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Signal des Saints (Le)
Peter F. Hamilton
Bragelonne, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), science-fiction, 524 pages, novembre 2021, 25€

Tout comme dans « La grande route du Nord », Peter F. Hamilton nous emmène dans un monde futur qui, s’il n’est pas celui du Commonwealth abordé dans son cycle de Pandore, en est néanmoins proche dans ses grandes lignes. Un univers futuriste déjà abordé dans « Les Portes de la délivrance » et « Les Chemins de l’exode », premiers volumes de cette imposante saga dans lesquels l’auteur, fidèle à son habitude, multipliait et entrecroisait les intrigues.



« Ensemble, nous nous occuperons à maintenir les humains dans un état sanctifié jusqu’à ce que nous puissions les présenter au Dieu de la fin des temps. »

Ce « Signal des saints  » se déroule sur plusieurs trames narratives parallèles. L’une, dans les années 2206, décrit l’univers londonien et l’état de la Terre une fois que les humains, en une victoire à la Pyrrhus, ont réussi à en chasser les Olyix, espèce extra-terrestre lancée dans un projet dément consistant à moissonner l’ensemble des espèces pensantes de la Galaxie pour les offrir au dieu de la fin des temps. La seconde décrit les aventures d’un groupe de soldats qui sont parvenus à s’infiltrer dans un vaisseau Olyix pour rejoindre avec eux leur enclave secrète, où le temps s’écoule différemment et d’où ils enverront un signal permettant à l’humanité – et aux autres espèces pensantes – de localiser la source et la base centrale de leurs ennemis. Enfin, dans un très lointain futur où ces soldats partis pour un voyage sans retour ont atteint un statut mythique et sont nommés les Saints, l’humanité et ses descendants préparent l’assaut contre la fameuse enclave.

« L’escouade se réunit autour de deux grandes tables du pont 33, que quelqu’un avait pris la liberté de texturer comme un café de la rive gauche de Paris en 1920, avec de hauts plafonds voûtés, des lampes à gaz tremblotantes derrière des vitres fumées, un long comptoir en bois poli. L’effet était authentique, à condition de passer outre les extrudeurs de nourriture qui remplaçaient les serveurs en chemise amidonnée. »

Résumée de la sorte, l’intrigue du « Signal des Saints » paraît simple. Il y a en effet plus d’une situation façon « Star Wars » ou « Independance Day » qui fleurent bon le space opera, le planet opera ou le récit d’invasion, et dont la filiation avec le grand divertissement populaire, au sens noble du terme, apparaît manifeste. Mais qui connaît Peter F. Hamilton et son goût des intrigues secondaires et des narrations intriquées, tout comme son appétence pour la tradition feuilletonesque, devinera qu’un tel ouvrage n’est pas aisément résumable. Avec sa profusion de personnages, de scènes, d’environnements, de décors, de planètes et de systèmes solaires, avec sa surabondance de détails qui font vrai, « Le Signal des saints » est à l’échelle de la taille quasi-infinie de la galaxie.

« Le Dieu de la fin des temps existerait donc – ou finira par exister – dans cette réalité, car ceci est l’issue désirée. Les conditions physiques permettant l’apparition du Dieu de la fin des temps existent dans cet univers, ici et maintenant. Son étoile de naissance est bien réelle. Si nous détruisons l’endroit d’où il vient dans le présent, il ne naîtra jamais et n’enverra jamais de message. Ce qui créera une nouvelle copie de l’univers. Le cycle se terminera et la boucle paradoxale sera brisée. »

Peter F. Hamilton, à travers cette incroyable saga menée à l’échelle des millénaires et de la galaxie (qui, rappelons-le, compte quelques centaines de milliards d’étoiles), à travers cette profusion de civilisations terrestres ou extra-terrestres, à travers l’histoire de ces générations successives n’ayant d’autre choix que de se cacher dans la noirceur de l’espace profond pour ne pas être moissonnées à leur tour, ne brosse pas seulement une odyssée à la mesure d’une topographie inconcevable. Il n’aborde pas seulement la lutte dantesque contre une espèce évoluée devenue folle, dont les membres, répartis en quinte, communiquent entre eux grâce à un esprit unique dans lequel les humains espèrent pouvoir s’infiltrer, mais effleure aussi les abîmes infinis du temps et la théorie du multivers. Car ils comprennent que ce qui a rendu fous les Olyix est un signal tachyonique venu du futur, que le Dieu de la fin des temps pourrait bien être autre chose qu’une simple invention, qu’un simple concept, et que s’ils parviennent à vaincre les Olyix, ce Dieu restera pour l’humanité et pour ses alliés une menace considérable.

