Je vous ai déjà causé (D&D 80) de la Bibliothèque de Babel, collection de littérature fantastique dirigée par Jorge Luis Borges, que les Éditions Panama ré éditent. Pour mes cadeaux de fin d’année j’ai reçu les bouquins parus à ce jour. Alors je commence par le numéro 1 qui regroupe trois nouvelles de Meyrink.
Le Cardinal Napellus est une histoire où une très ancienne secte liait pour la vie ses membres à une plante aux fleurs bleues, l’aconit napel, qu’ils nourrissaient de leur sang. Et on n’échappe pas à ce genre de destin.
La seconde histoire, Les Sangsues du Temps, raconte la recherche d’un homme qui veut connaître la signification d’une drôle d’inscription, « vivo », sur la tombe de son grand-père. Il apprendra que ce sont la foi et l’espérance qui nous font mourir et qu’on peut vivre très longtemps si on ne nourrit pas son double maléfique avec ses joies et ses espoirs.
La troisième nouvelle, Les Quatre Frères de la Lune, un document, est encore plus noire que les précédentes. De drôles de personnages, mi-morts mi-vivants entretiennent un culte particulier à la Lune. Ils discutent de ce qu’est devenu le monde à la veille de la guerre de 14. Je cite : « Pendant l’Age d’Or, quand les hommes manquaient encore de lumières, ils croyaient à ce qu’ils pouvaient concevoir. Petit à petit vint le temps où ils ne crurent qu’à ce qu’ils pouvaient manger. Maintenant ils ont atteint le sommet de la perfection : ils ne tiennent pour réel que ce qu’ils peuvent vendre. » Les hommes ne croient plus qu’aux machines qu’ils ont inventées. Ils deviennent ces machines.
Alors non, la philosophie de Meyrink n’est pas rose, pas du tout. Oubliez l’espoir et les désirs de bonheur. Mais ces histoires sont tellement riches d’intelligence et d’imagination qu’elles vous laissent pantois.
Évidemment, aujourd’hui, avec la matière d’une de ces nouvelles d’une vingtaine de pages, on pondrait des romans fleuves de 5 ou 600 feuillets.
C’est de la belle et véritable littérature fantastique, incontournable. Les auteurs en herbe ou plus vieux feraient bien de relire les classiques avant de nous faire mourir d’ennui avec leurs daubes fantasiques ou leur SF à la petite semaine. Ils hésiteraient plus longtemps avant de proposer leurs approximations à des dir litt’ aculturés ou dont le seul objectif est de faire de l’argent avec des fées et des dragons.
Et devinez qui est le traducteur ? Monsieur Marcel Schneider, grand écrivain français de l’imaginaire (réac, certes, mais qui a écrit, entre autres, Le Sang Léger).