C’est quoi ce jeu ?
Le slogan du jeu se propose comme tel : « Les sensations des jeux de civilisation en moins d’une heure » ou le 4X en format rapide.
Le 4X est une forme de jeu de conquête où les joueurs pratiquent l’eXploration de territoires, l’eXpansion de peuples, l’eXploitation de ressources et l’eXtermination des autres joueurs ou, ici, de créatures.
Dans « Orichalque » (à prononcer « Ori[K]alque », et nom d’une sorte de laiton, alliage de cuivre, d’étain et de zinc qui imitait l’or utilisé tout d’abord par les romains pour fabriquer des pièces de monnaie, et dont les Atlantes, selon la légende, auraient recouvert leurs temples), vous incarnerez un des groupes d’explorateurs envoyés par le roi atlante pour découvrir une nouvelle île d’accueil.
Vous explorerez ce territoire au fur et à mesure de vos pérégrinations en posant des tuiles sur une carte de Terra Incognita, vous vous retrouverez face à des créatures mythologiques tels le Cerbère, le Minotaure, la Gorgone, le Cyclope et l’Hydre que vous combattrez grâce à vos Hoplites (fantassins de la Grèce Antique), et vous pourrez bénéficier de l’aide des Titans pour être le premier à offrir une terre d’asile à vos compatriotes vivant dans la peur de la destruction de leur île originelle.
Dans la boîte
Dès la couverture de la boîte, l’illustrateur Paul Mafayon (« Dodo », « King Of Monster Island », « Diamant », « Seasons »), crée une ambiance BD au style tout en volume, métissant la légèreté du cartoon et l’exagération musclée du comics.
Les postures et les regards sont conquérants, les couleurs sont franches avec une dominante dorée à l’orichalque fin. Le ton est donné. Cette forme d’humour et d’accessibilité s’impose rapidement sur les cartes Action, les tuiles Titans et les standees créatures, toutes d’excellente facture.
Ici, pas de plateau commun mais d’épais plateaux joueurs représentant les îles à explorer. Le jeu en propose 4 différentes, chacune avec son exploratrice ou son explorateur, 2 hommes et 2 femmes grimant allègrement l’esprit de conquête. Les îles possèdent au verso une géographie différente permettant une variable d’ajustement de la difficulté. Ainsi joueurs novices et plus expérimentés peuvent s’affronter.
Un autre plateau, épais lui aussi, accueille le marché des cartes Action portant les tuiles terrain. On trouve de plus un autre marché de bâtiments, de temples et de jetons Victoire. Les tuiles formées de 1, 2 ou 3 disques terrains sont aisées à manipuler et toutes vaillamment illustrées.
Le matériel se complète avec de l’orichalque en résine classique, de mignons, mais redoutables, petits Hoplites en bois, 4 dés combats et 2 sacs contenant l’un les créatures tirées au sort pour venir contrer vos actions, l’autre les bâtiments à poser sur le marché.
Enfin, la règle, très aérée, agréablement illustrée avec des exemples très concrets, permet de s’engager dans le jeu sans avoir à y replonger le nez. D’autant plus qu’une grande aide de jeu commune résume clairement le tour de jeu. À son verso les définitions des icônes, des bâtiments et des créatures.
Une fois installé sur la table, le décor appelle à se lancer dans la partie.
Comment on joue ?
Votre plateau joueur, la carte à construire de votre île, n’attend plus qu’à être garnie. Sur la droite du plateau, 3 emplacements représentent vos réserves d’Hoplites, d’orichalque et de créatures vaincues. Vous démarrez avec un orichalque et un Hoplite, le dernier joueur du tour avec un Hoplite de plus.
À votre tour, vous devez prendre une des cartes Action placées sur le marché central. Les 2 premières sont gratuites, les suivantes vous coûteront 1 ou 2 Hoplites. Chaque carte porte aussi une tuile de 1 à 3 cases, chaque case représentant un des 4 terrains (forêt, montagne, désert, eau), se cachent également des volcans. Ceux-ci apportent avec eux sur votre plateau une créature qu’il faudra vaincre. Libéré de son monstre, le volcan servira de terrain joker.
