Et qu’importe les anachronismes quand les civilisations vous inspirent. Car « Tapestry » est un jeu de construction d’influence civilisationnelle, prétexte à des combinatoires de haut vol pour gagner un tourbillon de points à partir de vos choix mécaniques.
L’ouverture de la boîte est déjà une aventure. De beaux bâtiments, originaux et colorés, un plateau central efficace et un matériel pléthorique. Mais quelle hérésie que le plateau joueur en papier tout juste amélioré ne soit pas à la hauteur de l’ensemble du matériel (à ce prix-là ma bonne dame, il a fallu faire des économies d’échelle, vous comprendrez que l’on a dû rogner sur le papier !). Pourtant le jeu n’est pas donné (pratiquement 100€). Le diable est dans les détails, et peut être un jour viendra, couleur d’orange, où les éditeurs comprendront que les joueurs attendent un waouh inconditionnel et sans bémol.
Qu’il est bien désagréable de se rétracter un tantinet, telle l’huître qui a pris une giclée de vinaigre, parce que la totalité du matériel n’est pas qualitative.
Mais trêve de propos fielleux, qu’en est-il du jeu ?
Il a le mérite d’être profond et très simple à la fois. Facile d’accès, il n’a pas l’exigence d’un roman de règles qui s’éternisent et dont la complexité au final provoquerait des entraves au plaisir ludique.
Chaque joueur prend un plateau d’évolution avec les pistes de revenus, de ressources et de Fresque, identique pour chacun, une fiche Civilisation, toutes différentes, et une fiche Capitale (6 différentes possibles).
Vous avez à chaque tour de jeu, distribué en 4 manches et ½, la possibilité de choisir une action sur une des pistes de développement (exploration, technologie, militaire, science) en dépensant une ou des ressources de votre escarcelle. Celles-ci (champignons, bourse d’or, étoile militaire ou bonhomme des sciences sont un tantinet étranges et disproportionnées par rapport au reste du matériel, mais l’on s’y habitue). Ces ressources sont glanées précieusement par divers biais, en explorant la carte par l’ajout de tuiles Capitale, en améliorant des cartes Technologie, ou au moment de récolter vos revenus.
Le jeu est découpé en 2 grandes phases qui se succèdent à 4 reprises.
Une phase Avancer qui est donc le parcours des pistes de développement par vos cubes colorés. Là, vous récupérerez les bénéfices de la case sur laquelle vous vous déplacez. Vous pourrez explorer la carte, conquérir les Capitales, construire des bâtiments de revenus et des monuments qui viendront se placer sur un plateau Capitale individuel qu’il vous faudra remplir tel un Tetris afin de récupérer un maximum de points, acquérir des cartes Technologie ou des cartes Fresque, et vous pourrez aussi payer des ressources pour obtenir quelques bonus. Une phase que vous poursuivrez jusqu’à épuisement de vos ressources, ou jusqu’à ce que vous décidiez simplement de l’arrêter, et ainsi changer d’ère.
C’est là que vous récolterez vos revenus selon le niveau de développement de votre plateau joueur. Vous marquerez alors des points pour vos conquêtes, occupations, évolutions, et récupérerez un capital ressources afin de démarrer une nouvelle ère historique avec le plus d’allant conquérant.
Il va donc falloir maîtriser toute l’iconographie du plateau, des cartes et des civilisations. La difficulté majeure réside dans cet apprentissage. Une fois que vous avez la main sur les graphismes, vous avez la main sur le jeu. Et c’est ainsi que vous pourrez surfer sur la construction de civilisation en combinant sciences/techniques/militaire/exploration le tout en prenant bien soin de les conjuguer avec les cartes Fresque piochées que vous aurez soin de poser à la manche suivante.
Il vous faudra vous adapter à chaque tour et chaque manche pour valoriser votre civilisation et les points qui en découleront.
« Tapestry » est jeu de type euro de Jamey Stegmaier (« Euphoria », « Scythe », « Viticulture », « Toscane », « Red Rising »….), un américain aux multiples talents et qui adore les jeux réglés comme des horloges suisses. Ses atours de jeu expert pourraient en effrayer plus d’un.e et pourtant la mécanique de base simple (dépenser des ressources pour bénéficier d’une action) permet de se concentrer sur l’apprentissage des combinaisons et donc de proposer ce jeu à un public qui a une certaine habitude ludique, cette fameuse sphère du familial plus plus, prête à se lancer dans une nouvelle expérience upgradée.
« Tapestry » est très agréable à jouer. Ses combinatoires laissent place à un peu de hasard notamment dans le tirage de quelques dés et celui inévitable de la prise de cartes à l’aveugle. Cette facétie lui enlève le versant rigoriste de certains jeux velus pour un public « entre-soi », qui n’a pas été pour nous déplaire.
C’est au final davantage un jeu de moteur à construire qu’un jeu de civilisation au sens des puristes (surtout lorsque l’on peut construire de la dynamite tout en étant à peine sortis de l’ère de la découverte du feu…). Toutefois c’est une belle réussite de combos et de développement.
PS : une première extension dénommée « Manoeuvres & Manigances » apporte de nouvelles Civilisations, de nouvelles cartes Technologie et Fresque avec des bâtiments supplémentaires ainsi que des indications de rééquilibrage du jeu.
Une nouvelle extension intitulée « Arts & Architecture » est annoncée. Elle amène aussi son lot d’ajouts avec différentes cartes et civilisations, mais surtout une nouvelle piste de développement et des monuments que l’on peut acquérir en remplissant des objectifs.
Tapestry
Type : gestion de ressources, développement de civilisation, cartes, engine building
Âge : 14 ans et +
Nombre de joueurs : 1 à 5
Durée d’une partie : 90 à 120 min
Auteur(s) : Jamey Stegmaier
Illustrateur(s) : Andrew Bosley et sculptures de Rom Brown
Éditeur : Stonemeier & Matagot
Date de sortie : 2019
Prix public conseillé : 90€
Contenu de la boite :
1 plateau de jeu (56 x 56cm)
1 livret de règle
2 guides de références
18 Monuments miniatures pré-peints
100 petits Bâtiments de revenus
16 fiches Civilisation asymétriques
6 fiches Capitale différentes
5 plateau joueur
43 cartes Fresque
48 tuiles Capitale
15 tuiles Espace
33 cartes Technologie
3 dés spéciaux
65 cubes joueurs
20 pions ressources
50 pions Avant-poste
28 cartes Automa (mode solo)
1 plateau Automa
1 règle Automa
6 cartes aide de jeu
Illustrations © Andrew Bosley & Stonemaier Games & Matagot