Peu d’auteurs de SF ont entrepris d’écrire une histoire du futur, tant la tâche paraît insurmontable et risquée. Une telle chronique exige en effet, en sus d’une imagination fertile, de la rigueur, l’habileté d’un horloger et le sens de l’épopée.
On citera bien sûr Robert Heinlein et Cordwainer Smith qui se lancèrent en leur temps dans l’aventure avec le succès que l’on connaît. En France, Michel Demuth s’y essaya et c’est à nouveau un écrivain bien de chez nous qui relève ce défi. Patiemment, celui-ci brosse, livre après livre, l’histoire à venir de l’humanité, d’abord cantonnée dans le système solaire (SysSol) avant de s’aventurer un peu plus loin...
Jean-Christophe Gapdy a déjà livré quatre tableaux de sa monumentale tapisserie et deux autres sont annoncés pour très bientôt. « Les gueules des Vers » qui ouvre le cycle pose le décor et met en scène quelques personnages de référence. Sur le plan des influences, on relèvera un mélange étonnamment homogène entre celle d’un Ben Bova pour l’aspect hard-science et d’un Philip K Dick pour la partie plus déroutante des effets consécutifs à la pénétration des Vers.
Ces Vers sont des singularités qui mettent en relation des régions lointaines de l’univers. La première découverte est faite dans la région des Astéroïdes (la Troyenne) et est franchie accidentellement par une petite navette de secours fuyant un cargo de l’espace abordé par des pirates. Cette singularité n’est pas une simple porte. Elle obéit à une mécanique qui lui est propre et étrangère aux lois classiques de la physique. L’auteur décline ainsi toute une cosmologie qui dénote un goût certain pour la science avancée, Cependant, cette œuvre ne propose pas qu’un aspect « space-opéra ». Jean-Christophe Gapdy construit aussi un édifice social tout à fait vraisemblable, un futur dans lequel les passions et les affrontements n’ont rien à envier à ceux d’aujourd’hui. Ce contexte est même enrichi par l’existence d’une technologie pointue où hologrammes, androïdes, IA et autres gadgets biomécaniques ont la part belle. Dans cet univers de haute technologie, la dimension politique est très présente. Les machinations, arrière-pensées cupides ou intéressées, convoitises et trahisons renforcent la vraisemblance de cette construction ambitieuse.
Le lecteur pourra être dérouté par le dédoublement de certains personnages ou objets, phénomène provoqué lors de la traversée des Vers et qui complexifie l’intrigue. Les hommes - un en particulier qui ne se prénomme certainement pas Dick par hasard - vont peu à peu comprendre ou tout au moins en savoir un peu plus sur la physique des Vers, L’expérience leur apprendra à quelle vitesse et sous quel angle il convient de les aborder sans finir en bouillie pour permettre à l’humanité de s’étendre hors du système solaire.
Tracer les grandes lignes d’une histoire à venir demande du souffle et fait appel à un certain don visionnaire. « Les gueules des Vers » bénéficie de ces qualités. Nul doute que cette œuvre, une fois achevée, fera date, cette fois-ci, dans l’histoire de la SF française.
Titre : Les gueules des Vers
Auteur : Jean-Christophe Gapdy
Couverture : Jean-Félix Lyon
Éditeur : Rivière Blanche
Directeur de collection : Jean-Marc Lofficier
Site Internet : roman (site éditeur)
Pages : 395
Format (en cm) : 12,5 x 20,3 cm
Dépôt légal : 2018
ISBN : 9781612277684
Prix : 25 €