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Chuchoteurs du Dragon & autres murmures
Thomas Geha
Elenya éditions, nouvelles (France), fantasy et fantastique, 157 pages, mai 2019,15€

Dragons ou korrigans, il y en aura pour tout le monde !



Thomas Geha commence à être un auteur « installé », bien implanté dans le paysage de l’Imaginaire français, avec du post-apo (le diptyque « Alone »), du fantastique (« Americain Fays » avec Anne Fakhouri) et de la fantasy surtout : les remarqués « Sabre de sang » et « Des sorciers et des hommes ».
Ce dernier ouvrage avait justement commencé par une seule nouvelle, et les chapitres suivants, étapes du voyage (de la fuite ?) des deux protagonistes se découpaient comme un feuilleton, trahissant le goût prononcé de l’auteur pour la forme courte.

Une forme courte qu’on aura déjà croisée dans quelques recueils de qualité, et regroupée ici avec quelques inédits.
Je ne m’étendrai pas sur “Chuchoteurs du dragon” ni “Le Guetteur de Nuages” parus dans les anthologies annuelles des Imaginales (« Reines et dragons » et « Bardes et Sirènes »), ni sur “La tête qui crachait des dragons”, déjà lu dans l’anthologie « Lancelot » parue chez ActuSF. À la seconde lecture, ces trois textes sont toujours aussi bons, et témoignent d’une approche de la fantasy et de ses codes à la fois sombre, âpre et très humaniste.

Intéressons-nous davantage ici à la suite, inédits ou publications plus locales.
Loguivy-Plougras, terre de légende”, “La nuit du Suner-Gwad” et “La Fontaine égarée” forment le « cycle loguivien ». Trois nouvelles fantastiques en terre bretonne, celle de leur auteur, écrites il y a une vingtaine d’années.
Le « héros » des deux premières, Gwalarig, n’a pas le physique de l’emploi : jeune campagnard amoureux de son édredon (et un peu de son amie Kristell), chasseur de champignons et hélas pour lui fils du maire de céans, ce qui lui ouvre certes des portes mais l’oblige à bien des choses.
Sa cueillette le jette dans les griffes de Semeilh, un avatar de l’Ankou, et il devra sa survie à un exorcisme. Comme quoi les anciens du village ne sont pas que des pochtrons.
Plus tard, c’est son père qui l’envoie fureter dans la cahute d’une vieille défunte, à la recherche d’un hypothétique testament. La fouille gratifie notre Gwalarig d’une malédiction, et d’un korrigan pour l’aider à la lever : un Suner-Gwad, un vampire, rôde dans le village, et le bannir ne sera pas évident.
La troisième donne la parole à Kristell, l’amie de Gwalarig, à qui il est arrivé une autre mésaventure : promenant son chien près d’une fontaine ancienne, elle y est attirée par une voix enjôleuse...
Au-delà du folklore breton mis à l’honneur, les deux jeunes gens sont très attachants, et la narration à la première personne, la forme du récit permettent des tournures familières qui cadrent parfaitement avec l’effroi ressenti.

Suivent deux contes, pastiches d’autres très connus. “Le Briquet de Noël” reprend la trame d’Andersen, et “Trois petits cochons”... fort amusants et moralisateurs, ils rappellent, le second surtout (qui voit le 3e cochon endetté pour construire sa maison de briques, et finalement dévoré par le loup autant que les banques), qu’à chaque époque ces historiettes sont toujours évocatrices.

Je serai Joseph”, dépourvu de fantastique, reprend tous les éléments du drame paysan. Une rivalité entre enfants pour un rôle dans la pièce de Noël, des secrets d’adultes, quelques mensonges... Thomas Geha montre qu’il n’a besoin ni de dragons ni de farfadets pour montrer la duplicité et la cruauté de notre espèce dans un texte poignant

Enfin, “Tombent les plumes” est court, composé en patchwork de quelques paragraphes. Intrigant, presque expérimental : j’ai eu un peu de peine à rentrer dedans. Mais n’est-ce pas aussi le rôle de la nouvelle que d’essayer des choses différentes, ainsi que le développe l’auteur dans sa préface ?

Tout cela nous compose un très beau recueil, servi par l’alléchante couverture de Jimmy Rogon. Il est dommage que l’éditeur n’ait pas pris davantage soin à sa composition : coquilles, mots manquants, mise en forme hasardeuse (sur l’italique notamment) font assez souvent tiquer. Était-il également nécessaire de remettre systématiquement le nom de l’auteur et le titre à la fin de chaque texte, pour signaler une précédente édition ? Elenya a beau être une petite structure associative, cela manque d’un peu de ripolinage...
D’autant que l’ouvrage a reçu le prix Imaginales 2020 de la nouvelle, excusez du peu !

Donc, ces petites scories ne doivent pas vous empêcher de dévorer en une poignée d’heures cet ouvrage qui, pour peu que vous ne connaissiez pas le talent de Thomas Geha, se chargera de vous en montrer toute l’étendue.


Titre : Chuchoteurs du Dragon & autres murmures (nouvelles)
Auteur : Thomas Geha
Couverture : Jimmy Rogon
Éditeur : Elenya
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 157
Format (en cm) : 21 x 15 x 1,4
Dépôt légal : mai 2019
ISBN : 9791092512595
Prix : 15 €



Nicolas Soffray
25 mai 2022


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