Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Maîtres Enlumineurs (Les), tome 3 : Les terres closes
Robert Jackson Bennett
Albin Michel Imaginaire, roman traduit de l’anglais (États-Unis), fantasy, 686 pages, mai 2023, 24,90€

L’entité Tevanne a conquis la moitié du globe, s’emparant aussi bien des terres que de ses sujets qui lui servent de marionnettes. Seuls lui résistent Crasedes, le dernier des hiérophantes, et Giva, une communauté dont les membres sont connectés entre eux. Sancia et Bérénice y vivent et combattent pour empêcher Tevanne de s’accaparer toutes les ressources en sauvant les gens menacés par son avancée inexorable.
Leur adversaire vainc finalement Crasedes et tente de savoir où se situe la Porte, celle qui ouvrirait sur la création et permettrait de tout réécrire.
L’unique moyen de survivre et d’empêcher la réalité d’être effacée revient à enlever Crasedes et à l’éliminer pour que cette connaissance soit effacée à jamais. Une mission à haut risque en territoire ennemi.



Un an et demi après « Le retour du Hiérophante », « Les terres closes » achève « Les maîtres enlumineurs », une trilogie originale mettant en avant l’enluminure, un art permettant de travestir la réalité en donnant des usages contre nature aux objets et autres choses. Le premier tome a permis de se familiariser avec cette particularité ouvrant bien des possibilités, le second a encore appuyé sur ce point et le troisième atteint des sommets avec les acteurs de cette guerre au meilleur de leur forme.
Les événements du présent roman se situent huit ans après la chute de l’ancienne cité de Tevanne, là où tout a commencé. Pour vaincre Crasedes, une entité a été libérée, le bien devenant pire que le mal. Depuis Tevanne s’est étendue, cherchant à conquérir tout ce qui existe sur le globe. La lutte semble inégale, pourtant Sancia et ses alliés résistent toujours, bien aidés par Crasedes empêchant Tevanne de s’intéresser de trop près à Giva. Mais aujourd’hui ils ne peuvent plus attendre, il leur faut agir.

Pour cet ultime volet, Robert Jackson Bennett pousse encore le curseur de l’enluminure, ouvrant encore des possibilités non explorées. Tevanne se révèle toute-puissante, domine des territoires immenses, d’innombrables individus et défie bien des lois de la nature avec des créations énormes. De l’autre côté, Giva a inventé de nouvelles formes d’union avec des cadences regroupant des personnes œuvrant dans le même but. Rien n’y est caché, ses habitants sont interconnectés. On peut s’interroger sur le désir de ces cadences à se définir par le pronom iel qui semble anachronique dans ce cadre de fantasy et relève surtout de l’air du temps. Sancia et Bérénice vivent à Giva, sans oublier Clef que porte toujours Sancia et qui constitue un atout majeur dans cette lutte, tant ses capacités semblent sans limites. Au milieu, Crasedes, le dernier des hiérophantes, un appât idéal pour attirer Sancia et Clef chez Tevanne. Les acteurs de la dernière partie sont en place et vont rivaliser d’ingéniosité, de plans retors pour vaincre l’adversaire.
L’auteur réussit toujours à surprendre, à inventer un nouveau truc contournant les lois de la physique et permettant à des personnes de se transformer en véritable super-héros. Le combat final défie l’imagination.
Même si les sentiments sont aux abonnés absents du côté de Tevanne zombifiant ses sujets et en usant comme réservoir d’énergie et de main-d’œuvre, ils servent souvent de moteur au récit, notamment avec Sancia et Bérénice, mariées et en communion par la pensée. Sancia vieillit prématurément au désespoir de Bérénice. Elles s’aiment, mais le bien commun les pousse à se dépasser, à remettre en cause leur lien, beau et fragile à la fois. De même, le lecteur comprend au fil du récit ce qui unit Clef, Crasedes et Tevanne. Clef s’humanise au fil du récit, surtout à partir du moment où il endosse l’ancienne lorica de Gregor. Il porte alors une enveloppe physique l’autorisant à agir directement.
Il y a aussi un côté mystique avec cette porte qui donnerait sur la création, sur cette possibilité de tout changer d’un coup de baguette magique, de faire un reset comme sur un ordinateur. Certains lecteurs se demanderont peut-être comme moi, si l’auteur ne va pas s’en tirer sur une pirouette avec la révélation d’un monde virtuel. Il faut dire que le mode de fonctionnement de l’enluminure rappelle les lignes de codes des ordinateurs.

« Les terres closes » est riche en événements, petits et grandioses, qui en font tout l’intérêt. Robert Jackson Bennett n’oublie pas que les grandes choses naissent souvent de simples individus se dépassant suivant les circonstances. Il a pris le temps de développer ses personnages, d’explorer les potentialités de l’enluminure tout au long de la trilogie qui culmine lors de cet ultime volet au final hors normes et démesuré. Le soufflé n’est jamais retombé, les belles promesse qui se dégageaient dès l’entame ont été tenues jusqu’au bout. Une sacrée performance !
« Les maîtres enlumineurs », une fantasy différente aux accents SF qui ne peut que plaire au plus grand nombre.


Titre : Les terres closes (Locklands, 2022)
Série : Les Maîtres Enlumineurs, tome 3
Auteur : Robert Jackson Bennett
Illustration de couverture : Didier Graffet
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Laurent Philibert-Caillat
Éditeur : Albin Michel
Collection : Albin Michel Imaginaire
Directeur de collection : Gilles Dumay
Sites Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 686
Format (en cm) : 14,1 x 20,5
Dépôt légal : mai 2023
ISBN : 9782226470614
Prix : 24,90 €


Robert Jackson Bennett sur la Yozone :
- Les maîtres enlumineurs
- Les maîtres enlumineurs, tome 2 : Le retour du hiérophante
- « American Elsewhere », version Albin Michel Imaginaire et Livre de Poche
- « Vigilance »

Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
17 mai 2023


JPEG - 1.8 Mo



Chargement...
WebAnalytics