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Foire des Ténèbres (La)
Ray Bradbury
Folio SF N°262, Gallimard, traduction, roman fantastique, 7,50€

Fin octobre, Green Town, une petite ville paumée au fin fond des États-Unis. Jim et Will sont deux enfants qui attendent avec impatience et inquiétude l’arrivée d’une étrange « foire ».
Il faut dire que, prévenus par un mystérieux vendeur de paratonnerres de l’imminence d’une tempête, ils commencent à comprendre que plus rien ne sera pareil après. Tout semble en effet lier l’arrivée conjointe de ces mystérieux forains et le phénomène météorologique qui menace la quiétude de la paisible bourgade.



Généralement, « La Foire des Ténèbres » n’est pas considéré comme un grand roman de Ray Bradbury.
Dernièrement, je lisais même une critique d’un confrère du net affirmant à ce sujet que Bradbury n’était pas un grand styliste et que ce roman le prouvait véritablement...
Ben voyons !
Ce bon vieux Ray pas un styliste ! Si la liberté d’opinion autorise toutes les outrances, faut quand même pas pousser n’importe qui dans les escaliers !
Certes, « La Foire des Ténèbres » n’est pas un monument à la taille des « Chroniques Martiennes », de « Fahrenheit 451 » ou de « L’Homme Illustré » (excellent florilège de textes SF et fantastiques) dont on retrouve d’ailleurs un des personnages dans le roman qui nous occupe. Et ne parlons pas du recueil de nouvelles intitulé « Le Pays d’Octobre » qui est un chef d’œuvre de la littérature fantastique et contient sans doute les plus beaux textes de l’auteur sur les thématiques de l’étrange.
Il n’en reste pas moins que « La Foire des Ténèbres » a influencé tout un paquet d’auteurs modernes, en commençant par le plus célèbre d’entre eux, Stephen King (pas rien !).
Paru en 1962 et plusieurs fois réédité par Denoël en collection “Présence du Futur” (N°71), la version proposée par la collection Folio SF (Gallimard) reprend la traduction originelle de Richard Walters justement revue par Brigitte Mariot (première édition in « Trois Automnes Fantastiques » chez Lune d’Encre dans une trilogie comprenant aussi « L’Homme Illustré » et « Le Pays d’Octobre » -Denoël toujours, en 2002).

Voici donc venu le temps de la fin de l’enfance pour deux gamins qui vont être confrontés à l’horreur. Si le prétexte de « la foire » rejoint une vieille mythologie associée aux sentiments de curiosité et d’inquiétude provoqués par le futur passage des « gens du voyage », Bradbury se saisit du propos pour tisser une toile fantastique, merveilleuse et purement horrifique.
On peut reprocher au récit un manichéisme flagrant des personnages, mais le but de l’auteur n’était pas dans l’évitement de cet écueil, bien au contraire, l’intrigue est soutenue pas cet « état de fait » volontaire.
La métaphore évidente, même pas cachée derrière le récit, et narrant ce dangereux voyage initiatique d’un état enfantin vers l’âge adulte est aussi une fausse piste. Un premier degré trop voyant pour être central.
Oui, Bradbury aborde ces sujets mais pas seulement. Il nous raconte avant tout une histoire qui fiche les chocottes. Et de ce point de vue, il maîtrise avec un rare bonheur les situations surprenantes, les rebondissements et une grande inventivité. La « foire » n’est plus seulement un musée des horreurs ambulant, elle devient une sorte d’antre du mal que seule la presque totale innocence de deux êtres (deux enfants) peut vaincre.
Le style, si particulier, du romancier peut alors s’épanouir. Véritable hymne à la candeur perdue du temps de l’innocence, Ray Bradbury orchestre un bal des souvenirs enfuis. La peur distille le tempo, la mélancolie sous-jacente, la mélodie douce-amère du roman.
Économie de moyens et simplicité narrative s’assemblent et nous rappellent sans cesse que nous avons été des enfants et que nous le resterons à jamais.

À partir de là, Ray Bradbury prend un malin plaisir à s’amuser tout en nous touchant véritablement. L’objet fait figure de piqûre mémorielle intime et agit sur la durée.

Le reste n’est que littérature et, quoi qu’on en dise, plutôt de la bonne.

NB : « La Foire des Ténèbres » a inspiré (fortement) une production Disney (mais pas dans l’esprit) de bon niveau, réalisée par Jack Clayton en 1983 (cf. jaquette DVD zone 1 de « Something Wicked This Way Comes »).

Titre : La Foire des Ténèbres
Auteur : Ray Bradbury
Traduction de l’Américain : Richard Walters et Brigitte Mariot
Postface : Ray Bradbury (traduction Thomas Day)
Couverture : illustration de Matthias Haddad
Collection : Folio SF N°262
Editeur : Gallimard
Site Internet : http://www.gallimard.fr
Pages : 403
Format (poche) : 10,8 x 1,8 x 17,8 (broché)
Dépôt légal : 5 octobre 2006
ISBN : 2-07-030957-6
EAN : 9 782070 309573
Prix : 7,50€


Stéphane Pons
17 décembre 2006


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