Quand il pleut ou qu’il neige, que vous n’avez pas envie de passer du temps avec des gens plein de microbes de grippe même pas aviaire chez votre épicier habituel (FNAC ou équivalent), de ces gens mal polis qui toussent et éternuent sans mettre la main devant la bouche, mais que vous avez une bibliothèque bien fournie, faites comme moi, relisez vos classiques. Aujourd’hui au programme : Maître Theodore Sturgeon, icône de l’Age d’Or de la SF.
Cristal qui songe (The dreaming jewels, 1950) a été traduit en français en 1952 par Alain Cartigny pour la collection Le Rayon Fantastique chez Gallimard. C’était pas hier, hein ? Mon édition est celle du CLA, Opta, 1969. Et ben, croyez-le ou pas, ça n’a pas vieilli de l’ombre d’un iota.
L’écriture est alerte, fine, au service d’une histoire totalement originale. C’est plutôt du fantastique que de la SF, si on excepte l’origine des cristaux. C’est surtout une jolie fable sur la différence, un conte moral sur la définition de l’humanité. C’est aussi une histoire d’amour, entre deux êtres à part, le héros Horton (ou Horty ou Horthense) et la naine Zena.
L’essentiel se passe dans le milieu des forains, dans les caravanes où coexistent avec tendresse et solidarité tous ces phénomènes (nains, homme-serpent, homme-poisson, chat à deux queues, etc.) sous la direction cruelle de Ganneval, un psychopathe qui hait l’humanité.
La fin du roman ressemble à un thriller, on a vraiment la trouille pour les gentils. Et même si la fin heureuse est un peu décevante, en voilà un bon bouquin qui se lit d’une traite. Un classique qui tient la route et la distance malgré son demi-siècle bien tassé. Et ce n’est pas le cas de tous, loin s’en faut. Allez, cultivez-vous, lisez Theodore !
Le roman suivant, Les plus qu’humains (More than human, 1953) est très différent du premier. Il nous fait admirer les différentes palettes du talent de Sturgeon. Mais la thématique centrale est la même : qu’est-ce que l’humanité ?
On y retrouve les enfants battus, les parents rigides, pudibonds et pervers, la solitude. La première partie est celle que j’ai préférée, où l’on voit se constituer cet Homo gestalt, quand se rassemblent un simple d’esprit, deux jumelles noires capables de téléportation, une petite fille douée de télékinésie et le cerveau électronique, un bébé mongolien. Tous ces rejetés du monde des hommes vont se rencontrer pour vivre à l’écart, entre eux.
Dans la deuxième partie l’idiot Tousseul meurt accidentellement, il est remplacé par un gamin qui a la haine. Vieilli et calmé, il nous raconte son histoire depuis le divan d’un psy. Dans la troisième partie, c’est un autre encore, un surdoué celui-là, qui retrouve progressivement la mémoire. Tous se posent (et nous posent) des questions sur la nature humaine, la morale, l’éthique.
C’est parfois un peu donneur de leçons mais ça passe bien quand même. L’habileté de l’auteur y est pour beaucoup. Et, comme le roman précédent, le bouquin finit sur une note d’espoir, sur un credo dans l’avenir de l’humanité.
Celui-là est, amtocha, un peu moins réussi que l’autre et, de temps en temps, on sent qu’il a été écrit juste après la guerre. Mais çà reste un excellent moment de lecture, original, prenant, délassant et intelligent. Et, je vous le demande, qu’est-ce que vous attendez d’un roman ?
Les illustrations du CLA sont de Raymond Bertrand. Pas mal, hein ?