Thorgal
Un nom qui résonne depuis des décennies dans la tête des amoureux de la bande-dessinée. Même si vous n’avez jamais lue cette série mythique, vous connaissez son visage, avec cette cicatrice très reconnaissable.
Fan depuis que j’ai 9 ans, j’ai grandi avec les aventures de cet enfant des étoiles dans un monde où les Dieux et les Vikings se déchirent.
Dans le cadre de la grande rétrospective sur son créateur Rosinski, la Galerie Daniel Maghen avait organisé un petit déjeuner en présence de Grzegorz et de son fils Piotr Rosinski.
Pendant quasiment deux heures, Grzegorz Rosinski est revenu sur son parcours de création et a pu répondre à toutes nos questions. Son fils a pu éclaircir certains points sur la carrière de son illustre père.
Durant la mise en place de cet événement matinal, je me suis rapprochée de Piotr pour lui poser quelques questions.
Quel était votre personnage préféré enfant ?
« Blueberry, me répond-il souriant. »
Et dans l’œuvre de votre père, vous lisiez Thorgal ?
« Oui, bien-sûr. j’ai toujours eu un faible pour la gardienne des clés ».
C’est à 13 ans qu’il découvre ce personnage - sa physionomie aidant -, il tombe sous son charme.
Nous continuons l’échange.
Nous évoquons les Thorgal Sagas (4 albums parus a Lombard) - ces histoires qui s’inspirent des personnages de “Thorgal” et/ou d’un événement précis pour le développer.
Êtes- vous heureux de ce développement de la série ?
« Oui, je suis très heureux de ce travail. »
Démarchez-vous des scénaristes et des dessinateurs ou bien viennent-ils vous solliciter pour participer ?
« Les deux ».
Contrôlez-vous le travail opéré ?
« Nous échangeons beaucoup pour que cela soit en lien et en accord avec les valeurs de la série. J’aime voir les planches pour pouvoir alerter les auteurs sur les proportions des personnages. J’aimerais d’ailleurs qu’un jour, un album soit dédié à la gardienne des clés. Un album porte son nom mais nous n’avons pas assez de regard sur qui elle est vraiment. »
Scénaristes à vous de jouer !
Grzegorz arrive. Tous les regards et l’attention se portent sur lui. J’ai l’honneur de lui serrer la main.
La visite commentée démarre devant les planches et les peintures de Thorgal, des Complaintes des landes perdues, du Chninkel et du Comte Skarbek.
Presque deux heures de découvertes, d’informations, de partages qui éclairent le travail de Rosinski.
Lui qui dit « Je suis un type qui n’a aucun style », nous avoue son aversion pour cette maxime des écoles des beaux arts qui donne ce conseil à chaque artiste « cherche ta personnalité ».
De son travail, il n’est jamais satisfait. Il a le culte du détail et aime illustrer, dessiner, expérimenter. Son fils nous livre une phrase, qui l’avait marquée, enfant, quand il demandait à son père comment il faisait pour dessiner : « quand je dessine un arbre, je deviens cet arbre ; quand je dessine un cheval, je deviens ce cheval ». C’est cette crédibilité et cette lisibilité que l’on peut voir transpirer dans le travail d’illustrateur de Rosinski.
Quand Rosinski a commencé à dessiner “Thorgal” - qui devait s’appeler à la base Ragnar - il ne connaissait rien au monde des Vikings. Il a tout créé et imaginé.
Il ne développe pas plus d’affect sur ces personnages que sur la pierre dessinée. Lui l’amoureux du XIXe siècle et de ses peintures, ne déploie pas comme Dumas en amour pour ses personnages.
Enfant, il n’avait pas accès aux bandes dessinées, il créait lui-même ces propres pages dessinées dans le format qui lui plaisait.
Pour pouvoir les redécouvrir, il mettait ses dessins de côté pour mieux les oublier et se replonger dans l’histoire et les dessins.
