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Bifrost n°118
La revue des mondes imaginaires
Revue, n°118, nouvelles - articles - entretiens - critiques, avril 2025, 192 pages, 11,90€

Après l’enfant terrible de la SF Harlan Ellison, « Bifrost » se lance dans un dossier consacré à un autre auteur fort en gueule, Français celui-là, Ayerdhal, décédé voilà une dizaine d’années. Sa coupe légendaire, ses prises de position sur la défense des auteurs, ses écrits éminemment politiques mais sans que cela nuise au plaisir de lecture, son accessibilité et sa gentillesse, autant de caractéristiques qui empêchent quiconque de l’oublier une fois qu’il l’a croisé.
La revue ne pouvait faire l’impasse autour de cette étoile française de la SF.



“Scintillements” apparaît comme un bon exemple de son œuvre. Les humains ont trouvé un ennemi dans l’espace, un adversaire à vaincre coûte que coûte pour assurer l’hégémonie de la Terre. Voilà des siècles que cette guerre dure, les forces s’enfoncent dans le territoire ennemi, mais la prise d’une planète laisse les militaires sans voix. Ils en appellent à un xénologue pour comprendre la réaction des Batiks. Cette nouvelle remue pour le moins avec ce qu’il découvre sur la planète. Pourquoi ont-ils réagi ainsi ? Les militaires ont leur propre interprétation, toute militaire, au contraire du civil plus ouvert sur autrui, car ayant moins de préjugés. Dénonciation du problème à se comprendre, à échanger, de la volonté expansionniste des hommes jusqu’à l’absurde. Vaincre ou périr, pas de troisième voie. Ayerdhal savait mettre le doigt où ça fait mal. Un texte fort et une belle porte d’entrée dans son imaginaire.

Le dossier débute et se termine par deux extraits de l’interview fleuve accordé à Richard Comballot dans le cadre du recueil « Scintillements » au Diable Vauvert. Ayerdhal, de son vrai nom Marc Soulier, a grandi à Lyon et a commencé à lire très tôt de la Science-Fiction, car son père possédait, d’après ses dires, la deuxième collection de ce genre en Europe après Pierre Versins. Il a pas mal bourlingué, exercé plusieurs métiers, gagnant à l’occasion très bien son existence, avant de prendre un nouveau départ et de s’orienter vers la carrière d’écrivain. L’homme s’avérait étonnant, capable de tout.
Ce portrait est étoffé par divers intervenants. Jean-Claude Dunyach a co-écrit « Étoiles mourantes » avec lui et a signé la préface, reprise en ces pages, du recueil « La logique des essaims ». Sara Doke qui fut sa compagne dans les dernières années raconte comment il était engagé dans la défense des droits des auteurs, ne se contentant de loin pas au seul manifeste “Le Droit du Serf”. C’était un homme de convictions dont l’œuvre se nourrissait de ses engagements personnels. Marion Mazauric, son éditrice chez J’Ai Lu, puis au Diable Vauvert, répond à de nombreuses questions pour parfaire le portrait de l’homme et de l’auteur.
Chacun de ses livres est chroniqué et, à partir de « Transparences », Ayerdhal s’est davantage orienté vers le Thriller, connaissant un plus grand succès public, mais comme il est signalé en entame, s’est révélé moins convaincant dans ses écrits, moins à l’aise que dans le pur cadre SF.
La bibliographie concoctée par Alain Sprauel permet de faire le point sur tout ce qu’il a écrit et sûrement de voir ce qu’il manque encore dans sa collection personnelle.
Ce dossier se révèle très instructif, mettant en avant une étoile de la SF française qui s’est éteinte bien trop tôt.

Au rayon Fictions, ce « Bifrost » débute par une longue nouvelle de Daryl Gregory, un auteur dont le Bélial’ a déjà publié quelques romans voilà bien des années. “Je Ne Suis Pas Malade Juste Mad”, titre dont les majuscules ont leur importance, se déroule alors qu’un vaisseau extraterrestre arrive sur Terre et plus précisément dans le ciel de Toronto. Panique, destructions, mais pas de quoi empêcher Tatie Mads de déménager son imposant canapé Monsieur Dodo, avec l’aide de Tindal et de El Cap. Il s’agit d’une histoire improbable pétrie d’humour, d’inventivité, de surprises en tout genre, faisant feu de tout bois pour un plaisir de lecture de tous les instants.

Suit “Aussi longtemps qu’il faudra” de Ray Nayler qui, pour moi, souffre de la comparaison avec cet avenir extrapolé du présent et de ses innombrables catastrophes climatiques. Certains travailleurs suivent cette vague, reconstruisant sans cesse, avant de recommencer. Un de ces hommes attend la retraite dans une maison qu’il pense à l’abri. La fin apparaît assez convenue, comme l’ensemble. Ray Nayler est un auteur qui me déconcerte, car certains textes m’emballent (“Père”, “Sarcophage”), alors que d’autres comme “L’hiver en partage” ou le présent texte me laissent indifférent. Finalement je ne sais jamais sur quelle face je vais tomber...

Ce trimestre, la parole est donnée à la traductrice Hélène Collon, qui s’est justement occupée de la nouvelle de Daryl Gregory. La rubrique “Scientifiction” fête sa centième apparition et, pour l’occasion, son maître d’œuvre Roland Lehoucq revient sur le problème à trois corps. Presque quarante pages de chroniques complètent ce numéro.

Le dossier Ayerdhal avec ses articles, entretiens... accompagnés de “Scintillements” et le remarquable long texte de Daryl Gregory justifient amplement de se jeter sur ce « Bifrost ».


Titre : Bifrost
Numéro : 118
Rédacteur en chef : Olivier Girard
Couverture : Pascal Blanché
Illustrations intérieures : Afif Khaled, Krem et Anthony Boursier
Traductions : Hélène Collon (Je Ne Suis Pas Malade Juste Mad) et L’Épaule d’Orion (Aussi longtemps qu’il faudra)
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, nouvelles, entretien, etc.
Sites Internet : le numéro 118, la revue (Bifrost) et l’éditeur (Le Bélial’)
Dépôt légal : avril 2025
ISBN : 9782381631738
Dimensions (en cm) : 15 x 21
Pages : 192
Prix : 11,90€


Pour contacter l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
16 mai 2025


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Une dédicace en disant long sur son engagement.



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