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Mouche (La)
Film fantastique SF américain de David Cronenberg (1986)
4 juillet 2008, reprise (21 janvier 1987)

****



Genre : Fantastique – SF (remake, Monster Movie ?)
Durée : 1h36

Interdit au moins de 12 ans lors de sa sortie en salle

Avec Jeff Goldblum (Seth Brundle), Geena Davis (Veronica Quaife), John Getz (Statis Borans), Joy Boushel (Tawny), Les Carlson (Dr Cheevers), George Chuvalo (Marky), David Cronenberg (le gynécologue), etc.

Seth Brundle, brillant chercheur et inventeur d’un système inédit de téléportation, tester sa machine sur lui-même après une expérience réussie sur un primate.
Tentative risquée mais concluante, il est désintégré dans un premier habitacle et instantanément et totalement reconstitué dans un second, à quelques mètres de là.
Ce que ne sait pas Seth Brundle, c’est qu’une mouche s’était glissée avec lui dans le premier téléporteur et que sa machine n’étant pas faite pour gérer deux entités biologiques en simultanée, a tout bonnement décidé de les combiner lors de la phase de reconstitution.
Ce petit problème ne restera pas sans conséquences, évidemment !

Fort d’une solide reconnaissance obtenue auprès de la critique cinématographique, des fans d’imaginaire mais aussi auprès du grand public, David Cronenberg a quasiment les mains libres et les pleins pouvoirs pour se frotter à la réalisation de « La Mouche », remake officiel du film de 1958 intitulé « La Mouche Noire », The Fly) de Kurt Neumann.
Fidèle à sa réputation, le réalisateur canadien remplit avec brio tous les contrats induits par le projet qu’on lui avait confié.

Premièrement, David Cronenberg livre un film grand public, assimilable par le spectateur moyen. L’œuvre rencontre d’ailleurs un succès certain qui déclenche quasi immédiatement la mise en production d’une suite (« La Mouche II »). Une vision basique, type ras des pâquerettes, est donc possible et même conseillée au départ car il s’agit aussi d’une bonne aventure fantastico-SF pas obligatoirement compliquée. L’univers graphique utilisé privilégie les scènes nocturnes, se teinte de décors assez sobres d’où émergent quelques appareils, jamais structurellement détaillés, une haute technologie purement SF nimbe l’ensemble. Le scénario offre son lot d’émotions et de suspense, la réalisation efficace n’oublie pas de gérer ces paramètres avec un travail sur le son assez remarquable. C’est heureux et intelligent. Cela peut même être suffisant pour savourer un bon moment de distractions épicées.

Mais le réalisateur ne renie rien de ce qui a fait son originalité. Cinéaste de l’étude de la transformation physique des corps à la symbolique omniprésente, il trouve avec le sujet central de « La Mouche » un champ d’expression qu’il va explorer à loisirs. Chez Cronenberg, une mutation physique est toujours accompagnée d’un questionnement sur une éventuelle et possible transformation de l’esprit. Très souvent, le réalisateur décide que l’âme subsiste en tant que telle, certes perturbée et affectée par les événements, mais pas obligatoirement changée.
Qui plus est, la mutation tonitruante enclenchée par la fusion des deux corps “homme-mouche” ne se réalise pas en un seul coup. Tout d’abord, il y a des phénomènes vécus positivement par Seth Brundle : l’apparition de signes d’hyper puissance (activité sexuelle décuplée, capacités physiques hors norme, sens de la vue et de l’odorat exacerbés, etc).
Ensuite, une phase volontairement mystérieuse et à priori inutile survient (apparition de poils étranges, d’une sorte de glue au bout des doigts, etc). Le scénario devient alors franchement métaphysique et introspectif. Le scientifique passe du statut de héros vainqueur de l’impossible à celui d’éventuelle victime de ses recherches.
Toutes les pièces du puzzle sont à ce stade déjà présente afin que la dimension tragique puisse s’installer pleinement. Le troisième acte peut commencer.
Cette phase terminale, en forme de punition divine pour cet élève du Docteur Frankenstein qui s’est carbonisé au feu de la connaissance, est l’instant où le sujet assistera impuissant à une lente et graduelle désintégration de son enveloppe physique au profit d’une autre structure génétique.
Grâce à ces trois actes, le spectateur aura eu le temps de s’immerger dans une histoire dont la qualité principale est de provoquer un très haut degré de compassion pour Seth Brundle, personnage forcément incroyable, placé dans une situation extraordinaire.

