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Jonathan Strange & Mr Norrell
Susanna Clarke
Robert Laffont & Livre de Poche, roman, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), fantastique - magie, 842 & 1149 pages, Mars 2007 & Février 2008, 23€ & 10€

Au XVIIIe siècle, deux gentlemen fondent un club de magie, sans rien y connaître.
Ils dénichent le dernier magicien de leur temps, Gilbert Norrell, un homme aigri et jaloux.

Lorsque celui-ci vient à Londres, sacrifiant sa solitude tranquille pour les honneurs royaux, il rencontre Strange, un jeune homme qui deviendra son apprenti, avant que leur caractère respectif et leur vision de la magie ne les séparent.



Norrell, adepte du savoir livresque, a condamné une jeune femme à un tourment éternel. Suite à un sort lancé à la légère, Norrell l’a délivrée de la maladie, mais le faune à qui il a fait appel exige en échange que la jeune femme prenne part, chaque nuit, au bal éternel qu’il donne dans les ruines de sa demeure.
Strange tâtonne pour comprendre ce que Norrell refuse de lui avouer qu’il ne sait pas. Tentant d’exorciser la malheureuse épuisée par les fêtes nocturnes, il s’attire les foudres du faune, qui lui enlève sa femme. Le jeune homme, adepte d’une magie presque offensive qu’il a développée durant sa participation à la guerre, va alors prendre de plus en plus de risques pour comprendre la magie sans l’aide de Norrell, croyant n’avoir plus rien à perdre.
Et sur eux plane l’ombre du Roi Corbeau, mythique souverain de l’Angleterre magique.

Un projet ambitieux

Aborder la magie comme une science perdue sauf dans les livres est intéressant, cependant les 850 pages du roman de Susanna Clarke sont peu digestes. L’action est rare, la première moitié du livre oscillant plus près de la chronique romancée. La suite est un peu plus vive, les grands évènements laissant la place aux expériences et aux voyages des deux héros. Néanmoins rien ne se presse, et entre tourisme dans l’Europe du XVIIIe siècle et interactions sociales parfois laborieuses ou purement factuelles, les pages ne se tournent pas bien vite. Ainsi, on lira agréablement la liste des demandes du Ministère de l’Intérieur anglais à Norrell, ou les tentatives d’approche amoureuse d’une jeune fille sur un Strange affublé des œillères du deuil et de la monomanie malgré le cadre enchanteur de l’Italie. Mais cela ne fait pas avancer les choses.

C’est le sentiment qui m’a poursuivi tout au long de ma lecture (déjà vieille de plus d’un an, aussi mon avis n’est-il pas écrit sous le coup de l’émotion, bonne ou mauvaise, mais tempéré par le filtre de ma mémoire). On ne sait pas trop où l’on va. On espère beaucoup de choses, un duel de magie avec le faune, le retour triomphal du Roi Corbeau… Le premier ne sera que l’occasion d’une esquive magistrale, et bizarrement sans grande conséquence, quant au second, on y croira jusque dans les dernières pages, après avoir entr’aperçu le fer d’un cheval, un bout de cape…

Espoirs déçus, et malgré le climax qui habite toute la troisième partie (dont le titre porte le nom humain du Roi Corbeau, qu’on aura pris comme un signe de bon augure), c’est une pirouette quasi hollywoodienne qui conclut ce roman, fausse fin dans laquelle les héros disparaissent, laissant derrière eux un héritage rapidement réclamé par leurs partisans, comme un prélude au renouveau de la magie anglaise.

Un futur classique ?

Une fin cependant pas totalement incohérente avec la démarche qui semble être celle de l’auteure, à savoir une histoire refondatrice de la magie. La forme elle-même du roman, truffé de notes bibliographiques traitant de traités jamais écrits, joue sur le thème de « tout ceci est peut-être vrai, mais pas dans la réalité telle que nous la percevons » : ce livre (du moins les passages les plus factuels), rangé au rayon Histoire de l’Angleterre, pourrait presque passer pour une histoire vraie.

Malgré le côté pavé indigeste de ses 850 pages, c’est un excellent moment de lecture, à condition de ne pas fonder trop d’espoirs dessus. Ce n’est pas de la fantasy à la manière de Tolkien ou de Dunsany, et cela pourra en rebuter plus d’un. Néanmoins les qualités d’écriture et de narration de l’auteur sont indéniables, et « Jonathan Strange & Mr Norrell » n’usurpe pas son prix Hugo, décerné en 2004.

Un bien bel objet

J’aimerais cependant attirer l’attention sur un autre élément qui fait sa valeur. L’éditeur Robert Laffont a réalisé un excellent travail sur l’aspect visuel du livre, l’imprimant en deux versions :
- l’une blanche, la couverture souple dans un carton rappelant un papier chiffon, le texte et le logo en noir. Somme toute classique, même si un tel pavé d’un blanc à peine cassé est déjà attractif pour le bibliophile.
- l’autre noire, c’est-à-dire en négatif de la précédente. Le texte et le logo en blanc, mais le reste en noir charbon, y compris la tranche des pages, ce qui en fait un bloc des plus imposants.

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Un beau bouquin quand même !


Bref, magnifiques l’un et l’autre.

Le roman a aussi un site dédié, en Flash, réalisé avec les illustrations de Portia Rosenberg. Très dépouillé, il n’apporte pas grande information.
On notera que pour sa sortie en Livre de Poche, c’est la couverture négative qui a été retenue. Néanmoins, l’effet glacé diminue la puissance de ce noir.
Uniformité de la collection oblige, le dos est blanc avec le cartouche habituel pour le titre et l’auteur, et bien entendu le bord des pages n’est pas noirci… J’ai été surpris de voir aussi un sticker “prix des lecteurs” collé dessus, à croire que nous n’étions pas aussi peu nombreux que je ne l’aurais cru à en être venu à bout.
Ah, les mystères du marketing et moi…


Titre : Jonathan Strange & Mr Norrell (Jonathan Strange & Mr Norrell, 2004)
Auteur : Susanna Clarke
Traduction : Isabelle D. Philippe
Couverture : Portia Rosenberg
Éditeur : Robert Laffont
Collection : Roman
Sites Internet : la page du roman en version blanche ou noire
Pages : 863 (le roman s’arrête à la 842e)
Format (en cm) : 24 x 15,5 x 6
Dépôt légal : Mars 2007
ISBN : 978-2-221-10404-0 (version blanche), 978-2-221-10887-1 (version noire)
Prix : 23€




- La réédition au format poche :

Titre : Jonathan Strange & Mr Norrell (Jonathan Strange & Mr Norrell, 2004)
Auteur : Susanna Clarke
Traduction : Isabelle D. Philippe
Couverture : Portia Rosenberg
Éditeur : LGF
Collection : Le Livre de Poche
Site Internet : la page du roman
Pages : 1149
Format (en cm) : 17,7 x 10,8 x 5 (poche, broché)
Dépôt légal : Février 2008
ISBN : 978-2-253-11283-9
Prix : 10€



Nicolas Soffray
19 mars 2009


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La version « Livre de Poche » (2008).



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