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Devine de quand je t’appelle ?
Pauline Coste et Nadia Coste
Seuil, jeunesse,roman (France) aventure temporelle, 270 pages, août 2021, 14€

Fin XXIe siècle. La technologie permet la téléportation, mais le monde ne va pas bien : trop urbanisé, trop chaud, trop climatisé. Jules, 15 ans, est pétri d’idéaux décroissants et végans, au grand dam de ses parents. Son père s’énerve de le voir refuser un bel avenir tout tracé. Mais Jules ne se reconnaît pas dans ce monde, dans cette société, et les brimades au collège n’aident pas.
Aussi, quand son ami Will cracke le code source des téléporteurs, Jules prend l’idée de remonter jusqu’à la préhistoire, et une Terre vierge de pollution et de surpopulation. Et au passage, d’en profiter pour aider sa sœur, archéologue, à résoudre le mystère d’étranges bâtons percés.



Mais voilà, malgré leur préparation, les choses dérapent, et Jules, avec sa fausse peau de bête synthétique, se retrouve coincé en -22.000, et un climat très hivernal, pas du tout ce à quoi il s’attendait !
Il va heureusement croiser la route de Nay-hana, une jeune chasseuse, qui va l’accueillir dans sa tribu. Nay-hana est son reflet : elle a repris la place de chasseur de son père mort, ce que les autres membres de la tribu ne voient pas forcément d’un bon œil, et son physique atypique, loin des rondeurs des femmes-mères, ne lui facilitera pas les choses lorsqu’elle devra se trouver un compagnon. Bien sûr, elle va taper dans l’œil de Jules, qui subissait les mêmes remarques sur son physique loin des canons exigés.

Nadia Coste (faut-il encore la présenter ici ?) écrit cette fois avec sa sœur Pauline, qui assure la partie scientifique de cette histoire, et dépoussière une grande partie des clichés qui perdurent, hélas, sur la préhistoire. Au travers du personnage d’Aline, la sœur de Jules, les deux autrices rappellent à la prudence sur l’interprétation des découvertes archéologiques, et le danger de plaquer des présupposés contemporains sur des civilisations si éloignées dans le temps. De fait, dans la tribu, on retrouve des comportements, des rites de passages et des structures observées dans les tribus encore indépendantes qui sont parvenues jusqu’à nous. Pas forcément de monogamie, des cérémonies de passage à l’âge adulte, une répartition des tâches en partie genrée mais pas forcément pour les raisons que l’on croit, mais au contraire très pragmatiques... Ainsi, le pataud Jules est-il cantonné un temps avec les femmes, tandis que les talents de chasseuse de Nay-hana sont (relativement) admis.

Le décalage entre les deux époques est source de rebondissements, dramatiques ou cocasses. L’exercice de natation-sauvetage au collège dans le second chapitre trouve bien entendu son utilité lorsqu’un préado tombe dans la rivière, participant à redorer l’image du mystérieux étranger. Mais c’est bien sûr les convictions véganes de Jules qui le mettent le plus dans l’embarras, au point que face à la nécessité de manger il manque plusieurs fois y faire quelques entorses. L’occasion de rappeler, loin de tout effet de mode, que les convictions morales sur l’alimentation ne peuvent que se concevoir que dans une relative abondance.

On apprécie aussi que les autrices ne cèdent pas à la facilité sur la communication et la compréhension. L’alternance des points de vue narratifs, mais sans redites, permet de bien s’immerger dans chaque camp : Jules tente des gestes, finalement pas si universels que cela, et peut parler à voix haute sans crainte, et la tribu, jeunes enfants comme anciens, est mi-amusée mi-intriguée par ses gesticulations. C’est très réaliste, et cela rend d’autant plus touchante l’expression des sentiments des uns et des autres.

Tout cela est rythmé par la crainte de Jules de ne pas pouvoir rentrer chez lui, les efforts de Will et Aline pour le retrouver, et cette quête discrète de ces fameux bâtons troués. Les autrices prennent d’ailleurs un malin plaisir à nous laisser mijoter.

On devinera la fin aisément, au fil des jours qui passent, des efforts de Jules et Nay-hana pour se comprendre, de la compréhension du poids des avenirs qui les attendent et de la solution« logique » pour y remédier. Une fois n’est pas coutume, on ne se plaindra pas d’un happy end.

Thriller de SF aux accents écolo, palpitant, émouvant, « Devine de quand je t’appelle ? » se lit avec grand plaisir, et poussera les plus jeunes, dès 12 ans, à s’interroger autant que Jules sur leur place dans le monde et les sacrifices à faire pour le préserver. Et suscitera peut-être des vocations d’archéologues. Ou de voyageurs temporels.


Titre : Devine de quand je t’appelle ?
Autrices : Pauline Coste et Nadia Coste
Couverture : Cécile Bidault
Éditeur : Seuil
Collection : Jeunesse
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 270
Format (en cm) : 20,5 x 14 x 2
Dépôt légal : aout 2021
ISBN : 9791023515732
Prix : 14 €



Nicolas Soffray
18 février 2022


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