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À Deux Pas du Néant
Tim Powers
Denoël, Lunes d’Encre, roman, traduction (américain), fantastique et SF, 512 pages, janvier 2008, 25€

Quand cela se déroule en 1987, que la vie d’Albert Einstein a été réécrite, qu’interviennent la Kabbale, des démons, des amulettes, des pouvoirs psys, un poltergeist et une machine à voyager dans le temps, on ne sait plus comment qualifier ce long roman, entre uchronie, fantastique mythologique et science-fiction.



Mais d’abord il faut entrer dans cette histoire extrêmement confuse et assez mal écrite. Le style (et ce n’est pas la traduction, réalisée par un grand professionnel) est tordu et heurté, aucune phrase ne coule facilement et même les dialogues ne sont pas faciles à suivre, avec plusieurs personnages simultanément.

Les premières bribes d’éclaircissement d’une situation pour le moins énigmatique sont distillées après les deux cents premières pages. D’où la difficulté de résumer ce délire pourtant organisé.

Une vieille dame, Grammaire, meurt bizarrement au milieu d’un rassemblement de hippies à Los Angeles en 1987. Son petit-fils qu’elle a élevé, un prof de lettres veuf Frank Marrity, qui cite ses classiques en permanence, et sa fille Daphné (12 ans) entretiennent une relation psychique très étroite. Ils découvrent dans la cabane de Grammaire d’étranges objets dont une vidéo qui, quand Daphné la visionne, la met en transe. Du coup elle enflamme le magnétoscope et son nounours.

La suite est très compliquée. Sachez que cette Grammaire est la fille d’Albert Einstein, que celui-ci a inventé une machine à voyager dans le temps qu’elle cachait dans sa cabane, que Charlie Chaplin fait partie des protagonistes et que Frank et Daphné vont être poursuivis par deux groupes.
Les « gentils » sont des agents du Mossad, les services secrets israéliens. L’auteur a beaucoup de considération, voire de fascination pour eux et ce qu’ils ont fait (sentiments qui, si vous ne les partagez pas, peuvent énerver). Einstein était, dans cette uchronie, un sioniste convaincu mais qui n’avait pas fourni à Israël cette arme suprême permettant d’éliminer l’existence d’individus, de les « néantiser ». Il faut dire que cette machine fonctionne avec des mots hébreux en plus de l’électricité et de la relativité générale.
Les « méchants » sont les Vêpres, dirigés par un type à l’accent français nommé Denis Rascasse, qui peut se dématérialiser à volonté et observer le Monde depuis la cinquième dimension, à condition de faire des sacrifices humains pour attirer les bonnes grâces des démons qui y traînent. Dans ce groupe de méchants se trouve Charlotte, une aveugle voyant par les yeux des autres et qui, soudain, va changer de camp par amour pour Frank.
Le plus difficile à gérer pour Daphné et son père sera leur relation avec un autre personnage, plus vieux, qui ressemble étrangement à Frank.
Il y a aussi dans cette histoire des sortes d’esprits sans corps qui passent par la télé, des vrais fantômes, une tête coupée qui s’exprime par l’intermédiaire d’une tablette Ouija électronique, des apparitions de nourissons, un presque mort qui change de sexe, etc.

Ce récit est ce qu’il est convenu d’appeler un « thriller » : beaucoup d’actions et de rebondissements pendant trois jours entre la mort de Grammaire et son enterrement. Contrairement à ce à quoi on aurait pu s’attendre, cette course après cette machine temporelle est motivée, chez les protagonistes, plus par des raisons personnelles que pour sauver le Monde.

Alors oui, c’est « érudit » comme dit la quatrième de couverture. On cite Shakespeare, surtout « La Tempête », toutes les dix pages environ, et la Kabbale (ou le Talmud ?) très souvent aussi. On apprend plein de choses (vraies ou fausses ?) sur la vie privée d’Einstein. Il y a des explications fumeuses et quantiques sur le Temps, des discussions philosophiques de haute volée entre physiciens, des détails précis (vrais ou faux) sur la Guerre des Six Jours vue du côté israélien (évidemment) et bien d’autres choses parce que ce roman fait quand même 500 pages.

C’est indubitablement original dans le mélange des genres (même si la mayonnaise Einstein-démon Pazuzu peut ne pas prendre chez tous les lecteurs) et, malgré la difficulté pour l’auteur de s’y retrouver dans tous ces fils, le lecteur courageux qui finit le bouquin constate qu’on retombe, à peu près, sur ses pieds. Pour un happy end qui semble un peu décalé par rapport à tout ce qui précède.

Titre : À Deux Pas du Néant (Three Days to Never 2006)
Auteur : Tim Powers
Traduction de l’américain : Jean-Pierre Pugi
Couverture (souple) : Manchu
Éditeur : Denoël
Collection : Lunes d’Encre
Directeur de collection : Gilles Dumay
Pages : 512
Format (en cm) : 20,5 x 14 x 3,3
Dépôt légal : janvier 2008
ISBN : 978-2-207255947-4
Prix : 25€


Hervé Thiellement
20 février 2008


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