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YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Robert Charles Wilson au pays de Cézanne.
Librairie de Provence (Aix-en-Provence)
Interview exclusive du Prix Hugo

C’est un Robert Charles Wilson affable, attentif, et presque timide qui, à l’invitation de la Libraire de Provence, a accepté de se prêter aux questions des amateurs de SF présents à Aix-en-Provence.

C’est l’occasion de revenir sur le parcours littéraire et créatif du Prix Hugo de cette année (2006), justement primé pour son roman « Spin » (Denoël, Lunes d’Encre).




Après une lecture de morceaux choisis de « Spin » en français, l’auteur lui même se mettait en devoir de briser la glace par l’évocation de quelques anecdotes :

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Robert Charles Wilson et Gilles Dumay

Un jour j’ai reçu par courriel la version en hébreu d’un des mes romans. J’ai dit à ma femme « Regarde, j’ai écrit la Bible ! »
- Une amie a aussi vu toutes les traductions de mes livres et elle a dit : « Tu dois être très intelligent pour pouvoir lire ces livres dans toutes ces langues ».
J’ai répondu : « Oui ! »

Robert Charles Wilson est une personnalité qui ne manque ni d’humour, ni d’humanité, ce qui, finalement, ne surprendra pas ses lecteurs outre mesure.
La preuve avec cette interview exclusive made in Yozone !

Yozone : L’interaction avec les personnages est importante pour vous. Plus que la SF elle-même ?

Pour moi, c’est inséparable ! Je n’écris pas sur le futur, mais sur la manière dont les gens le vivent. C’est ma façon d’enquêter sur les idées que de confronter les lecteurs à ces questions. Dans la plupart de mes romans, les gens sont face à l’inconnu. [La relation frère-sœur] est une bonne solution pour obtenir des personnages contrastés. Après tout, nous avons quasiment tous une famille, c’est une valeur commune à l’humanité. Même quand il s’agit de familles « dysfonctionnelles ».

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« J’ai toujours été fasciné par la SF ! »

Alors, Robert Charles Wilson auteur de SF ou pas ?

J’ai toujours été fasciné par la SF. Et en tant qu’écrivain, je ne pouvais pas ignorer cette fascination. Un collègue canadien, John Stuart, a l’habitude de dire que la SF c’est notre ville natale, l’endroit où l’on habite. On ne peut pas quitter sa maison et je n’ai pas du tout honte d’écrire de la SF. Certes, c’est un genre littéraire moins prestigieux, mais avec une histoire très colorée, vivante !
Il y a une blague qui dit : « L’âge d’or de la SF » ? 12 ans ! D’une certaine manière, c’est très intéressant. Ça n’a rien de péjoratif ! Cette littérature parle beaucoup à « l’enfance ».

Est-ce que le fait de recevoir un Prix Hugo change quelque chose dans votre approche de l’écriture ?

J’espère bien que non ! Je n’écris pas pour les prix. Le rapport entre l’écrivain et la page est étranger à cela.
Pour être honnête je ne pensais plus l’avoir. J’ai grandi en sachant que ça existait, et avec la sensation que c’était lié à des livres qui étaient importants pour moi.
En fait, j’étais même certain de ne pas l’avoir ce prix Hugo. C’était ma quatrième nomination et je n’avais pas préparé de discours. Du coup, je suis monté sur l’estrade et j’ai seulement dit : « Si j’avais pu penser que j’allais l’avoir, j’aurais quand même mis mes bonnes chaussures ! »
Bon, c’était aussi une bonne surprise. Comment ne pas être heureux d’obtenir cette récompense ?

Le point de départ de votre dernier roman « Spin » ?

Je pense qu’il est né de ma fascination pour l’immensité du temps et de l’espace. Ce sont des idées que j’avais depuis longtemps... Et puis tout cela s’est assemblé et a fini par constituer une histoire.

Prévoyez-vous d’écrire une suite à « Spin » ?