Au début de Thorgal, Rosinski vivait encore en Pologne au-delà du rideau de fer. Ce n’était pas une mince affaire pour communiquer avec Van Hamme.
Les échanges épistolaires prenaient du temps. Les courriers se perdant, la famille eut peur que le gouvernement ou la poste ne soient les responsables.
Après moult péripéties, les Rosinski se sont retrouvés en Belgique où Grzegorz a pu exercer son métier en sécurité.
Ce que l’histoire ne dit pas c’est que ces planches finalement ne faisaient aucune convoitise de la part de la poste ou du gouvernement mais c’est le directeur de Tintin de l’époque qui les subtilisaient…
De son emménagement en Belgique, il put rencontrer d’autres dessinateurs comme Franquin, qui s’inspira de leurs discussions pour tester et créer son fameux ouvrage les idées noires. « j’étais comme dans un dîner de cons et le con c’était moi… »
Il travaille longuement, la réflexion, la réalisation sont des phases qui se construisent dans le temps. Une planche peut prendre 2 ans avant de voir le jour. On apprend au fil de la discussion que la cicatrice de Thorgal est un hommage à Piotr son fils, qui a 4 ans est tombé et s’est blessé. D’ailleurs cette cicatrice, il lui ait arrivé de l’oublier et de la mettre sur Aaricia…
“Le grand pouvoir du Chninkel” emmène au monde miniature. “Les Complaintes des landes perdues”, parenthèse entre les tomes de “Thorgal”, ne le conduisent pas assez loin de cet univers du viking pour pouvoir perdurer dans le temps et se terminent au bout de 4 tomes.
Sioban a été inspirée par un amour de jeunesse de Grzegorz.
Lorsque “La Vengeance du comte Skarbek” arrive, Grzegorz s’identifie à cet homme. Il souhaite peindre des pirates, les scénaristes entendent son désir et lui servent sur un plateau ce scénario qui allie les passions de l’artiste.
Pour ce nouveau défi, Rosinski veut peindre, il n’arrive pas à dessiner comme à son habitude. Son fils, le voyant bloqué, lui emmène la plus grande des feuilles qu’il avait dans son atelier et lui donne.
La créativité s’est alors libérée. Les planches pour “La vengeance du comte Skarbek” sont immenses, toutes en couleur, magnifiques, somptueuses.
Le retour à Thorgal ne peut être un retour à la normale, la couleur fera désormais partie du processus de création.
Il continue à dessiner puis laisse la main à d’autres pour se concentrer sur les couvertures, toujours autour de l’expérimentation de la matière.

Celui qui a dit qu’il était un type sans style a révolutionné la bande-dessinée avec ses multiples œuvres. Cette rétrospective est sûrement la dernière dans une galerie, mais l’enfant des étoiles n’est pas près de nous abandonner.
À lire sur la Yozone :
Rosinski - Rétrospective autour de Thorgal
Thorgal Saga (T2) Wendigo
Thorgal Saga - Adieu Aaricia
Thorgal (T28) Kriss de Valnor
Thorgal (T29) Le Sacrifice
Thorgal (T30) Moi Jolan
Thorgal (T34) Kah-Aniel
Thorgal (T35) Le feu écarlate
Thorgal (T38) La Selkie
La jeunesse de Thorgal (T8) Les deux bâtards
Grzegorz Rosiński - Peinture pour Thorgal (T1) La Magicienne trahie
Grzegorz Rosiński - Peinture originale autour de Thorgal (T4) La Galère noire
Grzegorz Rosiński - Peinture pour Thorgal et l’Ermite de Skellingar
Thorgal revient dans le Grand Nord
Thorgal : le Sacrifice
Thorgal et Rosinski, l’Artbook de 40 ans d’aventure
Thorgal, l’application Compagnon
Thorgal contre les vendeurs d’armes !
Remerciements à la Galerie Daniel Maghen / Crédits photos Ingrid Etienne