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Ewers for ever
L’apprenti sorcier de Hanns Heinz Ewers
Délices & Daubes n° 74


Ce roman-là (Christian Bourgois, 1970) est le premier de Ewers, sorti en 1909 en Allemagne. Un peu moins facile à lire que Mandragore (D&D 72) mais profondément original et puissant. C’est le premier d’une trilogie avec pour personnage principal Frank Braun que l’on retrouvera dans Mandragore puis dans Vampir.

Ce Teuton pur jus (un doppleganger de l’auteur) a décidé de s’isoler dans un trou perdu des Alpes italiennes, le Val di Scodra, pour écrire une espèce de théorie sur l’origine de l’Homme et de ses races (eh oui , on est au début du 20e siècle). Mais il s’intéresse aussi à ce qui se passe dans ce village coupé de tout et notamment à une espèce de secte dirigée par « L’Américain », un autochtone revenu des Etats-Unis.

Pour tester sa supériorité intelectuelle aux dépens de ces êtres frustres, il va jouer avec eux. Tant pis pour lui et son orgueil, il finira par s’en mordre les doigts. Il commence par conforter le faux prêtre dans son délire, qui se prendra pour un prophète. Et il séduira la belle Teresa, la fille de l’immonde aubergiste qui, éperdue d’amour, se laissera hypnotiser.

Je ne vous raconte pas tout, il y a une maîtrise de la progression dramatique assez vertigineuse.

C’est un terrible pamphlet contre la religion et ses miracles, le pouvoir de l’intelligence sur l’innocence, mais c’est aussi un questionnement de cet athée hypercultivé (connaissez-vous la vie des saintes ?) sur ce qu’est sa place dans ce monde, à lui le rationaliste, et comment parvenir, si ce n’est à l’extase mystique, au moins au bonheur.

Comme dans Mandragore, après un rythme lent au début, les événements se précipitent et culminent dans un maelstrom d’érotisme, de sang et de fureur.

Bon, à mon humble avis, c’est un tout petit peu moins réussi que Mandragore, sans doute parce que je ne suis pas un fana de mystique et de philosophie. Aussi parce que cette « adaptation de l’allemand par Marc Henry et Charlette Adrianne » est bourrée de fautes (crucifiement pour crucifixion, par exemple), et de coquilles qui perturbent le vieux lecteur que je suis.

Quelques mots sur le bonhomme, pour finir : né à Düsseldorf en 1871, ami des anarchistes et amateur de Nietzsche, éditeur en Allemagne de Poe, Hoffmann, Balzac, Oscar Panizza, Alfred Kubin, entre autres, traducteur de Villiers de l’Isle Adam, grand bourlingueur en Asie et aux Amériques, interné aux Etats-Unis (militant allemand) pendant la Première Guerre. Il est boycotté de tous et interdit d’édition dès 1935, après sa sympathie passagère pour le nationalisme du parti nazi, qui le rejette parce qu’il n’adhère pas à leur anti-sémitisme (voir ses délires sur les races dans L’Apprenti sorcier, et la fin du bouquin où Frank Braun retrouve à Venise sa maîtresse Lotte Lévy).
Hanns Heinz mourra de tuberculose et de misère en 1943.
(Merci à « Prix Nocturne » et à wiki in English)


Henri Bademoude
12 octobre 2007


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(Christian Bourgeois Éditeur, 1970)



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Hanns Heinz Ewers



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