Au départ, « Spin » n’a pas besoin d’une suite. Le roman se tient tout seul même si la fin est ouverte. Mais je n’ai pas résisté à la tentation d’explorer d’autres pistes via une future trilogie. Les suites seront très différentes de « Spin » y compris dans le troisième volume.
Bon, j’ai toujours renâclé à l’idée d’écrire une trilogie. C’est Oscar Wilde qui disait : « Tout le monde ne peut pas écrire un livre en trois volumes, ça requiert une complète ignorance de l’art et de la vie ! »
Je suis à presque d’accord avec lui... En fait, mon souhait était d’explorer les mondes qui sont créés à la fin du roman ainsi que l’interaction entre l’homme et les forces qui sont au-delà de la compréhension. Donc, « Axis » (tome 2, annoncé pour juin 2007 -NDLR) sera plutôt un roman policier, l’action se déroulant sur le même monde que « Spin » mais 30 ans plus tard. L’histoire d’une femme qui passe le portail pour mener une enquête sur la disparition de son père.

Est-ce qu’on saura ce qui s’est passé sur Mars ?

On découvrira certaines choses dans « Axis » et plus encore dans « Vortex » (tome 3), mais on ne saura pas tout. J’aime beaucoup la sous intrigue des Martiens présente dans « Spin » et j’ai vraiment envie de la développer.
Il y a aussi une allusion dans cette histoire qui fait penser aux rapports USA-Canada. Tout particulièrement, la scène ou le Martien décrit sa planète comme un monde où le climat est dur mais les gens amicaux. Et un des personnages s’exclame : « Tiens, on dirait le Canada ! »

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Et la psychologie des Martiens sera elle aussi fouillée que celle des humains ?

Il y aura un personnage martien dans « Axis ». C’est un personnage à part dans sa civilisation car il est difforme. En fait, ce personnage ressemble à une Terrienne ! Il a donc beaucoup de problèmes avec la culture martienne et notamment quant à la régulation de la vie sur Mars. Il n’aime ni les gens du quatrième âge, ni la mécanique de la culture martienne. Ce conflit est conçu pour donner une certaine profondeur au personnage.
Sur le fond de votre question, tous les écrivains aspirent à savoir ce qui se passe dans la tête de leurs personnages. Le plaisir de l’écriture tient aussi dans cette exploration du pire et du meilleur de nous-mêmes. On peut, via ses créations, confesser des péchés que l’on n’a pas commis !

« C’est très amusant de jouer avec l’histoire ! »

Trois de vos romans sont des uchronies ? Cette approche thématique semble importante pour vous.

L’uchronie -la divergence- est un des moteurs les plus intéressants de la SF. Le postulat de départ c’est que la SF parle de changement. Or nous vivons dans le présent. La SF devient donc un moyen très efficace pour comprendre que le passé était aussi un endroit très différent. Par conséquent, on peut penser que le futur sera aussi un endroit très différent. Et le présent “pourrait être” un endroit très différent.
En un sens, ce sont des uchronies car l’histoire est une série de petits évènements qui peuvent changer le cours des choses. C’est un lieu commun mais on a tendance à l’ignorer. La SF et les histoire de mondes alternatifs nous obligent à revenir vers ces réalités. En plus, c’est très amusant de jouer avec l’histoire !
Dans « Mysterium », les habitants du monde parallèle qualifient le catholicisme qu’ils découvrent de « judaïque ».
Ils pratiquent eux-mêmes une religion chrétienne étrange. Que s’est il passé dans cet univers ?
On vit avec la notion de chrétienté, mais c’est le résultat de décisions humaines concernant d’anciens textes. Au moment où j’ai écrit « Mysterium », je lisais des livres sur les gnostiques valentiniens. Il y avait aussi un grand courant aux USA, un peu new-age, sur le sujet. Il m’a semblé qu’il y avait une vérité là-dedans et que tout mouvement religieux peut devenir répressif. C’était ma façon de prendre l’image d’une chrétienté idéale et de la renverser.

Dans « Spin », la religion paraît occuper une certaine place comme en écho de ce qui se passe actuellement aux USA avec le débat permanent entre les théories de l’évolutionnisme et du créationnisme ?

