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Bifrost n°106
La revue des mondes imaginaires
Revue, n°106, nouvelles - articles - entretiens - critiques, avril 2022, 192 pages, 11,90€


Kim Stanley Robinson a beau écrire des romans de Hard SF, pour autant il n’a pas suivi un cursus universitaire scientifique. En réalité, il a fait des études de lettres, sa thèse portait sur Philip K. Dick. Pascal J. Thomas dresse le portrait de l’écrivain, dévoile entre autres l’homme qui se cache derrière l’écrivain et grand amateur de trekking, ce qui se ressent à la lecture de ses ouvrages. L’entretien réalisé en 2009 par Terry Bisson permet d’aller encore plus loin. Une fois familiarisé avec l’auteur, le lecteur peut découvrir son œuvre à travers un papier dédié au seul cycle de Mars, son chef-d’œuvre pourrait-on dire, avant les chroniques détaillées de ses autres livres et recueils. On remarquera que les avis sont très critiques sur certains de ses titres et qu’il vaut mieux éviter certains ouvrages. Cela donne une drôle d’impression, d’autant que certains bémols reviennent régulièrement : la tendance à s’étendre outre-mesure et des personnages manquant de profondeur. Qu’importe, Kim Stanley Robinson est très versé écologie et parfaitement au fait de par sa culture et curiosité scientifique de présenter les avenirs potentiels vers lesquels nous conduisent nos excès actuels. Mais ce serait un tort de résumer sa bibliographie à cet unique aspect.
La nouvelle “Venise engloutie” qui accompagne le dossier risque d’être déjà connue des plus anciens lecteurs, car elle figure dans le recueil « La planète sur la table » et dans l’anthologie « Univers 1986 ». Venise est vraiment sous les eaux, seules dépassent les plus hautes constructions de la Sérénissime. Le tourisme existe toujours, mais il se résume souvent à des plongées sous-marines afin de piller les richesses englouties. Un guide local éprouve le plus grand mal à l’accepter. Cette vingtaine de pages datant des débuts de sa carrière montre bien ses préoccupations, cette prise de conscience d’un futur compliqué avec une nature rendue hostile et des sentiments humains qui n’ont guère évolué.

Autant j’ai apprécié « La fabrique des lendemains » de Rich Larson, autant “On est peut-être des Sims” n’a pas éveillé grand-chose en moi. Lors d’une mission spatiale, un des trois individus à bord est persuadé qu’il ne s’agit que d’une simulation et tente d’en convaincre les deux autres, jusqu’à ce que la situation dégénère. Un récit assez plat qui s’oublie rapidement. Un Rich Larson peu inspiré.

Johan Héliot n’a plus figuré dans les pages de « Bifrost » depuis une dizaine d’années. Il faut dire que l’auteur fait feu de tout bois avec une bibliographie impressionnante, mais grandement en jeunesse. S’y est-il perdu en passant sous les radars ? “Résonance lointaine” est présentée comme « une nouvelle toute d’humanité aux échos SF un brin vintage ». Tout commence par une épidémie ravageuse, le SRN. Les rares qui en réchappent sont définitivement transformés, rejetant les leurs, pour se plonger dans des études en solitaires. Quand Laura est tombée dans le coma, son ex a débarqué à l’hôpital, puis n’a de cesse de la suivre. Il est difficile de ne pas éprouver une impression de déjà-vu : l’épidémie bien sûr, même si différente, cette longue marche aux allures brussoliennes, cette danse qui n’est pas sans rappeler « Entrez dans la danse » de Jean Teulé... Rien ne surprend vraiment, ni n’emporte l’adhésion par manque de justification. Décevant.

Reste “Expiation” de Tade Thompson, un auteur qui alterne le bon (la série de Molly Southbourne) et le moins bon avec « Loin de la lumière des cieux ». Heureusement il s’agit du premier qui s’intéresse à un des cinq survivants suite à l’arrivée d’extraterrestres qui ne se sont pas rendus compte au départ que la Terre était habitée par une espèce pensante. Depuis que la méprise a été levée, ils cherchent à se racheter en rétablissant l’espèce humaine, même si c’est compliqué tant les cinq manquent d’énergie et de volonté pour ce faire. Storm est en charge des personnages, les Simulants. Il les trouve trop lisses, manquant de naturel et essaie de les changer, mais sa nature profonde ne joue pas en sa faveur.
Le contexte se révèle petit à petit, la nature humaine se montre sous un jour peu flatteur. La nouvelle est passionnante, surprenante aussi. Une belle réussite !

Dans ce numéro, la parole est donnée à l’illustratrice Florence Magnin qui travaille de manière traditionnelle, comprendre quasi sans ordinateur. Sa fresque pour la saga d’Ambre, la décalogie de Zelazny en Présence du Futur, est une pure merveille. Il est regrettable de ne pas admirer plus souvent ses illustrations, mais elle a tant de projets qu’il est difficile de tout concilier.
Comme on n’est pas à une catastrophe près dans ce numéro faisant la part belle aux épidémies et autres joyeusetés diverses et variées, Roland Lehoucq examine le cas où un astéroïde ou autre objet céleste frapperaient notre planète, un sujet qui a déjà inspiré le cinéma. C’est limpide et instructif comme à l’accoutumée.

Un numéro de « Bifrost » placé sous le signe de Kim Stanley Robinson avec un dossier bien ficelé, permettant de mieux découvrir l’écrivain et ses thèmes de prédilection. On regrettera juste que les nouvelles alternent entre le haut et le bas.


Titre : Bifrost
Numéro : 106
Rédacteur en chef : Olivier Girard
Couverture : Manchu
Illustrations intérieures : Nicolas Fructus, Matthieu Ripoche, Franck Goon et Lucas Bardoux
Traductions : Pierre-Paul Durastanti (Venise engloutie et On est peut-être des Sims) et Jean-Daniel Brèque (Expiation)
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, nouvelles, entretien, etc.
Sites Internet : le numéro 106, la revue (Bifrost) et l’éditeur (Le Bélial’)
Dépôt légal : avril 2022
ISBN : 9782843449994
Dimensions (en cm) : 15 x 21
Pages : 192
Prix : 11,90€



Pour contacter l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
16 mai 2022


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