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Ymir
Rich Larson
Le Bélial’, roman traduit de l’anglais (Canada), science-fiction, 384 pages, septembre 2022, 23,90€

Yorick s’était juré de ne jamais retourner sur Ymir, cette planète de glace qu’il aimerait oublier, car tant de mauvais souvenirs s’y rattachent. Sa mâchoire inférieure arrachée lui rappelle douloureusement son frère et ce qu’il a fait sur sa planète natale, lui le Demi-Sang. La compagnie pour laquelle il travaille l’envoie là-bas, car elle a besoin de lui pour tuer un grendel, une créature de l’ancien temps qui empêche l’exploitation d’une mine.
Vingt années après son départ, il est obligé de revenir sur Ymir, désireux de remplir sa mission et de repartir au plus vite. Mais son passé n’a pas fini de le torturer.



Rich Larson est connu pour ses nouvelles, dont une partie a été compilée dans le remarquable recueil « La fabrique des lendemains ». « Ymir » n’est autre que son premier roman à destination du public adulte. Lui qui est si à l’aise sur la distance courte d’une nouvelle, réussit-il à tenir sur la longueur, à capter l’attention du lecteur pendant plus de 350 pages ? La réponse est simple : parfaitement !

Une fois Yorick réveillé aux abords de la planète qu’il exècre, le lecteur est plongé dans une suite d’événements qui ne le laissent guère respirer. Il faut dire que Ymir est une planète qui s’y prête : surface gelée, un vent sans pitié, cités enfouies dans des puits, des habitants rudes forgés aux travaux des mines et dont une des occupations favorites est de danser la gigue, un passe-temps loin d’être innocent, les chaussures lestées arborant des lames prouvent que la danse peut être sanglante. Yorick essaie de passer inaperçu mais sa gueule cassée, même si le port d’une mandibule gomme cet aspect, et sa propension à fureter partout ramènent ce désir au rang de vœu pieu. Il est très doué pour se jeter dans les ennuis jusqu’au cou. La technique permet de soigner les dommages corporels, alors pourquoi se montrer prudent ? Rester humble alors que la plupart des habitants se souviennent du boucher, surnom affecté à Yorick après le massacre de personnes liées de près ou de loin à la révolte vingt années plus tôt ? Non, il ne fait pas bon pour Yorick revenir sur Ymir. Mais la compagnie tient là un employé dévoué, prêt à tout pour remplir sa mission, y compris au prix de sa vie. D’ailleurs tuer le grendel est-ce l’unique raison de sa venue ? Ou des motifs cachés ont-ils justifié ce réveil, alors qu’il représente sur place une source potentielle de conflit ?
Bien des questions que Yorick se pose au fil des heures, des jours et de ce qu’il apprend dans un climat de méfiance et de violence larvée.

Dès le début, Rich Larson happe le lecteur avec ce personnage torturé de Yorick dont il découvre petit à petit le passé jusqu’au point de bascule quand la compagnie l’enrôle, discernant tout son potentiel. C’est le début de son endoctrinement au détriment de la population qui souffre et veut se défaire du joug de la compagnie.
Dans ce roman, le passé et le présent sont intimement liés. Yorick est lancé dans une quête aux visages multiples : rédemption, trait définitif sur le passé, vengeance... Peut-il seulement la mener à bien, tant ses visées apparaissent irréconciliables, souvent dictées par la haine ?
« Ymir » est pétri d’action. Combien de fois Yorick est-il obligé de se faire soigner, au moins de se faire rafistoler suivant les circonstances ? Il suit sa ligne de conduite, fonce, se met dans des situations pas possibles mais continue d’avancer. Qu’importe ce qu’il adviendra de lui, seul l’oubli compte vraiment. Tel Beowulf, il se lance dans la traque du grendel, mais le trouver ne signifie pas s’arrêter là. Le lecteur nage dans des flots chargés d’adrénaline, se retrouve obligé de tourner les pages pour ne pas rester à la traîne, désireux de ne pas redescendre tant le shoot est bon.
Bien sûr, ce roman ne se résume de loin pas à une débauche d’action, il est plus subtil notamment de par son contexte politique et de la révolution qui ne demande qu’à être réveillée. Les personnages croisés ne manquent aussi pas de surprendre, entre autres, la barman de l’hôtel où descend Yorick, illustration parfaite de la cruauté humaine. La SF à la sauce Larson prend parfaitement, il distille ses effets à bon escient, sans jamais ralentir le rythme du récit.

« Ymir » est un condensé de SF musclée, celle qui tape dur et laisse sonné mais donne envie d’y revenir. Rich Larson prouve qu’il est également à l’aise sur la longueur d’un roman mené tambour battant à force d’inventivités, de péripéties, de retournements de situations. Ymir, Yorick... autant de noms qui claquent et qui empêchent de se détacher de ce roman hypnotisant.
Une belle réussite de plus à mettre à l’actif de Rich Larson.


Titre : Ymir (Ymir, 2021)
Auteur : Rich Larson
Couverture : Pascal Blanché
Traduction de l’anglais (Canada) : Pierre-Paul Durastanti
Éditeur : Le Bélial’
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 384
Format (en cm) : 14 x 20,4
Dépôt légal : septembre 2022
ISBN : 9782381630595
Prix : 23,90 €


Rich Larson sur la Yozone :
- « La fabrique des lendemains »

Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
27 octobre 2022


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