Actuellement, j’écris un livre dont le titre sera « Julian » et qui portera sur la religion en Amérique du Nord. Dans « Spin », j’essaie de montrer comment les gens affrontent l’inconnu. Cela ne se réduit pas à la fascination pour la science ou la religion. Il y a des personnages désespérés, d’autres opportunistes. Mais il y a quelque part, j’en suis convaincu, quelque chose au plus haut niveau de l’univers qui est indifférent à ce que nous faisons. C’est probablement la vérité la plus dure à accepter. Je viens à peine de m’en rendre compte, mais c’est l’indifférence de l’univers à notre égard qui doit terrifier les gens.

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« Je n’essaie pas d’imposer ma vision du futur ! »

Alors, optimiste ou pessimiste ?

Les deux ! je n’essaie pas d’imposer ma vision du futur. J’essaie d’être réaliste. Je crois que l’humanité a un grand potentiel en tant qu’espèce. Que va-t-elle faire de ce potentiel ? Je n’en sais rien...

Paradoxalement, vous n’avez pas écrit beaucoup de romans qui se déroulent dans le futur. Pourquoi ?

C’est vrai, mais « Julian » se situera au 22ème siècle. Suite à une catastrophe écologique, les USA seront revenus à la technologie du charbon et seront dirigés par un sorte de régime théocratique !
La plupart des lecteurs ne se rendent pas compte a quel point c’est difficile d’écrire sur le futur. Combien il faut maîtriser de savoirs différents pour arriver à quelque chose de valable. En fin de compte, j’ai une grande admiration pour les écrivains qui parlent bien du futur et je vais essayer de faire aussi bien.

Est ce que vous lisez beaucoup de SF ?

De moins en moins. En fait, c’est Kim Stanley Robinson qui dit que nous serions meilleurs écrivains si nous arrêtions de nous lire les uns les autres !
J’essaie donc de lire quelques auteurs de SF mais aussi des textes qui n’ont rien à voir avec le genre. Mes recherches me prennent également beaucoup de temps. Mais c’est la SF qui m’a appris à aimer la littérature et je ne peux pas la laisser de coté.

Votre Top-3 des romans de SF ?

« La Machine a Explorer le Temps » de H.G. Wells et « Un Cantique pour Leibowitz » de Walter M. Miller (un chef d’œuvre, on confirme ! NDLR) puis peut-être une nouvelle de Ray Bradbury... mais bon cela serait certainement différent le mois prochain !

Robert Charles Wilson a obtenu les prix :
- Philip K. Dick Award en 1994 pour « Mysterium » (J’ai Lu SF)
- Aurora :
- 1996, nouvelle « The Perseids »
- 1999, roman pour « Darwinia » (Lunes d’Encre & Folio SF) également nominé pour le prix Hugo
- 2004, roman pour « Blind Lake » (Lunes d’Encre)
- John W. Campbell Jr Memorial Award en 2002 pour « Les Chronolithes » (Lunes d’Encre), lui aussi nominé pour le prix Hugo.
- Hugo 2006 (catégorie roman) pour « Spin » (Lunes d’Encre)

Remerciements particuliers à Gilles Dumay (éditions Denoël, Lunes d’Encre) sans qui rien de tout cela n’aurait été possible. Un grand merci également à toute l’équipe de la Librairie de Provence (Aix) pour son aide, son accueil et l’organisation de cette rencontre entre Robert Charles Wilson et ses lecteurs hexagonaux.

Ah, si tous les passionnés pouvaient avoir d’aussi bonnes idées et se donner la main ainsi !

SUR LA YOZONE

Critiques de
« Spin »
« Darwinia » & « Mysterium »

SITES INTERNET

Robert Charles Wilson (en Anglais, site officiel)
Denoël, Lunes d’Encre
Folio SF
J’ai Lu SF

Aménagements graphiques : Stéphane Pons

Interview :


Maître Sinh
16 mai 2007


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Spin : Prix Hugo 2006 (Denoël, Lunes d’Encre).



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Axis, la suite de Spin à venir dès juin 2007 !



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Le Grand Wells et...



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Et le chef d’oeuvre de Miller : ses romans préférés !



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