Dans « La Mouche », de nombreuses scènes viennent confirmer cette volonté de ne pas rester à la surface des choses. Seth Brundle (Jeff Goldblum) s’interroge souvent sur ce sujet et cette question sera fondamentale dans le suspense tragique du film tout en accouchant -c’est le cas de le dire- du thème central de « La Mouche II ». Du coup, son amie Veronica Quaife (Geena Davis) tout en étant un personnage utile directement lié au suspense de l’histoire et de sa suite, apparaît effacée.
Certes, elle participe activement au fonctionnement du pouvoir d’identification que va créer l’intrigue auprès du spectateur lambda, mais il faut bien l’avouer, la performance de Jeff Goldblum écrase tout sur son passage. Avantage et inconvénient de la chose, on se focalise sur Mr “Brundle-Fly”, peu sur les autres rôles. Il s’agit du choix narratif imposé par le réalisateur et sans doute du seul éventuel point faible du film d’ailleurs.

Il est clair et évident que David Cronenberg « s’éclate » totalement dans un sujet qu’il fait sien. En choisissant de montrer tout ce qui est potentiellement montrable, il sacralise consciemment le corps de son héros à travers plusieurs scènes où l’acteur Jeff Goldblum est superbement filmé.
Mais Cronenberg ne serait pas lui-même s’il ne prenait pas autant de plaisir à détruire méthodiquement ce qu’il vient d’embellir. Ce que l’on peut comprendre comme une déchéance du corps accompagnée d’une déliquescence de l’âme, impression renforcée par la duretée des scènes et leur caractère quasi gore sur la fin, n’est que l’autre face d’une même pièce. Celle qui nous parle de l’homme, de ses espoirs, de ses échecs et de sa capacité à rester un homme… ou à devenir potentiellemment autre chose.

Certains ont vu dans la transformation tragique de Seth Brundle et dans son chemin de croix des allusions claires à l’épidémie du Sida en pleine expansion à cette époque. D’autres l’évocation d’un drâme familial...
Pourquoi pas. Ceci dit, quelques années plus tard, on aurait aussi bien pu y voir une critique des OGM et des problèmes que leur consommation pourrait créer, une étude sur la maladie de la « vache folle », etc. Allez savoir, on ne prête qu’aux riches...
Ce qui est certain, c’est que la parabole cinématographique se nourrit du sujet qui l’inspire et vice versa. Avec ou sans pandémies mondiales, David Cronenberg a toujours travaillé un unique sujet et il continuera à le faire sans doute ad vitam eternam (cf. le reste de sa filmographie).
De fait, il semble bien que la psyché créatrice du réalisateur soit la principale responsable de tout cela et que si justification il y a, elle soit plutôt à trouver au plus profond de David Cronenberg, dans ce talent inné qu’il déploie pour partir de plus intime afin de parvenir à l’universel.

Il est aussi intéressant de constater que tout en s’appropriant le film de Neumann comme s’il s’agissait d’une de ses propres créations, David Cronenberg ne dénature jamais son sujet et ne trahit ni le texte original, ni le film de 1958. On peut certes jouer au jeu des différences, mais force est de constater qu’elles se situent à la marge, dans les détails, dans la réactualisation d’un objet de grande consommation lié au temps qui passe, dans la différence des moyens techniques et cinématographiques.

La forme diffère, le fond est le même et Cronenberg signe tout à la fois un véritable remake de « La Mouche Noire » et un grand film d’horreur, épurant son sujet jusqu’à la corde pour susciter en nous un mélange d’émotions pures et une peur viscérale.

Grand film.

FICHE TECHNIQUE

Titre original : The Fly
Réalisation : David Cronenberg
Scénario : David Cronenberg, Charles Edward Pogue
D’après : l’œuvre de George Langelaan (ré édition GF, 2008) et le film « La Mouche Noire » (1958)

Producteur : Stuart Cornfeld
Coproducteur : Marc Boyman, Kip Ohman

Photographie : Mark Irwin
Musique : Howard Shore
Décors : Carol Spier, Elinor Rose Galbraith
Costumes : Denise Cronenberg
Coiffures : Ivan Lynch
Maquillages : Shonagh Jabour
Effets spéciaux : Chris Walas
Son : David Evans
Effets sonores : Jane Tattersall
Cascades : Dwayne McLean
Monteur son : Pat Calvert, Michael Followes, David Giammarco
Monteur : Ronald Sanders
Casting : Deirdre Bowen

Production : Brooksfilms (USA)
Distribution : Splendor Films (France, reprise 2008)
Presse : M. Olive (reprise, 2008)


Stéphane Pons
2 juillet 2008



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