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Oreille Interne (L’)
Robert Silverberg
Folio SF, N°265, roman, traduction (USA), 334 pages, janvier 2007, 6,60€

David Selig est télépathe. Cependant, il considère ce don comme une calamité. Sa vie est une catastrophe totale, sa solitude quasi absolue. Quasiment personne avec qui partager ce secret et toujours, ces pensées étrangères qu’il entend, bien malgré lui.
Et pourtant, et pourtant... Le jour où ce fameux pouvoir commence à disparaître, son désarroi est immense. Si la seule chose qui le distinguait des autres s’enfuit, que sera-t-il, sinon un fragment du néant ?




Classique parmi les classiques, « L’Oreille Interne » de Robert Silverberg a été maintes fois édité ou réédité (Ailleurs et Demain, Livre de Poche, J’ai Lu, etc.).
Néanmoins, le roman était indisponible depuis plusieurs années et seulement réservé aux adeptes des bouquinistes ou aux internautes chercheurs chanceux.
Il faut dire que quand on a lu ce chef d’œuvre, il ne risque pas de quitter votre bibliothèque. La énième réédition en Folio SF, dans l’excellente traduction originelle de Guy Abadia, tombe donc à pic.

Écrit dans les années soixante-dix, ce récit sur l’introspection mentale et psychologique d’un individu doué d’un don extraordinaire, parle aussi beaucoup de l’auteur -qui traversait à l’époque une de ses grandes périodes de doute.
Continuer à écrire, s’arrêter, produire pour produire, finalement, la grande question que Robert Silverberg triturait dans tous les sens (et qu’il transpose dans son roman) est assez simple : un don, si intéressant soit-il, suffit-il à justifier et à remplir une existence ?
Alors, qu’on soit télépathe ou écrivain, la différence est finalement mineure...

David Selig, télépathe malgré lui, a ainsi le même âge que l’écrivain au moment de la rédaction du roman. C’est un juif américain, tout comme Silverberg, a peu ou prou suivi le même cursus universitaire dans la même fac et se pose évidemment les mêmes questions que l’auteur.
Malheureusement, David Selig considère la télépathie comme la pire des monstruosités. Pas assez arriviste pour l’utiliser à des fins purement mercantiles ou personnelles, trop gentil et bon pour duper ou espionner ses contemporains, cette fonction unique n’est finalement qu’un « acte voyeuriste » imposé à un individu qui n’en veut pas !
Pourtant, étrangement, le jour où le don de David Selig commence à s’évanouir, le phénomène entraîne un désespoir encore plus grand du personnage. Et l’on comprend alors que l’auteur se pose, à travers son personnage, les grandes questions qui pourraient changer la trajectoire de son existence... Si l’on remplaçait le mot « télépathie » par « écriture », le raisonnement, le roman, fonctionnerait à l’identique.

Cela dit, même sans savoir tout cela, le traitement de l’intrigue est brillant, intemporel. Utilisant l’alternance des séquences de dialogues classiques avec de longs monologues, très intimes, parsemant le texte de nombreux flash-backs sur le passé du héros, l’écrivain touche au cœur et provoque une identification -douloureuse- du lecteur. Si l’on peut rapprocher « L’Oreille Interne » d’un roman comme « Camp de Concentration » de l’américain Thomas Disch (ou comment devenir un génie sous la contrainte), Robert Silverberg se détache de son confrère par l’originalité de son écriture et par la profondeur des émotions qu’il évoque et suscite. Partant, « L’Oreille Interne » évoque un compagnonage d’humeur beaucoup plus flagrant avec un autre classique, le magnifique « Des Fleurs pour Algernon » de Daniel Keyes.

Il ne se passe pas deux pages sans que nous retrouvions une sensation déjà éprouvée au cours de notre vie, comme un instant fugace sorti d’on ne sait où et jamais oublié. Une petite chose aussi personnelle et marquante que l’émergence d’une pensée surgissant au coin d’une rue sans crier gare et arrêtant brutalement votre marche, vous plongeant dans un océan de perplexité existentielle...

Beau, émouvant, unique, « L’Oreille Interne » n’a pas pris une ride et reste un grand moment de plaisir littéraire.
Œuvre déchirante, cathartique (sans doute), témoignage sur la « renaissance » d’un esprit, tout se termine par un sourire et un grand au revoir joyeux.

Donc, à l’image de David Selig/Robert Silverberg, c’est ici que nous vous lançons de confraternels « salut, salut, salut ».

Titre : L’Oreille Interne
Auteur : Robert Silverberg
Traduction de l’Américain : Guy Abadia
Couverture : Illustration de Damien Venzi
Collection : Folio SF, n°265
Catégorie : F8
Éditeur : Gallimard
Site Internet : Folio SF - Robert Silverberg
Format (en cm) : 11 x 1,8 x 18 (poche)
Dépôt légal : 4 Janvier 2007
ISBN : 978-2-07-031937-4 (A 31937)
EAN : 9 782070 319374
Prix : 6,60€


Stéphane Pons
16 janvier 2007


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