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Vie alien (La)
Roland Lehoucq, Jean-Sébastien Steyer et Laurent Genefort
Le Bélial’, Parallaxe, essai, sciences, 254 pages, octobre 2022, 19,90€

L’extraterrestre fascine depuis longtemps. C’est l’autre, celui que l’on ne connaît pas, qui inquiète mais que l’on ne peut s’empêcher de chercher, comme si l’identifier revenait à le dédiaboliser. Il alimente les peurs, certains le voient dans de simples phénomènes météorologiques ou autres engins de technologie terrienne. L’autopsie d’un soi-disant alien dont la soucoupe s’est écrasée à Roswell n’a pas fini de donner du grain à moudre aux ufologues en tout genre qui font de cette fascination des plus crédules leur pain quotidien.
Pourtant l’humanité a beau scruter l’espace par tous les moyens à sa disposition, seul le silence lui répond.



Les auteurs de science-fiction se sont bien sûr emparés de cette figure, donnant corps à cet autre qui peut prendre bien des formes, même s’il s’avère difficile de se dégager de tout anthropocentrisme. Lui donner une grosse tête, trois yeux, des membres supplémentaires et autres ajouts de la sorte suffit-il à en faire un alien crédible ? Avec les découvertes scientifiques, se contenter d’une formule qui marchait autrefois ne convainc plus, il faut connaître son sujet pour ne pas faire d’impair et donc rester dans le crédible. « La vie alien » se propose justement de donner les bases pour créer cet autre, cet alien plausible qui ne brisera pas la suspension d’incrédulité du lecteur.

Ce « Manuel pour construire un monde extraterrestre » balaye un vaste corpus. Dans “Cosmosphère”, Roland Lehoucq explique la mécanique à l’œuvre pour la formation de galaxies, puis des systèmes solaires. “Géosphère” s’intéresse aux planètes de ces systèmes. Le lecteur comprend facilement que l’équilibre des forces est fragile et qu’augmenter la taille d’un soleil entraîne d’autres contraintes. Chaque changement par rapport au système solaire nécessite d’autres ajustements. L’éloignement du soleil, la masse de la planète, son orbite... autant de facteurs qui demandent réflexion pour avoir une atmosphère, de l’eau à l’état liquide et ce, sur une très longue période, afin que la vie puisse s’y développer. Nous pouvons aussi imaginer deux soleils ou plus, ce qui complexifie les orbites, modifie la durée des jours, des saisons... Les exemples exotiques ne manquent pas dans la littérature : Helliconia de Brian Aldiss, Lagash d’Isaac Asimov...

D’ailleurs qu’est-ce que le vivant ? Saurions-nous le reconnaître s’il était trop éloigné de notre compréhension ou ne répondait pas à des critères par trop réducteurs ? Définir la vie n’est pas aisé, ni immédiat. Tout n’est qu’interactions, bien des critères sont à respecter pour qu’elle naisse. Et quelle forme prendra-t-elle ? Là aussi bien des contraintes s’imposent. Dans “Biosphère”, Jean-Sébastien Steyer développe tous ces aspects et soulève bien des questions.

Après les scientifiques, la parole est donnée à des auteurs de SF qui partagent leur expérience et donnent leur sentiment sur comment créer un alien. Laurent Genefort a traduit deux articles : “Façonnons un extraterrestre” de Willy Ley (1906-1969) et “Créer des êtres imaginaires” de Hal Clement (1922-2003). Le premier date de 1956 et le second de 1974. La façon de procéder reflète les connaissances scientifiques de l’époque. Aujourd’hui, décrire des aliens vivant sur Mars n’est plus envisageable, car les rovers martiens ont brisé cette option. Pour autant, tous deux sont riches en enseignements, il faut toujours rester crédible, ne pas briser la suspension d’incrédulité. Il existe tout de même un certain degré de liberté, car il ne faut pas tomber dans l’excès au risque de basculer dans la thèse, comme le souligne Laurent Genefort dans “La fabrique des aliens”. Donner des précisions, oui, motiver ses choix, oui, mais sans aller trop loin. Il n’y a pas forcément besoin d’être scientifiquement correct, mais rester plausible s’avère nécessaire.

Ce « Manuel pour construire un monde extraterrestre » est rempli d’enseignements dans plusieurs domaines. Réfléchir à « La vie alien » revient à se pencher sur bien des facteurs déterminants. Penser au seul aspect d’un alien, sans se soucier de sa provenance, se révèle par trop réducteur. Par exemple, lui donner des ailes, alors qu’il vient d’une planète à l’importante gravité est une aberration. Tout est corrélé et il faut savoir motiver ses choix, tout en restant crédible. Et bien sûr, il faut aussi se méfier d’un anthropocentrisme trop latent.
Tout apprenti écrivain qui a des envies d’aliens ou de monde exotiques se doit de lire cet ouvrage. Mais « La vie alien » se révèle accessible à tout un chacun pour peu qu’il soit curieux ou désireux d’enrichir sa culture personnelle.

Saluons aussi le travail de l’illustrateur Cédric Bucaille qui donne de fort belle manière une identité graphique à la collection.

Le mot de la fin est pour Arthur C. Clarke : « Deux possibilités existent : soit nous sommes seuls dans l’Univers, soit nous ne le sommes pas. Les deux sont terrifiantes. »


Titre : La vie alien
Sous-titre : Manuel pour construire un monde extraterrestre
Auteurs (dans l’ordre d’apparition) : Roland Lehoucq, Jean-Sébastien Steyer, Willy Ley, Hal Clement et Laurent Genefort
Traductions de l’anglais : Laurent Genefort
Couverture et illustrations intérieures : Cédric Bucaille
Éditeur : Le Bélial’
Collection : Parallaxe
Directeur de collection : Roland lehoucq
Site Internet : Essai (site éditeur)
Pages : 254
Format (en cm) : 12,9 x 20
Dépôt légal : octobre 2022
ISBN : 9782381630632
Prix : 19,90 €


Dans la même collection :
- « Comment parler à un alien ? » de Frédéric Landragin
- « La science fait son cinéma » de Roland Lehoucq et Jean-Sébastien Steyer
- « Station Metropolis direction Coruscant » d’Alain Musset
- « Comment parle un robot ? » de Frédéric Landragin
- « Dune »

Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
17 décembre 2022


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