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Autodafés, l’art de détruire les livres
Michel Onfray
J’ai Lu, n° 13840, essai, 155 pages, mai 2023, 7,60 €

Qui s’intéresse aux grands autodafés de l’Histoire, comme ceux qu’aborde Xavier Polastron dans « Livres en feu, histoire de la destruction sans fin des bibliothèques », ne trouvera pas dans cet « Autodafés » des destructions de la même veine. C’est ici d’une autre facette de la destruction qu’il s’agit, à savoir la destruction par la parole, par l’écrit, par la calomnie, par la mauvaise foi. On ne saurait attendre moins concernant des ouvrages qui touchent bien souvent à la politique ou à la religion.



Michel Onfray s’intéresse en effet ici à l’« accueil » réservé à une série d’ouvrages ayant pour vocation de mettre ou remettre les pendules à l’heure, de lutter contre les idées reçues et les mensonges persistants propagés par des groupes d’influence, de revenir au factuel plutôt qu’au politiquement correct, ou ne serait-ce que rappeler les horreurs des régimes génocidaires longtemps (et encore) vantés par les philosophes et plus globalement les intellectuels français.

« L’écrivain fabrique une machine de guerre politique avec son écriture. »

Ces ouvrages sont au nombre de six : « Les Habits neufs du président Mao » de Simon Leys (1971, les vérités du maoïsme), « L’Archipel du Goulag » de Soljenitsyne (1973, les crimes sans nombre du marxisme), « Voyage au centre du malaise français » de Paul Yonnet (1993, les dérives discriminatoires de l’antiracisme), « Le Choc des civilisations » de Samuel Huntington (1996, l’anticipation de l’impérialisme islamiste), « Aristote au mont Saint-Michel » de Sylvain Gouguenheim (le mythe construit d’un islam fondateur de la civilisation occidentale), « Le Livre noir de la psychanalyse » (collectif, 2005, les escroqueries mille fois répétées de la psychanalyse).

« Dans ces procès médiatiques tenus sur les principes du Comité de Salut Public et du Tribunal révolutionnaire, il ne fut guère question de justice et de justesse, de liberté d’expression et de liberté de conscience, de vérité encore moins. »

On pourrait sourire de voir le philosophe s’offusquer des attaques et levées de boucliers générées en leur temps par la parution de ces ouvrages. En matière d’idéologies, de religion, de politique, quels que puissent être le niveau d’objectivité et le souci de la documentation de ces essais, ils seront inévitablement lus, accueillis et mesurés par nombre de lecteurs non pas à l’aune de la raison, mais à celle de la foi : rien d’étonnant, donc, que ces documents aient suscité des tempêtes de mauvaise foi, qu’ils aient été accueillis par les attaques les plus basses, par l’invective, l’insulte, le mensonge et la calomnie. On pourrait sourire également de voir Michel Onfray s’attarder sur de tels éléments. Les articles de presse sur lesquels il s’appesantit sont par essence éphémères, tandis que les livres, eux, restent. Les articles ont souvent été écrits par des experts auto-proclamés qui ne sont en réalité que de piteux zélotes. L’insidieux poison de la propagande, il est vrai, a été instillé chez les lecteurs de journaux les plus crédules. Reste que l’on s’amuse lorsque Michel Onfray rappelle, extraits à l’appui, qu’un philosophe français bien connu pour ses rencontres de troisième type avec des pâtisseries volantes se ridiculise assez gravement en faisant un jour l’éloge vibrant d’un livre qu’il avait quelque temps auparavant innommablement conchié.

« Les thuriféraires veulent de l’encens, à défaut ils crient au Zyklon B  »

Cet « Autodafés  » apparaît donc d’une certaine manière comme un pamphlet reflétant les travers d’une époque que l’on croyait révolue ou limitée aux régimes communistes, une époque où l’on pouvait balayer et enterrer toute vérité, censurer à tour de bras et réécrire à volonté l’Histoire. Cette époque, cette société, ce sont désormais pleinement les nôtres, et ceci sans doute de plus en plus, une société où le savant, le factuel et le réfléchi peinent à se faire entendre dans la grande cacophonie de l’écosystème désinformationnel. Une société où les idéologies ouvertement censurantes et révisionnistes de la cancel culture et du wokisme (Michel Onfray parle joliment de l’ « anticulture et des Lumières noires ») ne peuvent que donner l’impression à ceux qui ont encore un résidu de mémoire et de connaissances historiques que nos sociétés régressent à grands pas vers les ambiances staliniennes d’un siècle passé. Une société où l’on élève des cathédrales au mensonge et à la calomnie, où l’amnésie est cultivée comme une valeur sûre, où l’on érige des temples aux paralogismes et des palais aux propositions liberticides. À sa manière, Michel Onfray nous montre ce qui s’est installé et que nous n’avons peut-être pas tous encore vu : la dystopie la plus noire, c’est ici, et c’est maintenant.


Titre : Autodafés, l’art de détruire les livres
Auteur : Michel Onfray
Couverture : Francisco de Goya : Le Vol des sorcières
Éditeur : J’ai Lu (édition originale : Presses de la Cité, 2021)
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 13840
Pages : 155
Format (en cm) :11 x 18
Dépôt légal : mai 2023
ISBN : 9782290373774
Prix : 7,60 €



Hilaire Alrune
9 septembre 2023


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