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Pavane, Dyschronie, Sida, le Pape et moi !
Où la réalité nous effraie plus qu’un bon roman de SF...
Vendredi 20 mars 2009

La SF doit au philosophe Charles Renouvier (1815-1903) le mot uchronie lorsqu’il fit paraître en 1857 « Uchronie (l’Utopie dans l’Histoire), Esquisse historique apocryphe du développement de la civilisation européenne tel qu’il n’a pas été, tel qu’il aurait pu être ».

Un long titre en forme de « et si » servant depuis des siècles à des milliers d’écrivains pour nous rejouer la grande Histoire de l’humanité à leur sauce.

Mais voilà, il est des jours où ce « et si » prend une saveur plutôt désagréable...



J’en veux pour preuve ces journées de Sidaction en grande partie phagocytées par les tribulations ridicules et pathétiques d’un vieux radoteur tout de blanc habillé, dans les entrailles d’un continent martyrisé depuis des lustres. Bref, le Pape est en Afrique et la droite la plus obscurantiste de l’Église Apostolique et Romaine semble bien lancer à la face du monde qu’elle est là et bien là.

En vieux radical et laïque, voire un rien libertaire, toute cette agitation devrait me laisser de marbre sachant que l’homme en blanc ne s’adresse qu’à ses ouailles (même quand il se fait le porte-parole des idées les plus réactionnaires de son dogme).
Mais voilà, il me revient en mémoire le « Pavane » de Keith Roberts (éd. LGF, coll. Livre de Poche), chef-d’œuvre absolu de l’uchronie qui, en quelques brèves nouvelles, dresse le portrait d’une année 1988 étrange.
En effet, l’Église dominerait totalement un monde où la reine Élisabeth aurait été assassinée en 1588 alors que l’Invincible Armada allait triompher de la flotte anglaise. Un univers paradoxal où toute tentative d’industrialisation serait sévèrement condamnée par une Très Sainte Inquisition sans aucune once de pitié.

Or donc, ce matin lors de mon réveil, je me suis bêtement persuadé que je vivais un cauchemar éveillé, bref une forme de « dyschronie », soit une uchronie négative, où l’Église, contrôlant notre sphère mentale, serait la seule apte à dire le moralement correct.

Passons sur les interdictions diverses et variées de trop fumer, trop boire, manger trop gras, rouler trop vite, trop râler, trop rire, trop gueuler et que sais-je encore, la plupart du temps promotionnées par des vieux cons qui ont passé la plus grande partie de leur existence à les transgresser (et tout cela pour les briser à leur descendance, c’était bien la peine) et concentrons-nous sur l’infâmie absolue.
Celle d’un monde d’une grande laideur où une petite fille de 9 ans, enceinte suite à un viol, serait vouée aux gémonies, suite à la pratique d’un avortement thérapeutique sur sa personne, tout comme le personnel de l’hôpital ayant participé à l’intervention médicale (et sa famille, voyons large !) seraient eux excommuniés...
Un monde sans pitié où une maladie incurable appelée Sida, dont le destin fatal et mortifère toujours sans remède bien que l’épidémie puisse être combattue par des mesures prophylactiques d’une simplicité radicale (mettre un préservatif, sécuriser les réseaux de dons du sang, répandre l’usage de seringues stériles, etc) serait facililée par les forces dites du « Bien ».
Un monde, on le devine, cauchemardesque, digne des plus grands romans de SF post-apocalyptiques, on en conviendra.

Patatras ! Ce n’était pas de la SF, mais mon monde et je ne rêvais pas.

Il est des propos qui n’engagent pas seulement ceux qui les disent ou les écoutent. Il est des moments où le simple bon sens doit amener une saine réaction face à la bêtise humaine. S’il est sans doute possible, et fortement conseillé, pour nombre de chrétiens de vivre leur foi en dehors de l’Église, il apparaît aussi possible de faire le Bien autour de soi sans se préoccuper des avis rétrogrades.

Et, si lire un bon roman uchronique ou dyschronique est toujours un régal, il faut bien l’avouer, la réalité donne plus souvent envie de rester chez soi avec un bon bouquin que de sortir pour s’y confronter...

C’était donc la brève désenchantée du jour, en espérant des lendemains qui chantent et sourient. Et si...

- « Pavane » de Keith Roberts (LGF, Livre de Poche)


Stéphane Pons
21 mars 2009


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