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Un génie allemand du fantastique
Mandragore de Hanns Heinz Ewers
Délices & Daubes n° 72


Il est des Maîtres, des Grands Maîtres et des génies en littérature. Enfin, c’est comme ça que je vois les choses. Fatigué par des lectures médiocres (voir le D&D de la semaine dernière, par exemple), j’ai ressorti de ma bibal une petite merveille de bouquin : Mandragore de Hanns Heinz Ewers (Christian Bourgois, 1970, traduction et préface de François Truchaud).

Ce bouquin est sorti en Allemagne en 1911, et en France dans les années 20. Oui il a bientôt un siècle mais, croyez-le ou pas, il n’a pas une ride. Pour la facilité de lecture, je veux dire. Pour le contexte, les relations sociales, évidemment c’est autre chose. Mais l’écriture est d’une telle finesse, d’une telle poésie, d’une telle virtuosité, que l’on se laisse entraîner sans aucune réticence et avec plaisir.

Alors oui, c’est du fantastique mais pas là où on s’y attend au vu du titre. Cette mandragore-là n’est pas le fruit de la semence d’un pendu et de la Terre, quoique, symboliquement on n’en est pas loin. C’est le fruit de la fécondation artificielle d’une belle putain rousse avec le sperme d’un condamné à la guillotine.

Mais quel résultat ! Un être d’une beauté étrange, androgyne, et qui, comme dans le mythe, apporte avec lui richesse et mort. Personne, homme ou femme, ne peut résister à son pouvoir de séduction. Elle -finalement c’est bien une fille- est le comble de la beauté, de l’érotisme et du Mal, mais elle est aussi la lumière où viennent se brûler les grands et les petits de ce monde, les intelligents et les bêtes, les gentils et les méchants. Et il y en a, à commencer par son père « créateur », l’immonde Jacob ten Brinken, et son opposé le trop beau et trop gentil Wolf Gontram. Il y a aussi la très riche et très grosse princesse Wolkonski, et sa fille Olga, raide dingue de Mandragore.

Et surtout, au début et à la fin de l’histoire, il y a Frank Braun, d’abord étudiant à l’esprit libre et fantasque, qui suggère, un jour de beuverie, l’idée de l’expérience à son ignoble oncle Jacob, et qui revient des années après, mûri et ayant tout connu en voyageant à travers le monde, pour s’empêtrer lui aussi dans les filets de cette étrange beauté.

C’est une formidable histoire d’amours (au pluriel) sur l’Amour (majuscule), le Mal et la Mort. C’est romantiquement fou (c’est allemand), c’est érotique, c’est à la fois vulgaire et poétique, immensément cultivé et très réaliste.

C’est remarquable. C’est beau. C’est un chef d’œuvre.


Henri Bademoude
29 septembre 2007


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Mandragore (Éd. Christian Bourgois)



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