Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Sable Bleu
Yves Grevet
Syros, Hors série, roman (France), science-fiction, 325 pages, juillet 2021, 16,95€

Dans un futur très très proche, le monde va mieux, pas grâce aux choix politiques, mais à cause d’une bactérie du pétrole qui oblige les sociétés à effectuer leur transition verte. Mais tout n’est pas gagné, c’est pour cela que Tess, lycéenne engagée, est activiste.
Mais il y a autre chose : plusieurs fois, elle est témoin d’un phénomène étrange, une présence, un nuage de particules... qui essaie de communiquer avec elle ? qui fait disparaître les médicaments, en tout cas.
Sa vie bascule avec deux rencontres : une enquêtrice qui envisage la piste paranormale, et Léonor, une jeune femme un peu âgée qu’elle, qu’on lui présente lors d’une manifestation. Un sentiment inconnu grandit au fond d’elle, jusqu’à exploser... Tandis que le monde bascule, lorsque mille jeunes gens s’évaporent à la même date.



Le talentueux Yves Grevet, auteur de « Méto », « Nox » et d’un tome de « U4 », entre autres, signe avec « Sable bleu » un roman atypique, qui ne laisse pas indifférent, pour de nombreuses raisons, pas toutes complémentaires.

C’est tout d’abord une anticipation à très court terme aux accents d’utopie. Sa bactérie tueuse de pétrole n’est pas sans rappeler « Après la Chute » de Nancy Kress (ActuSF, les plus grands, allez-y) : l’Humanité n’a pas plus choix, elle doit s’adapter. A l’image de sa nouvelle dans l’anthologie « Renaissances », son avenir est proche est s’il n’est pas encore riant, on ressent que le pli, voulu ou forcé, est pris : réduction des déplacements en voitures, transports en commun, moins de viande, moins d’importations inutiles, moins de chimie, et moins d’anti-dépresseurs. Cela n’empêche pas la jeune génération de sa voir ce nouveau monde fragile, suspendu à la découverte d’un nouveau moyen d’exploiter le pétrole. Tess part en stage en Bretagne avec son groupe de réflexion/action, on y trouve des éléments extrémistes qui nuiront au mouvement tout comme des modérés à motiver.

C’est ensuite une belle histoire de premier amour, d’amour d’une fille pour une autre fille, pour une femme. Tess s’interroge sur les signaux qu’elle reçoit, se pose des questions... Ose faire le premier pas. Cela se fait tout en douceur, comme on en rêve tous, et cela dure... jusqu’à l’événement bouleversant le monde, que le lecteur aura deviné aux indices semé par l’auteur.

A mi-volume, donc, rebondissement, 1000 personnes disparaissent, dont Léonor. On bascule alors dans un récit de deuil, à la façon de la série « Les 4400 ». Comment gère-t-on la disparition de l’être aimé ? Pas sa mort, pas son abandon, mais sa disparition inexplicable ? Le phénomène étant collectif, on voit se monter des groupes de soutien, des théories naissent qu’ils vont revenir, on s’accroche à la date anniversaire comme à un ultime espoir. On ressent parfaitement ce manque, cette déchirure, ce mal de vivre privé de l’autre, ce deuil impossible parce qu’on espère un retour, qu’on veut y croire parce que de nombreux indices empêchent de croire qu’il n’aura pas lieu.

Enfin, c’est une histoire d’aliens, et c’est peut-être là que j’ai été le moins convaincu. Si on comprend vite, avec un Tess en témoin privilégié, que quelque chose intervient pour remettre les gens, parfois individuellement, sur les rails, en faisant disparaître les mauvaises choses (comme les stocks de Lexomil), et qu’on finit par se douter, avec une héroïne orpheline et adoptée, qu’on est là sur la seule explication logique. En cela, la révélation finale, qui vient simplement confirmer cet état de fait, nous laisse un peu sur notre faim.

« Sable bleu » mélange tellement de choses qu’il m’est difficile, plusieurs semaines après ma lecture, de me faire un avis tranché. Le thème des aliens qui nous surveillent et nous guident de loin, par petites ou grosses touches, avec des enlèvements ciblés, m’a semblé tellement suranné, digne d’une SF de gare des années 60-70, déjà ravivée par la série « X-Files »... Mais d’un autre côté, son traitement via les yeux d’une jeune fille, d’une victime « directe » de ces enlèvements, privée de son amour, est très bien transcrit, et le suspense monte lentement et sûrement. J’ai aussi pu trouver la représentation de l’activisme écolo un peu gentillet, mais n’oublions pas que c’est le point de vue d’une ado concernée, et que le roman s’adresse aussi à un jeune public également en pleine construction de repères. Et le traitement de la naissance du sentiment amoureux rattrape tout cela.

« Sable bleu », de mon sentiment d’adulte et gros lecteur d’imaginaire, nous prend par surprise pour nous emmener vers autre chose que ce qu’on aurait attendu, avec quelques facilités, des évidences ou au contraire des choix narratifs surprenants, et d’autres fois des moments vrais, des émotions sincères. C’est un roman étrange, au rythme haché par les événements et les sentiments, comme des instantanés de cette période de la vie de son héroïne, loin d’une histoire écrite à l’avance. Une lecture tantôt frustrante, parfois merveilleuse.


Titre : Sable Bleu
Auteur : Yves Grevet
Couverture : Nicolas Vesin
Éditeur : Syros
Collection : Hors série
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 377
Format (en cm) : 22,5 x 15,5 x 2,5
Dépôt légal : juillet 2021
ISBN : 9782748530223
Prix : 16,95 €



Nicolas Soffray
28 octobre 2022


JPEG - 29.8 ko



Chargement...
WebAnalytics