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Monstres (Les), tome 2 : Jamais un Héros...
Vanessa Len
Lumen, roman (Australie), romance & fantastique, 657 pages, septembre 2023, 17€

A la fin de « Seul un monstre... », Joan est parvenu, grâce à son étrange pouvoir, à changer la Chronologie. Dans la nouvelle ligne temporelle, sa famille est vivante et il n’y a plus de Héros, donc Nick est un jeune adulte ordinaire qu’elle s’efforce de ne pas fréquenter. Hélas, des Monstres reviennent, s’en prennent à Joan et Nick, les emportant dans l’avenir. Renouant avec Jamie Liu et son père, les seuls à se souvenir de ce qu’elle a fait, Joan se retrouve confrontée aux conséquences de ses actes : Aaron, comme il l’avait prophétisé, aide ses ennemis à la traquer, tandis que Nick pose beaucoup de questions.
Joan reconstitue sa petite équipe d’amis, même si certains peinent à croire son histoire ou les bribes qu’elle veut bien avouer, pour se confronter à Eleanor, celle qui manipulait Nick et l’a forgé en tant que Héros. En effet, dans une fenêtre sur un autre temps passé, Joan l’a vue reine à la place du Roi des Monstres, et ces derniers traitant les humains comme du bétail.



Dans ce second volume, un peu plus long que le premier, Joan doit à nouveau lutter contre les modifications de la ligne temporelle, car visiblement, quelqu’un n’a pas apprécier qu’elle en fasse elle-même ! D’autres de ses proches sont tués, et Nick, qu’elle voulait épargner, se retrouve à nouveau mêlé aux affaires des monstres. Joan essaie de ne pas briser sa sacro-sainte règle de ne rien révéler à un humain, mais leur passé commun et leur potentiel lien d’âmes soeurs ne l’aident pas à cacher la vérité à Nick. Plus elle retarde certaines révélations, comme la façon dont les monstres moissonnent le temps des humains pour voyager, plus elle risque une réaction violente de Nick. Et ça ne manque pas.

Vanessa Len nous livre un personnage cohérent, coincé entre ses différentes loyautés, qui réalise très vite que la catastrophe est inévitable. Plus les retrouvailles sont nombreuses avec ses « anciens » amis, plus la présence de Nick est problématique, déclenchant des prises de positions tranchées dans la communauté. Astrid Liu, qui se souvient de la ligne précédente où elle était alliée à Nick, met Joan devant ses responsabilités : l’absence du Héros provoque la fin du monde ou l’avènement d’Eleanor.
A partir du milieu de ce volume, il commence à devenir compliqué de suivre le principe des différentes lignes temporelles, entrevues par les fenêtres des Ali. Tout comme dans les derniers chapitres, la notion d’urgence de stopper Eleanor demande une sacrée souplesse d’esprit : s’ils peuvent aller et venir dans la ligne temporelle, il demeure une sorte de « temps réel » dans lequel l’autrice s’empêtre, faute sinon de faire s’effondrer une bonne partie de son univers.
On a déjà écrit 100 fois que les histoires de voyages dans le temps sont délicates, cette saga des « Monstres » le confirme ici. Il faudra fermer les yeux sur certains incohérences quantiques (aussi appelées « grand n’importe quoi ») et se concentrer sur l’aventure et le triangle amoureux qui se reforme bon an mal an avec Aaron.

Car c’est en effet sur l’aspect relationnel que l’autrice maîtrise son sujet. Joan est confrontée à Nick qu’elle aime, ou du moins au souvenir du Nick qu’elle aimait, a trahi et tué face à un autre Nick qui s’éloigne d’elle au fil des révélations sur les monstres. Quoi qu’elle fasse, qu’elle dise, c’est toujours trop tard, maladroit, mal tourné, et le jeune homme intelligent, écho du Héros forgé dans la douleur, se fait une opinion assez tranchée des Monstres, les mettant tous dans le même panier, refusant les œillères que Joan avait conservées, obligeant la jeune Sino-Britannique à ne plus se voiler la face.
En face, Aaron, dont on découvre le passé et la relation conflictuelle avec son père, le patriarche Oliver, lui fait assez vite confiance, convaincu par des détails connus d’eux seuls, des révélations qu’il n’aurait pu confier qu’à une amie très proche. C’est l’occasion de recomposer la généalogie des familles, saisir les mélanges et les mariages, et les apports de pouvoirs qui vont avec.
Tout cela se noue parfaitement avec le cœur de ce second tome, la vérité sur le pouvoir de Joan, différent des autres Hunt, et celui des Liu : autrefois, il y avait une 13e famille, les Grave, que le Roi a disgracié et effacé de la Chronologie... Bon, rien de très original, tout cela est très américain, tout comme les liens du coup évidents entre Joan et Eleanor, même si on remercie les speechs de révélation finale de la Grande Méchante pour y voir clair. Tout finit le plus mal possible du point de vue de notre héroïne qui, en modifiant le temps, a déclenché la fin du monde (rien de nouveau là non plus, le petit caillou a provoqué ô surprise une avalanche). On bénit donc ce temps « élastique selon les besoins de l’intrigue » qui permettra à nos jeunes Monstres de sauver le monde qu’ils ont mis en péril dans un troisième et dernier volume à venir.

Donc, c’est distrayant parce que bien rythmé, et même plutôt palpitant si on ne réfléchit pas trop. Les tiraillements sentimentaux de Joan, les retrouvailles avec les personnages qui ont tout oublié et/ou changé de camp, le monde qui a subtilement changé, les pouvoirs qu’on découvre davantage rendent agréable la lecture. Certes, c’est un rien longuet pour nous dire que certains choix égoïstes (sauver sa famille) peuvent avoir des conséquences bien plus graves (l’esclavage des humains), mais pas forcément désagréable. Joan, un pied dans chaque monde, peut-elle les réconcilier ? Alors qu’elle ne sait même pas qui elle est ? Ce petit message philosophique se voit contrebalancé par une conclusion hollywoodienne à la « tout ça faisait partie du plan » un rien trop facile, comme pour rattraper aux branches une intrigue de lignes temporelles qui ne tient plus debout.

J’ai à la fois hâte de lire la suite et peur d’avoir (encore) oublié les détails du tome précédent quand il sortira...


Titre : Jamais un héros... (never a hero, 2023)
Série : Les Monstres, 2/3
Autrice : Vanessa Len
Traduction de l’anglais (Australie) : Mathilde Tamae-Bouhon
Couverture : Eevien Tan
Éditeur : Lumen
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 657
Format (en cm) : 23 x 15 x 4,5
Dépôt légal : septembre 2023
ISBN : 9782371023734
Prix : 17 €


« Seul un monstre... »


Nicolas Soffray
12 janvier 2024


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