Vous devez ensuite placer la tuile terrain sur votre plateau en adjacence des premières tuiles (vous posez une tuile départ sur un des 3 ports au début du jeu qui vous permet de récolter des ressources supplémentaires pour démarrer). À ce moment, si vous créez une zone de 3 terrains identiques ou que vous l’agrandissez, alors vous vous attachez la faveur du Titan correspondant dont la carte vient rejoindre le haut de votre plateau, occupant un des 5 espaces disponibles de point de Victoire (oui, un Titan est un point de Victoire). Vous pourrez utiliser le pouvoir de ce Titan pour booster une de vos actions. Un bémol cependant, on ne peut avoir qu’un seul Titan à la fois, et les autres peuvent aussi vous le subtiliser sans vergogne, s’ils forment à leur tour ce fameux territoire de 3 cases ou plus.
Vous pouvez maintenant, si vous le voulez, utiliser votre carte Action qui vous permettra de produire de l’orichalque, de recruter des Hoplites, de capturer des créatures ou de construire des bâtiments.
Enfin, vous avez la possibilité d’effectuer une action supplémentaire qu’il faudra payer.
C’est là qu’interviennent les différentes ressources. Avec 2 orichalques, 2 Hoplites ou 2 Créatures vous pouvez acheter cette action supplémentaire.
Les Hoplites servent aussi pour combattre les créatures puisqu’il faut en engager 1 au minimum, et les autres ajoutés permettent d’avoir jusqu’à 3 dés supplémentaires pour vaincre le monstre, et ainsi récupérer son trésor et se servir de la bête capturée comme monnaie d’échange pour obtenir une action supplémentaire.
5 orichalques permettent aussi d’acheter un Médaillon qui n’est rien d’autre qu’un jeton Victoire.
Ce jeton Victoire peut aussi être obtenu grâce aux temples que vous ne pourrez poser sur votre carte qu’avec une zone de 4 cases de terrains différents.
Pour remporter la partie, il vous faudra accumuler 5 points de Victoire et avoir éliminé toute créature de votre île.
On en pense quoi ?
Les auteurs Johannes Goupy et Bruno Cathala se sont associés pour proposer un jeu 4X, habituellement réservé à des joueurs experts, afin d’en offrir les sensations à toute la famille.
Car le premier atout est l’accessibilité.
Certes, il y a plusieurs points de règles à appréhender afin d’offrir de la profondeur au jeu, toutefois, le tour d’un joueur est particulièrement bien orchestré, suivant un scénario bien établi, et les actions deviennent vite limpides. Il faudra seulement se garder de ne pas s’emmêler entre l’action principale « gratuite » et la supplémentaire qui demande paiement comptant.
Il faut aussi accepter que les Hoplites servent à la fois de soldats pour taper de la créature, ainsi que de monnaie d’échange pour une action. Thématiquement, on peut se dire que l’on envoie nos militaires sur une autre mission. Mais quid des créatures pour payer ces actions aussi ? Et bien puisqu’on ne les tue pas dans « Orichalque » mais qu’on les capture, pourquoi ne pas se dire qu’on les revend aux jeux du cirque qui ne boudera pas son plaisir en les exposant aux yeux du monde.
Et les 4X alors, on les ressent ?
L’eXploration est simulée par la prise de tuiles sur le marché et l’eXpansion par leur pose sur son île.
L’eXploitation s’exprime via les cartes Action qui permettent d’obtenir de l’orichalque ou des Hoplites, mais aussi de construire des bâtiments qui vont améliorer d’autres actions ou donner des points de victoire.
L’eXtermination est remplacée par la capture. Ne renâclons pas à ces petits combats rapides basés sur le facteur chance.
Au final, le 4X comme on peut le ressentir sur un « Clash Of Culture » par exemple est assez lointain. Mais il est cependant bien présent sous une forme plus light dans un jeu qui se veut aussi accessible que possible.
Est-ce un problème ? Point du tout. Tous les éléments du jeu offrent un vrai plaisir ludique, très vif, très nerveux.
La confrontation avec les adversaires se situe au niveau de la prise de tuiles sur le marché. Le conflit est d’abord interne puisqu’il arrive bien souvent que l’action de la carte et les tuiles qu’elle porte ne vous conviennent pas. Il faudra alors porter vos choix vers la meilleure manière de taquiner les autres joueurs.
À 3 ou 4 joueurs, vous pouvez maintes fois voir s’envoler les tuiles qui auraient donné un air si enchanteur à votre île, et qui en plus vous auraient permis d’attirer un Titan ou de construire un temple (Sus aux points de Victoire !).
