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Un drôle de livre par un drôle d’auteur
L’intersection Einstein de Samuel R. Delany
Délices & Daubes n° 57


Il y a quelques semaines, en vous parlant d’un livre écœurant et vomitif d’un certain Piccirilli (D&D40), je faisais référence à un autre bouquin bien dégueulasse, Vice versa de Samuel Delany. Je vous avais alors promis d’en dire plus sur Samuel. Dont acte, j’ai relu L’intersection Einstein, Opta, collection « anti-mondes », 1977, 220 pages.

Pour du zarbi, c’est du zarbi. A la fois très facile à lire et très difficile à comprendre. C’est l’histoire d’un être casi-humain, Lo Lobey, sur une Terre du très lointain futur où tous les vivants sont mutants, à différents degrés mais quand même bien atteints pour la plupart. Ils peuvent avoir quatre bras ou un seul œil mais aussi des pouvoirs psychiques comme la télépathie ou la télékinésie ou d’autres. Il y a des mâles (dont le nom est précédé de Lo), des femelles (La) et des androgynes (Le), qui doivent mélanger au maximum leurs gènes pour que survive l’espèce. La génétique basique fait partie de leur enseignement.

C’est aussi une ré écriture du mythe d’Orphée où le héros narrateur part à la recherche de sa bien aimée Friza, morte étrangement. Dans ce drôle de monde certains ont le pouvoir de faire revenir les morts, comme Kid la Mort, un rouquin très puissant et très méchant, ou Green-eye, un haploïde gentil. Il y a aussi Spider, l’homme araignée qui conduit les troupeaux de dragons et, à la fin, Colombe, une femme fatale.

L’écriture est étrange et parfois très belle. La narration est originale : les chapitres sont précédés de citations de Genet, de Sartre, de Sade, de Joyce, de Bob Dylan, des Beatles, de la Bible, etc. Le Samuel a 25 ans quand il publie ce bouquin mais il a déjà lu un paquet de trucs. Et même de la science, puisque son explication finale du futur qu’il nous décrit fait intervenir ce cher Albert, comme l’indique le titre, mais aussi un certain Gödel qui aurait démontré mathématiquement que tout est dans tout, y compris l’irrationnel dans le réel.

Bon, c’est dur à intuiter pleinement, avec le mélange des mythologies grecque et western (il y a un minotaure et des sortes de cow-boys), le journal de l’auteur en Grèce où il écrit son roman, les références multiples et les explications elliptiques, pour finir sur l’éternelle interrogation de la séparation du Réel et de l’Imaginaire. Et, comme je vous le disais, tout ça dans une langue simple et belle qui coule toute seule. Si vous voulez vous cultiver, vous pouvez lire ce que papa Klein en disait dans sa préface de la ré édition en Livre de Poche, il y a dix ans.

Bon, maintenant, quelques mots sur le bonhomme, aujourd’hui prof d’université, né en 1942, surdoué de la musique (très importante dans le bouquin) et de l’écriture. Il publie son premier roman à 20 ans et reçoit très tôt deux prix Nebula : en 1966 pour Babel 17 et en 1967 pour L’intersection Einstein. C’est un double minoritaire : un des très rares afro-américains écrivains de SF et un militant homosexuel. C’est aussi un type à l’ego surdimensionné qui fait l’apologie de la pédophilie et d’autres pratiques sexuelles d’humiliation et de soumission. Alors chacun ses goûts mais, même si j’admets qu’il a du talent, et peut-être plus que ça, même si j’ai adoré ses bouquins dans ma jeunesse folle, je ne le trouve pas sympathique.


Henri Bademoude
9 juin 2007


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