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Cité Diaphane (La)
Anouck Faure
Argyll, roman (France), fantasy, 260 pages, février 2022, 21,90€

La cité de Roche-Etoile est déserte depuis qu’une brume mortelle s’est abattue. Sept ans plus tard, ils sont quelques-uns à se rendre sur les lieux, comme le narrateur, archiviste du royaume voisin envoyé se documenter sur les derniers jours de la ville. Il (ou elle, c’est flou) croise une jeune dame, paladine de la Déesse. En ville, demeurent un forgeron, qui maintient ardent son fourneau, et un mendiant, à côté de la dernière fontaine non souillée, au sommet de la citadelle. Une licorne noire rôde également dans les bois.
Dans les archives de Roche-Etoile, un nom ressort sans cesse : Vanor, l’oracle de la Déesse sans visage. Vanor, le métamorphe, tantôt homme ou femme ; Vanor le tuteur du prince et de la princesse ; Vanor le sacrilège...



Premier roman d’Anouck Faure, « La Cité Diaphane » mêle drame shakespearien, conte gothique et roman d’horreur pure. Mais c’est aussi un formidable jeu de masques et de dupes, servi par un très bel exercice de style narratif.
On commence par s’interroger sur le genre, l’identité du narrateur, d’autant qu’il/elle nous annonce d’entrée de jeu nous raconter les événements tel qu’ils se sont déroulés, quand bien même son rôle bascule radicalement en cours de route. Car dans ce huis-clos, cette cité désertée où ils ne sont que cinq, sans nom (car les noms ont du pouvoir à Roche-Etoile, les démons en sont friands), les costumes ne sont pas les rôles. Et notre narrateur est désigné comme Vanor. Aurait-il perdu la mémoire, pour revenir ensuite sur les lieux de son crime ?
Les souvenirs affluent, nous renvoyant aux beaux jours de la cité, rempart contre les démon des montagnes, joyau de la Déesse sans visage. Mais beaucoup d’ombres demeurent : le roi, revenu très abattu de son initiation au cœur de la l’aiguille rocheuse sur laquelle est bâtie la citadelle, veut s’en prendre à son fils. Pour Vanor, au genre changeant, qui se sent autant tuteur que mère des enfants royaux, c’est le début d’un conflit entre sa charge, son devoir et sa foi. Comme si cela ne suffisait pas, s’y mêle son ambition, celle d’accéder aux plus grands secrets de la Déesse, par son mérite... ou par d’autres moyens.

Ce premier roman, fort bien écrit, dans une langue riche, une prose travaillée et agréable à l’oreille, réussit à entrelacer étroitement les choix cornéliens des personnages à leurs petites et grandes ambitions mesquines. Entre Vanor et le prince s’instaure un jeu de masques. Le maître a bien formé son élève à émouvoir, à jouer sur les cordes sensibles de son interlocuteur, et avec leurs petits secrets mutuels, ils ont provoqué l’impensable, le sacrilège, plusieurs fois d’affilée, jusqu’à conduire la cité à sa chute.
Le retour de Vanor, amnésique, est aussi une tentative d’expiation, de rédemption. Un chemin douloureux, semé d’autres actes abominables pour corriger les précédents, et une descente jusqu’aux profondes racines de Roche-Etoile à la recherche de la Déesse et d’une certaine vérité. La dark fantasy se teinte d’alors d’horreur, et les gravures à l’eau-forte de l’autrice, plasticienne, en rehaussent l’aspect gothique. Je m’en voudrais de vous dévoiler les rebondissements, car la découverte, la lente et inexorable dessillation fait partie du voyage.

Il me semble l’avoir déjà écrit pour « Le Chien du Forgeron » : les pages des romans parus chez Argyll sont bien remplies, aussi ne vous arrêtez pas à sa minceur relative : les 260 pages de ce volume-ci, noires de mystères, de ténèbres, de non-dits et de trahisons, en valent le double.

Le tout encore une fois servi dans le magnifique écrin d’une couverture signée Xavier Collette.

Sombre, cruel, tragique, explorant les plus obscurs recoins de la psyché humaine, exposant les pires maux nés de sa foi et de son ambition, « La Cité diaphane » est sans conteste le joyau de ce début d’année.


Titre : La Cité Diaphane
Autrice : Anouck Faure
Couverture : Xavier Collette
Éditeur : Argyll
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 260
Format (en cm) :
Dépôt légal : février 2022
ISBN : 9782492403699
Prix : 21,90 €



Nicolas Soffray
3 février 2023


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