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Redhand (T1) Le prix de l’oubli
Busiek & Alberti
Les Humanoïdes Associés


Les mariages internationaux se multiplient dans la BD et les Humanoîdes Associés sont souvent de la noce... Cette fois, l’Italien Mario Alberti dessine pour l’Américain Kurt Busiek. Le trait sensuel et longiligne découvert dans Morgana (2 tomes aux Humanos) rencontre une aventure créée par l’homme d’ Astro City , le complice de magnifiques albums réalisés avec Alex Ross !!!

Loin dans le futur une planète, une Cité, un vaisseau-monde...
Alberti croise alors le style d’un Bilal pour dépeindre en quatre pages l’attaque, l’attentat, l’explosion dans un vertige technologique. Pas un son, pas un mot, pas une bulle, que de l’action, essentielle et mortelle (comme certaines images vues et revues en boucles). Après le désordre, le chaos et peut-être l’anéantissement, le scénariste tourne la page pour annoncer la prophétie : « Un homme sans enfance, sans père, ni mère, sans même un nom viendra et il cherchera à tuer les dieux ! »

L’Héroïc Fantasy s’annonce, sur un monde renaissant de ses cendres, dans une fuite pour échapper à la mort ou à une vie d’esclave. Dans une crevasse, un lieu profane s’ouvre aux fuyards : des salles de métal, des tuyaux, des portes acérées. Sans doute la demeure des Anciens, peut-être un repère de Démons. Face à plusieurs peurs, l’homme choisit la moins précise. Dans le bunker un combat se fait enragé, celui de la survie et de la liberté, de la mort ou de l’esclavagisme. C’est là que sera libéré un guerrier d’un autre temps, un corps parfait contenu dans un “cercueil de verre”, une vision christique pour un homme sans nom, sans passé, sans mémoire. Il tue, vite, bien, sans peur et avec des techniques imparables. Après la tuerie, il est nu, hébété, les mains couvertes de sang... ceux qu’il vient de sauver vont le nommer Redhand.

Ce guerrier tatoué d’un oiseau de feu sur l’épaule, le front garni d’éclats de métal est adopté par le village, par presque tout le village ! Redhand veut se contenter de vivre, d’aider, de défendre, mais en ce territoire tribal, vite les “Dieux” vont creuser des fossés de méfiance parsemés de graines de haine et de rejet.

Sur ce premier tome, qui est en fait l’album de la naissance du personnage, Busiek s’attache à dégrossir sa créature. Comme ce Christ évoqué lors de la libération d’une cuve protectrice, Redhand est capable de miracles, d’amour, de partage, mais il n’est pas là pour tendre la joue ni ramasser d’autres baffes. La mort de l’ennemi est la seule issue qu’il envisage pour qui porte atteinte à sa sécurité. Il est fort, souvent juste, mais est enfant de l’attentat ! L’innommable s’est produit et, si sa mémoire est effacée, Redhand en conserve des stigmates sur le visage comme un écho affreux qui chante au fond de sa tête. Seul et contre tous s’il le faut, Redhand est enfant d’un pays fort qui a été atteint dans son sanctuaire !

L’Amérique du 11 septembre est là !

Quand le démon offre son visage hideux à ceux qui l’ont adoré, le scénariste dénonce les croyances fourvoyées et surtout l’aveuglement de disciples qui ne cherchent pas d’autre foi en la vie. Il n’accable pas, ne justifie pas. Il semble faire un terrible constat : le plus fort décimera forcément ceux qui l’attaquent. Et cela fera du bruit !
Dans cet album d’une rare violence (on pense à celle de certains mangas), l’auteur offre une vision d’une rencontre brutale de civilisations décalées par le temps et les cultures. Une vision sans vernis où le plus fort finit par l’emporter, ne laissant qu’une once d’espoir à celui qu’il a combattu.
La solitude s’ouvre alors à lui... Évolution, où es-tu ?

S’il est difficile de lire cette histoire comme une nouvelle fiction de Fantasy mâtinée de SF, les conclusions hâtives (voire irréfléchies) paraissent également déplacées.

Ce livre est d’une force rare car le talent d’Alberti y explose à chaque image, à chaque montage et construction de page. Alberti plaque la magie d’un graphisme dépouillé, qui cerne l’essentiel des corps, des mouvements et des formes. Le fil est sensible dans des espaces où l’image règne entre force des couleurs, puissance d’évocation et rythme narratif.
Chacun pourra y puiser ce qu’il recherche, il y a certes matière à polémiquer, mais un grand dessinateur s’impose (l’album compte au final peu de textes).

Et là où certain critique (BéDéKa) n’a vu que bain de sang totalement gratuit, beaucoup de questions se posent à l’homme, dans sa modernité comme dans ses croyances les plus absolues.
Le Monstre est là, sous des formes diverses, mais l’homme le supporte et surtout l’enfante !

Les Humanos, toujours très forts !



Fabrice Leduc
19 novembre 2004




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A mort les Dieux !



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