« Les Corpus et les Olyix sont des civilisations de type II sur l’échelle de Kardashev se battant pour l’avenir de la galaxie. Nos champs de bataille stupéfieront les astronomes des autres espèces pendant des millénaires, et ce quelle que soit l’issue de cette guerre. La grandeur de notre lutte est peut-être sa validation ultime. »

Du côté du style et de la traduction, si l’on excepte une paire de phrases grammaticalement rugueuses (“Il devait participer physiquement à des bourses d’échange dont il participait à la gestion.”, “C’était une bulle de néant entourée d’une aurore monochrome dont il n’était même pas certain de la présence” ) qui auraient pu être revues à la relecture, tout est comme d’habitude remarquablement fluide, et Peter F. Hamilton excelle à brosser une scène ou une situation en quelques pages – à titre d’exemple, le chapitre de la chute de Londres est révélateur du savoir-faire de l’auteur.

Un savoir-faire qui se dément rarement (tout au plus pourrait-on reprocher à Peter F. Hamilton un de ses défauts récurrents, celui de dialogues pas toujours à la pleine hauteur des enjeux) et parfaitement mis au service d’une vaste saga rendue passionnante par les aspects relativistes du temps. Entre la durée rédhibitoire de transmission des signaux sur des années-lumière par voie classique, la combinaison des voyages spatiaux habituels et de l’utilisation des trous de ver et des portails galactiques, et l’aptitude des Olyix à modifier les flux temporels, le vaste jeu de stratégie auquel se livrent les uns et les autres se révèle toujours plus intéressant et plus complexe. Et les affrontements autour d’artefacts spatiaux démesurés renvoient les réalisations de cinéastes comme Steven Spielberg, George Lucas ou Roland Emmerich au rang de vignettes intimistes. Avec Peter F. Hamilton, le « big dumb object » du space-opera classique n’est plus qu’un minuscule grain de poussière. L’auteur parvient à chaque fois à passer à un niveau supérieur sans jamais casser la suspension d’incrédulité, pour terminer sur un final d’une démesure folle. Et réussit malgré tout à terminer en laissant miroiter au lecteur l’espoir d’un nouveau cycle, qui pourrait être consacré à ce Dieu de la fin des temps dont on ne sait encore rien.


Titre : Le Signal des saints (The Saints of Salvation , 2020)
Auteur : Peter F. Hamilton
Série : Salvation (The Salvation sequence) tome III
Traduction de l’anglais ( Grande-Bretagne) : Nenad Savic
Couverture : Anna Kochman / Agsandrew / Shutterstock
Éditeur : Bragelonne
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 524
Format (en cm) : 15,2 x 23,6 x 3,3
Dépôt légal : novembre 2021
ISBN : 9791028116958
Prix : 25 €



Peter F. Hamilton sur la Yozone :

- Le cycle Salvation
« Salvation tome I : Les Portes de la Délivrance »
« Salvation tome II : Les Chemins de l’exode »
- La grande route du Nord
« La grande route du Nord Tome I »
« La grande route du Nord Tome II »
- Les Naufragés du Commonwealth
tome II « Une nuit sans étoiles »
- La trilogie du vide
tome I « Vide qui songe »
tome III « Vide en évolution »
- Le Cycle de Pandore
tome I « Pandore Abusée »
tome II « Pandore menacée »
tome III « Judas déchaîné »
- La trilogie Greg Mandel
tome I « Mindstar »
tome II « Quantum »
tome III « Nano »
- Un volume de nouvelles
« Manhattan à l’envers »
- Un roman en un seul volume
« Dragon déchu »


Hilaire Alrune
19 janvier 2022


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