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Traduction vers le rose
Esmée Dubois
Les éditions 1115, Novella, fantasy, deuxième trimestre 2023, 130 pages, 9€

« Traduction vers le rose », voilà un livre des éditions 1115 trompeur. Son titre, sa couverture à dominante rose avec ce décor fleuri, sans oublier son résumé, ont suffi à orienter ma pensée : ce n’est pas pour moi ! D’emblée, je l’ai écarté, estimant ne pas être bon public pour une telle œuvre. Les mois passant, il est resté dans un coin, oublié. Puis, son apparition dans la liste des nouvelles/novellas francophones sélectionnées pour le Grand Prix de l’Imaginaire l’ont fait remonter à la surface. Il se remarque d’autant plus qu’il s’agit du seul ouvrage de la liste n’appartenant pas au Bélial’. Déjà une performance en soi ! La curiosité aidant, impossible alors de faire l’impasse...



Au pays de Sable, tout se passe bien jusqu’à ce qu’une tempête déracine et emporte une partie des plantes abritant la mémoire de ce peuple. Quelque temps après, une vague de froid sans fin s’abat sur cette contrée la condamnant à mourir à petit feu. Heureusement Begga, la fille de Reine, apporte une solution. Du fait de son insensibilité, elle est capable de tirer du froid de la chaleur selon un étonnant procédé.

Esmée Dubois met en scène de nombreux personnages féminins : Reine et sa sœur de lait Markowèfe, obligée de s’occuper de Begga dont Reine ne veut pas. Son insensibilité perturbe, demande une surveillance constante et, pourtant, de ce handicap naît l’espoir, celui d’une vie qui peut se poursuivre. Pour autant, cette capacité ressemble aussi à une malédiction pour certaines, car être insensible revient à avoir des responsabilités envers Sable. Impossible d’y déroger, la survie du peuple est à ce prix. Elles sont d’ailleurs nombreuses à être enrôlées de force pour le bien de l’ensemble, souvent après dénonciation. On peut parler du sacrifice de certaines au profit du plus grand nombre. Et toujours des femmes, la plupart aigries par leur sort, d’autres fatalistes. Y a-t-il une place dans cette société pour les hommes ? Ou incarnent-ils un mal dont les femmes se sont débarrassées ? L’auteure détrompe le lecteur avec le grand-père d’une traductrice qui apporte son réconfort à cette dernière. Il apparait plein de bonté, montrant que finalement la cohabitation est possible et existe.

« Traduction vers le rose » abonde en belles images, en passages à même de toucher les lecteurs. Le froid anesthésie les corps, mais rend les esprits plus affutés, plus concentrés sur l’essentiel. Les années passent, Sable s’accroche à cette chaleur, synonyme de survie, mais tirée d’un art cher en sacrifice de soi. La jeune traductrice Aude illustre à merveille cette solitude, cette responsabilité forcée et destructrice. Impossible de rester insensible face à cette situation inhumaine rendue obligatoire par la force des événements. Mais d’où vient ce froid ? Pourquoi ne cesse-t-il jamais ? Y a-t-il seulement une explication ?

Esmée Dubois mène admirablement ce court roman plein de sensibilité et de poésie, elle signe une histoire ensorcelante qui ne s’oublie pas. Le lecteur ne peut que se laisser bercer par cette douce musique, ce froid enjôleur auquel on a envie de s’abandonner, même si on sait qu’il est fatal.
« Traduction vers le rose » s’avère envoûtant, beau tout simplement. Même l’objet est plaisant avec ces dessins par-ci par-là, des silhouettes abritant des mots serrés et rappelant comment le froid peut être traduit en chaleur. Superbe !


Titre : Traduction vers le rose
Auteur : Esmée Dubois
Photo de couverture : 2023 © Victor Yale
Éditeur : Les éditions 1115
Collection : Novella
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 130
Format (en cm) : 11 x 15
Dépôt légal : deuxième trimestre 2023
ISBN : 9791097100933
Prix : 9 €


Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
11 avril 2024


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