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La vérité est dans la forêt
La forêt d’Iscambe de Christian Charrière
Délices & Daubes n° 66


Eh ben dis donc, voilà-t-y pas que je viens de me prendre une baffe comme rarement ces derniers temps. Une de celles qui font du bien en vous réveillant les neurones de la tête, qui vous les secoue et vous laisse pantois. Je viens de lire La forêt d’Iscambe de Christian Charrière, Points Fantasy, 2007, 501 pages, un OLNI, objet littéraire non identifié, inclassable et hors du commun, paru en 1993 chez Phébus.

Il faut d’abord passer outre les absurdités de la quatrième de couv’ annonçant un Tolkien français. Mais où les dir’ comm’ vont-ils chercher cette profondeur de bêtise ? D’abord, bien que paru dans une collection « fantasy », ce n’en est pas du tout. C’est de la SF post-apo, la France d’après les bombes. La Nature délire, les hommes aussi d’ailleurs.

Les habitants du village de la vallée d’Emeraude, quelque part au nord de la Loire, vivent au seuil de la grande forêt qui fait peur. Pas une haute futaie comme pourrait le laisser croire la couverture du grand Gustave Doré, plutôt une jungle impénétrable et dangereuse, peuplée d’insectes géants et de tristes clapattes, avec des plantes carnivores.

Deux « laineux » - des sortes de mystiques - un vieux, Le Fondeur, et un jeune, Evariste, débarquent dans le village car ils veulent se rendre à Paris. Pour ce faire ils doivent emprunter l’A6 dont on devine encore le macadam sous la jungle. Ils sont poursuivis par la blagoulette, la police du Bureau Prolétarien qui dirige la France depuis Marseille d’une poigne de fer. It’van l’archer blond du village s’engage à son tour dans la forêt pour les prévenir. Ils ne se retrouveront réunis qu’une fois parvenus à Paris, après moult aventures hautes en couleurs.

D’abord il y a la langue, travaillée et belle, pas du tout ennuyeuse, drôle et inventive. Ensuite il y a l’humour, omniprésent mais qui n’empêche pas l’action ni la poésie. Et il y a l’imagination, les trouvailles, les jeux avec les mots et les idées. Au-delà des aventures et péripéties, il y a aussi la recherche mystique de la vérité intérieure, de l’accord du Haut et du Bas... Et la construction de toute une religion à partir des stations-service !

Et c’est sans compter sur les personnages extraordinaires : le Docteur Kho-Kho, le marmouset (confident de Blanche-Boudine la reine des termites), les clapattes, ces êtres mi-humains mi-végétaux que délivrera Evariste avec ses tenailles, une limace grande comme une colline, des nains durs en affaire, l’arbre-mère et son horrible mari, etc.

J’en ai déjà trop dit. Courez vous acheter ce livre invraisemblable et indispensable. Plus qu’un délice, un chef-d’œuvre.


Henri Bademoude
11 août 2007


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