À 2, la taquinerie diffère mais reste très présente puisque le premier joueur prend une carte, puis il en défausse une autre du plateau. Autant vous dire que le clash arrive vite, car au tour suivant, la vengeance peut se préciser de manière prégnante.
La pose des tuiles rappelle la marotte de « Bruno Cathala » avec son aspect domino et puzzle. Attention à bien positionner les terrains pour obtenir des trios pour les Titans ou des quatuors pour les Temples ! (une mécanique que l’on retrouve dans « Rauha » de Johannes Goupy) Mais ne pas oublier que l’île n’est pas extensible et qu’il est possible de se bloquer tout seul, en conscience et bonne volonté… En tout cas, les choix sont multiples mais tout n’est pas possible.
Il faut aussi mesurer son enthousiasme de combattant de créatures mythologiques. Car ce n’est pas tout de les amener sur son île afin de pouvoir bénéficier des cases volcans lors de leur capture, encore faut-il réussir à les harponner. Quant à la gestion et production des ressources, Hoplites dans ce cas-là, trouvent là toute leur importance. On grince des dents lorsqu’il nous manque juste l’Hoplite qui permettrait d’avoir le dé ultime.
Il ne faudrait pas dans l’aventure, en oublier la gestion de l’orichalque, car il permet d’acheter des actions supplémentaires mais aussi des médaillons Victoire. Et une bonne production peut mener rapidement à la victoire finale.
Toutes les actions s’imbriquent donc naturellement et demandent d’être stratégiques dans les placements de tuiles et les objectifs à moyen terme, ainsi que tactiques lors de la prise des cartes.
Un élément fort est la course aux points de Victoire qui amène l’aspect palpitant du jeu. Il faut certes prendre le temps de construire une sorte de moteur de ressources et de « construction » de son île, mais il ne faut pas perdre de vue l’avancée des adversaires.
Plus la partie avance, plus les combos vont émerger… pour tout le monde. Le rythme s’accélère et les points de Victoire s’égrènent au-dessus des plateaux.
Et il n’y a rien de plus frustrant, mais aussi de plus grisant, que de voir un adversaire enchaîner la prise d’un Titan lors de la pose de sa nouvelle tuile, la construction d’un Temple pour son action principale et l’achat d’un médaillon grâce à ses 5 orichalques et les 2 créatures qu’il a capturées lors des tours précédents et qui lui permettent d’acheter cette action supplémentaire. Il marque alors les 3 points de victoire qui lui manquaient, alors que vous attendiez juste un tout petit point qui ne réclamaient qu’une infime production d’Hoplites que vous n’aurez pas le temps de voir. Un seul sentiment vous saisit alors : réussir un tel combo lors de la prochaine partie !
« Orichalque » est aussi et avant tout un jeu de course, qui électrisera la table avec son graphisme typé et son matériel agréable.
Il fait partie de ces jeux capables de construire des passerelles entre des joueurs novices découvrant le hobby et des joueurs plus expérimentés.
Ce 4X accessible et au temps de jeu réduit permettra de retrouver des formes de sensations propres aux gros jeux sans l’investissement nécessaire qu’ils demandent. Une marche en direction des jeux plus velus.
Il nous paraît prépondérant de mettre en avant ce style de jeu car l’édition est tellement dense, et les marches parfois tellement hautes pour des joueurs non aguerris que des jeux intermédiaires qui proposent une véritable expérience sans se gaver 15 pages de règles ont besoin de visibilité.
C’est le pari réussi de celui-là. Il suffit de ne pas passer à côté.
A savoir qu’une version solo a été mise en ligne sur le site de l’éditeur
À lire sur la Yozone :
l’entretien avec Johannes Goupy
l’entretien avec l’auteur Bruno Cathala
Orichalque
Thème : eXploration, eXpansion, eXploitation et eXtermination… pour toute la famille
Mécanique(s) : cartes action, gestion de ressources, pose de tuile, 4X, course
Âge : 12 ans et +
Nombre de joueurs : 2 à 4
Durée d’une partie : 45 min environ
Auteur(s) : Bruno Cathala & Johannes Goupy
Illustrateur(s) : Paul Mafayon
Éditeur : Catch Up Games
Date de sortie : 21 octobre 2022
Illustrations © Paul Mafayon & Catch Up Games