Cette Heure-Lumière nous conduit dans une drôle de direction : pas dans l’espace, pas dans le futur, pas dans les arcanes de la technologie... mais dans le milieu de la mafia juive à New-York en 1929. Seul élément relevant de l’imaginaire : la magie associée au tatouage. Ici, un tatouage n’est pas innocent, il confère au tatoué un pouvoir, directement en lien avec le talent du tatoueur. Hinky veut faire de Kid Wolf un champion de boxe et, pour atteindre les sommets, elle use de ce subterfuge pour qu’il ait un avantage sur son adversaire. Comme chacun éprouve des sentiments pour l’autre, cet art en est renforcé.
Kid Wolf et Kraken Boy sont tous les deux Juifs, homosexuels, ils ont connu une vie compliquée et Hinky leur offre le moyen de sortir la tête de l’eau. Ses motivations ? Pas facile de les cerner. Elle s’est élevée bien au-dessus de sa condition d’ouvrière et elle milite toujours pour cette cause, soutenant les femmes dans leur combat contre les patrons. Elle a toujours dû batailler pour se faire une place dans un monde d’hommes.
Dans ce milieu, pas facile pour les deux tourtereaux de vivre leur homosexualité car, aussi bien leur milieu religieux, leur entourage que la société de l’époque réprouvent leur relation. Celle-ci n’est pas sans leur poser un autre problème, car les succès de Kid Wolf et donc d’Hinky, éveillent la jalousie des concurrents, c’est-à-dire des autres gangs, désireux de conserver leurs zones d’influence. Hinky dispose d’un plan, forcément, mais quel est-il ? Comment s’en sortir, alors que l’étau se resserre autour d’elle ?
Pour Sam J. Miller, les tatouages ne sont pas uniquement décoratifs, ils offrent aussi du pouvoir. C’est là l’aspect le plus intéressant de ce roman, sûrement le plus long de la collection. À la fin, même si on peut la juger rapide, le lecteur appréhende la portée réelle de cette magie, jusqu’où elle peut mener. D’ailleurs, est-ce vraiment elle qui est mise en avant dans ce roman ? La relation homosexuelle entre Kid Wolf et Kraken Boy n’est pas présentée de manière platonique, l’auteur décrit la montée de la passion entre les deux, leurs rapports charnels et l’on peut hésiter sur ce qu’on lit vraiment. Combien de fois n’ai-je pas regardé la couverture en pensant aux romances arborant des hommes torses nus en couverture ? Ce parti pris s’avère déstabilisant, car en lisant un livre de la collection, ce n’est pas forcément ce qu’on attend. En plus des amateurs habituels attachés à Une Heure-Lumière, l’ouvrage s’adresse à un public plus vaste, féminin dirais-je en pensant aux lectrices de romances et de romantasy.
Pour autant, même si elle nous sort de notre zone de confort, la lecture s’avère plaisante. Trois personnages forts se dégagent de ce récit : Kid Wolf, Kraken Boy et Hinky, trois êtres vivant leur passion et désireux de faire changer les choses. En cela, le tatouage prend tout son sens. Sam J. Miller lui donne une autre dimension avec une touche de magie, capable comme l’amour de renverser les situations.
Un ouvrage de la collection surprenant, qui peut déstabiliser mais qui ne laisse pas indifférent.
Titre : Kid Wolf et Kraken Boy (Kid Wolf and Kraken Boy, 2022)
Auteur : Sam J. Miller
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Michel Pagel
Couverture et conception graphique : Aurélien Police
Éditeur : Le Bélial’
Collection : Une Heure-Lumière
Numérotation dans la collection : 52
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 184
Format (en cm) : 12 x 18
Dépôt légal : mai 2024
ISBN : 9782381631356
Prix : 12,90 €
Du même auteur :
La cité de l’orque
Derniers titres chroniqués de la collection :
39. « La millième nuit » d’Alastair Reynolds
40. « La Maison des Jeux, tome 2 : Le voleur » de Claire North
41. « L’Héritage de Molly Southbourne » de Tade Thompson
42. « La Maison des Jeux, tome 3 : Le maître » de Claire North
43. « Connexions » de Michael F. Flynn
46. « Le dernier des Aînés » de Adrian Tchaikovsky
47. « La peste du léopard vert » de Walter Jon Williams
48. « Barbares » de Rich Larson
49. « Sweet Harmony » de Claire North
50. « De l’espace et du temps » d’Alastair Reynolds
51. « La marche funèbre des marionnettes » d’Adam-Troy Castro
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