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En Un Autre Pays
Robert Silverberg
Folio SF, N°264, États-Unis, Nouvelles, 380 pages,

Des touristes temporels qui arrivent à Londres avant un grand cataclysme, la découverte de ruines archéologiques inconnues sur une planète morte, des éruptions volcaniques qui embrasent la Californie, un navigateur spatial humain prisonnier d’une race extraterrestre dans un étrange labyrinthe dont il ne peut s’échapper seul.
Quatre textes (quatre novellas) pour un résultat engageant : deux réussites assez exceptionnelles et deux galops forts bien tournés.




Robert Silverberg est incontestablement un des auteurs les plus passionnant à habiter la planète SF. Tout d’abord, il a livré quelques uns des plus beaux textes du genre (« Les Ailes de la Nuit », « Un Jeu Cruel », « Le Fils de l’Homme », « L’Oreille Interne », « Le Livre des Crânes », « Les Monades Urbaines », etc.), il a ensuite révolutionné la Fantasy avec sa série consacrée au monde de « Majipoor ». C’est également un novelliste accompli, maniant aussi bien l’art de la short-story que les courses de demi-fond si atypiques que sont la novella (plus court qu’un roman mais plus long et élaboré qu’une nouvelle).

« En Un Autre Pays » présente donc quatre “novellas” d’inspirations très variées. Trois sont totalement inédites en France (“Cache-cache”, “Ça Chauffe à Magma City” et “L’Arbre dans le Ciel”). La première, “En Un Autre Pays” qui donne son titre au recueil, a déjà été présentée et traduite par Jacques Chambon, éminent connaisseur et ami de l’écrivain, ainsi que grand Monsieur de l’édition française (malheureusement décédé en 2003 -cf. le numéro 71 de la revue « Lunatique » à ce sujet). Toutes sont précédées d’une courte présentation de Robert Silverberg, expliquant succintement le contexte créatif de chaque réçit.

Le tout cerne assez parfaitement les nombreuses qualités et les rares défauts d’un auteur toujours intéressant et souvent brillant. À savoir, une richesse thématique rare (voyages dans le temps, space opera, anticipation réaliste ou cataclysmique, SF poétique, etc.), une passion évidente pour l’étude des sentiments et des émotions de ses héros ainsi qu’une densité littéraire et stylistique affirmée.
L’écriture coule et n’ennuie jamais (totalement maîtrisée et très professionnelle). L’écrivain américain sait faire preuve d’une rare clarté narrative et trône souvent au Panthéon du genre.
Mais Silverberg a aussi son petit “talon d’Achille”, parfois apparent dans des fins rapides, voire exécutées comme si, arrivé à ce stade terminal d’une histoire, l’histoire ne l’intéressait plus.
Partant, la novella, ce genre malheureusement négligé en France, sinon par pauvreté d’inspiration, pour le moins par manque d’efforts et de muscles de nos écrivains hexagonaux (quand Amélie Nothomb écrit par exemple un roman de 180 pages, on a un exemple assez parfait d’une novella souffreteuse), convient parfaitement à Robert Silverberg. Sa grâce naturelle et sa concision s’y expriment parfaitement.

Le premier texte de cette anthologie reprend des pistes explorées par C.L. Moore dans “La Saison des Vendanges” (Vintage Season) et prolonge ou élargit un texte déjà brillant. Véritablement motivé par le défi, Silverberg s’approprie totalement la thématique originelle pour concevoir une nouvelle que nul autre n’aurait pu engendrer. Profondeur des sentiments, beauté des âmes et intemporalité des passions, le résultat est d’une grande et émouvante tristesse.

Dans “Cache-Cache”, c’est le registre du space opera qui sert de fil conducteur et génère un texte que David Brin pourrait intégrer à son “Cycle de l’Élévation” en toute quiétude. Bien que totalement distrayant, cette nouvelle ne force pas les limites créatrices de l’auteur. Du Silverberg en petites foulées, agréable et enjoué en somme.

“Ça Chauffe à Magma City” oscille entre le sentiment agréable -et récurrent- provoqué par la production d’une œuvre de commande respectable et le plaisir de voir Silverberg s’échapper du cadre narratif basique pour se recentrer sur ses personnages. Des accidentés (loosers ?) de la vie (alcooliques, junkies, paumés), animés par une force brute qui n’est pas sans rappeler “l’absurde” de Camus. Quand l’obstination à survivre de ces héros en détresse prend le pas sur l’histoire, le texte est passionnant. Quand le suspense de l’intrigue s’affirme, le contexte est plus convenu.

Cerise sur la gâteau, “L’Arbre dans le Ciel” n’est pas sans rejoindre des sujets déjà explorés par Robert Silverberg (cf. « L’Homme dans le Labyrinthe » et « Un Jeu Cruel »). Tout en recyclant avec brio la figure de Leonardo Da Vinci dans un contexte extra-terrestre inédit, l’amour et l’amitié, la fraternité des êtres, le jeu du pouvoir, la notion de révolte, sont autant d’éléments qui viennent virevolter avec grand bonheur autour d’un texte marquant. La lecture suscite des sonorités cristallines et mélancoliques dont l’écho mental vous poursuivra très longtemps.

Au final, « En Un Autre Pays » présente un texte de bonne facture mais sans grande surprise, une histoire aux ingrédients humains originaux mais d’un traitement « mainstream » classique et deux nouvelles frisant ou atteignant la perfection.
Le constat est clair, la note limpide : 16/20 avec mention très bien !

Titre : En Un Autre Pays
Auteur : Robert Silverberg
Genre : Nouvelles (Novella), 4 textes dont 3 inédits.
Traduction (de l’Américain) : Jacques Chambon (1) et Jean-Pierre Pugi (révision de la 1 et traduction intégrale des nouvelles 2,3 et 4).
Couverture : Illustration de David Michalczyk
Éditeur : Gallimard
Collection : Folio SF, N°264
Catégorie : F9
Site Internet : http://www.gallimard.fr
Pages : 380
Format (en cm) : 10,8 x 1,7 x 17,8 (poche broché)
Dépôt légal : 26 octobre 2006
EAN : 9 782070 305896
ISBN : 2-07-030589-9
Prix : 7,20€


Stéphane Pons
29 décembre 2006


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