants de la Walkyrie et tome 2 : le Sommeil du Dragon, deux volumes chez Belfond.
- Ménéas Marphil est excusé (problème de train).



Edouard Brasey, qui publie une tétralogie inspirée de la mythologie nordique, fait remarquer que cette dernière est mal connue mais très riche, avec des thèmes communs à notre culture (l’anneau maudit, l’épée à sortir du rocher, la belle endormie…). Il l’a découvert grâce à Wagner et son « Anneau des Nibelungen » mis en scène par Patrice Chéreau en 1976, qui fit scandale à l’époque, tout en renouvelant la manière de présenter l’œuvre.
La lecture de Tolkien met en lumière des sources d’inspiration communes. C’est aussi un univers propre à la fantasy : l’annonce de la mort imminente des dieux (qui ne sont ni immortels ni tout-puissants) déplace l’importance des rôles vers les hommes et femmes du Nord. Des femmes rarement au second plan, souvent prophétesses ou guerrières. Une mythologie finalement très en phase avec les interrogations de notre temps.

Dans « Acacia », David Anthony Durham donne une grande importance à la prophétie qui sous-tend le récit : le retour des ancêtres, sous certaines conditions. En effet, la magie ayant été « bannie », les mages défunts sont tombés dans une sorte de stase. Les anciennes malédictions, malaisées à rompre, font peser un lourd passif sur les épaules de la nouvelle génération du peuple du Maine, à l’origine de leur haine pour l’empire d’Acacia. En fait, il s’agit aussi d’une métaphore : on n’échappe pas aux crimes de son passé.

Edouard Brasey revient sur la contrainte de la fin annoncée. Il insiste sur le rôle du destin, détenteur d’un grand pouvoir dans la mythologie nordique, plus important que les dieux, finalement simples démiurges. Il rappelle que ces derniers ont créé Mitgard, la terre des hommes, en dépeçant le cadavre d’Ymir le géant du froid : ils sont donc assassins, et leur création repose sur un crime originel. Leur fin, annoncée par les Nornes (sorte de Parques nordiques) par énigmes, est donc un châtiment. Le Raghnarok est pour bientôt. Ce qui explique qu’au Ve siècle, lors des grandes invasions, les hommes du nord se convertissent massivement au christianisme après avoir franchi le Rhin : ils abandonnent ses dieux meurtriers et promis à la mort.

Cette annonce de la fin est aussi un élément de suspense. Hitchcock en usait, révélant le nom du meurtrier pour augmenter la tension à l’écran (on retrouvera également ce principe à la base de la série “Columbo”).
Dans « Acacia », la prophétie est un simple déclencheur : la destinée du peuple du Mein est liée aux projets autour du réveil des ancêtres. L’auteur devient alors démiurge. D.A. Durham souligne le peu d’intérêt d’écrire un destin annoncé comme victorieux, aussi tous ses personnages ont un destin, mais pas celui qu’ils souhaitent. Libérer les anciens est-il d’ailleurs leur destin, ou à l’inverse veulent-ils les libérer pour changer ce destin ?

Chez les héros de E. Brasey, il y a deux malédictions : le Raghnarok, la fin des dieux, de la terre et des hommes, est également un renouveau. L’autre est liée à l’anneau, volé au roi des nains par Loki. Le roi maudit son bijou, qui rendra fou son porteur en même temps qu’il exercera une grande fascination sur celui-ci. Même Odin, pourtant sage, s’y laissera prendre pendant un temps.
Ce concept de fascination qui conduit à la malédiction est repris par Tolkien. Dans la mythologie, l’anneau échoit finalement au dragon Fafnir, qui le conserve, parce qu’il ne peut s’en séparer mais aussi pour protéger les autres de son pouvoir. Assis sur son trésor, il attend la mort en rêvant. Brasey avoue l’intérêt littéraire de prendre pour narrateur de son récit un personnage qui se sait voué à la mort et à l’échec. Même si demeure l’espoir d’une survie après la mort physique.

D’un point de vue rédactionnel, D.A. Durham dit écrire la fin de ses romans en premier, et celle-ci varie peu au fil de l’écriture. La fin est décidée, mais pas le chemin pour y parvenir. Par exemple, le roi qui décède au début du roman prend des dispositions pour l’avenir de la nation, néanmoins les actes des personnages, pourtant en accord avec ses vœux, auront des conséquences imprévues, faisant du souverain un personnage tragique même après sa mort, car il ne voit pas ses enfants devenir les adultes dont il rêvait.

E. Brasey rappelle également qu’entre la richesse et les contraintes de la mythologie, il ne faut pas s’enfermer dans des détails « historiques ». La multiplicité des sources et des versions produisant finalement des personnages ambivalents, voire paradoxaux, il s’est appliqué à les rendre plus humains et moins extrêmes dans ses romans. Cette capacité à l’erreur les rend plus héroïques dans leur quête initiatique, qui voit l’émergence des hommes face au déclin des dieux.

En conclusion, malgré le poids d’une prophétie, une fin annoncée est l’occasion pour les personnages de révéler leur caractère, en allant contre leur destin, ou sinon en choisissant comment s’y conformer.

Mon avis d’auditeur : Si je n’ai pas lu les romans présentés, mes quelques connaissances en mythologie nordiques (acquises à la lecture de « Thorgal », et quelques mythologies de jeunesse) suffisent à suivre. L’absence d’un troisième intervenant nuit cependant à la qualité de la discussion, les auteurs alternant leur temps de parole en restant (con)centrés sur leur ouvrage. Si la réflexion est ainsi bridée, elle n’est cependant pas désagréable à suivre...

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Nicolas Soffray
10 juin 2009


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