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Fantômes d’Ogura
Hubert Delahaye
L’Asiathèque, Liminaires, nouvelles, 122 pages, troisième trimestre 2024, 9,90 €

Après « Lettres d’Ogura », « De Thé et d’amour » et « La Statue de Chaojue », Hubert Delahaye propose un quatrième volume dans la collection « Liminaires » de L’Asiathèque. Un ouvrage qui revient sur l’univers du petit village japonais décrit dans les « Lettres d’Ogura ».



« Son nom est resté sur la porte, parce qu’on n’enlève pas un nom si facilement et que même un mort a le droit de garder une adresse postale. »

Dans « Lettres d’Ogura », Hubert Delahaye décrivait le petit village d’une vallée isolée du Japon, un endroit presque hors du temps, loin de la frénésie et de la technologie, où la vie s’articulait encore autour des traditions. À travers la vie paisible d’une vieille dame, l’auteur disait le quotidien de ce village, l’entraide, la sérénité, l’harmonie. D’une certaine manière, « Lettres d’Ogura » pouvait apparaître comme une littérature de la lenteur – la lenteur d’un monde en train de doucement disparaître – mais aussi comme celle d’une résistance qui ne disait pas son nom, l’inertie douce des personnages encore vivants mais qui, à leur rythme qui déjà était celui d’un monde révolu, basculaient sans bruit dans le passé. Ce « Fantômes d’Ogura », en poursuivant de manière inattendue cette démarche dans l’au-delà, s’inscrit donc dans la droite ligne des « Lettres d’Ogura ». C’est en effet ici la même vieille dame, qui, une fois défunte, avec la même sérénité parfois teintée d’une once d’inquiétude, observe un monde qui s’enfuit et se délite.

« Elle peut entendre, sortir et voir, même dans l’obscurité, mais pas fermer les portes. Ce n’est pas très grave : elle peut passer à travers, de toute façon. »

Dans les « Lettres d’Ogura », beaucoup tournait autour de la maison, ce lieu très privé, expliquait l’auteur, qui est un “espace personnel indispensable et irréductible où ne peut entrer qui veut.” Mais ici, la maison semble hélas, malgré les visites espacées de la famille, être elle aussi en train de devenir peu à peu un fantôme. Inhabitée, elle devient un autre lieu, comme un lieu de mémoire. Une sorte d’attracteur à souvenirs, mais où bien des choses peuvent encore arriver.

« Et si, par dépit, ils s’étaient transformés en démons ? Cela arrive avec les objets qui se croyaient aimés et que pourtant on abandonne. »

Deux types de souvenirs sont en effet ici considérés, ceux des évènements d’une part, mais aussi d’autre part les objets du quotidien qui ne sont plus que des souvenirs, et qui, par dépit de n’être plus utilisés pourraient devenir spectaculairement autres, comme cela arrive dans le folklore japonais. C’est par exemple le cas de ces parapluies en papier huilé dont la narratrice gardait dans son entrée une véritable collection et dont elle craint à présent qu’ils ne deviennent des entités maléfiques.

Mais l’espace intérieur de la maison n’est pas, pour le fantôme de la vieille dame, le seul élément à considérer. C’est en effet à travers une variété des thèmes dont témoignent les titres successifs des chapitres – “La Maison”, “La Famille”, “Le Lieu”, “Le Temps”, “L’Espace”, “Le Monde”, “Les astres”, “ L’Univers”, “L’Enfer”,“Le Paradis” – que le fantôme partage ces considérations sur un monde qui après son trépas continue sur sa propre lancée. L’on peut ainsi voir le fossé des générations abordé de manière posthume – la mort semble-t-il ne le réduit pas plus que l’âge – et apprendre ce que l’au-delà réserve à ceux qui s’y retrouvent, par exemple les inconvénients d’être un fantôme – il n’est plus possible de savourer une tasse de thé – mais aussi les avantages – on n’est plus mouillé sous la pluie.

Délicat, tendre, sensible, souvent à fleur de peau, ce « Fantômes d’Ogura », qui déploie l’éventail du goût des gens et des petites choses, des relations humaine universelles et des bonheurs simples que l’on trouve dans la nature ou dans l’observation du quotidien, s’achève sur une fin subtilement amenée et joliment réussie. Élégant petit volume avec couverture à rabats, ce « Fantômes d’Ogura », comme le faisait « Lettres d’Ogura », appartient au registre d’une littérature lente, apaisante, discrète, qui jamais ne recherche l’esbroufe ou l’effet.


Titre : Fantômes d’Ogura
Auteur : Hubert Delahaye
Couverture : Hariti / Jean-Marc Heldin
Éditeur : L’Asiathèque
Collection : Liminaires
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 123
Format (en cm) : 10 x 18
Dépôt légal : troisième trimestre 2024
ISBN : 9782360573981
Prix : 9,90 €



L’Asiathèque sur la Yozone :

- « La Statue de Chaojue » d’Hubert Delahaye
- « Le Magicien sur la passerelle » de Wu Ming-yi
- « Encore plus loin que Pluton » de Huang Chong Kai



Hilaire Alrune
5 septembre 2024


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