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De bons ingrédients ne font pas forcément un plat goûtu.
L.G.M. de Roland C. Wagner
Délices & Daubes n°20


L.G.M. de Roland C. Wagner (Le Bélial, 2006, 312 pages, 15 euros) est un drôle de bouquin dont je ressors avec une impression mitigée mais où la déception l’emporte.

Je connaissais le Wagner des space-ops rigolos (DD n°1) et celui des « Futurs Mystères de Paris » et des aventures de Tem, de qualité variable (DD n° 5, DD n°12). Là c’est un RCW de l’uchronie satirique « engagée » anti-US et antisoviétique.

Il y a, en effet, l’influence du « Martiens, go home ! » de Fredric Brown (DD n°14) dans ce livre, puisque l’arrivée du Martien est le prétexte à une dénonciation par la caricature des différents types de systèmes politiques : d’abord le Camp de Mars, où on se moque gentiment des pacifistes et des écolos, puis l’URSS à l’ancienne, vue au travers de la bêtise des agents du KGB, et enfin les USA du Petit Buisson où le capitalisme et l’économie de marché n’ont pas réussi.

L’ambassadeur martien est l’objet des convoitises des différents pays et des différentes agences de renseignement, ainsi que d’une organisation dirigée par un agent double ou triple qui roule pour le plus offrant ou pour lui-même. Le héros est un agent secret français qui est censé protéger le Martien.

Les trois premières parties, chez les Verts, au KGB et en Californie (qui a fait sécession) sont un peu lentes. Malgré une écriture travaillée et maîtrisée, et de l’action, on s’ennuie un peu. Le ton n’est pas assez décalé et surtout ça manque d’humour, sauf dans quelques rares situations, comme les interrogatoires du KGB, quoique dans ce cas l’excès nuise au propos. Et, hors dialogues, la langue trop appliquée ne permet pas un ton léger. La quatrième partie, sur Mars, se déroule à un rythme plus soutenu où les rebondissements abondent. Malheureusement le dénouement final, sous-tendu, d’une part, par une interprétation difficile à comprendre et à admettre des fonctions de probabilités utilisées dans la physique quantique, et, d’autre part, par l’utilisation du rock n’roll comme arme fatale, s’il réveille l’intérêt du lecteur, n’emporte quand même pas son adhésion. Là encore j’ai l’impression que le style et l’écriture, trop propres, ne sont pas en phase avec ce délire, comique dans les idées, mais pas dans la forme.

J’ai eu quand même un peu de mal à finir ce bouquin. On ne croit pas une seconde à cette histoire et le héros, lisse comme un James Bond, ne permet aucune identification.

L’uchronie, très à la mode en SF depuis les maîtres Dick et Spinrad, s’avère un art difficile, où l’auteur se fourvoie sans s’en apercevoir dans des incohérences majeures qui décrochent le lecteur. Là, les agents russes du KGB rivalisent de bêtise dans un système fermé, caricature de l’URSS des années soixante, mais c’est Gorbatchev avec sa glasnost qui dirige le pays, le Mur de Berlin est tombé et, sur la scène internationale, l’URSS est le pays « gentil ». Les histoires d’« écroulement de la fonction d’onde », qui arrivent à la fin sans avoir aucunement influencé le récit jusque-là, permettent pirouettes sur pirouettes dans un dénouement définitivement non crédible, car dépourvu, pour moi, de logique interne..

Alors RCW écrit bien, trop bien peut-être. Il adore les années 60, 70 et 80 et il connaît sur le bout des doigts et des oreilles ses références culturelles (drogues, chansonnettes et rock n’roll). Mais - analyse toute bademoudesque -, malgré une thématique qui s’y prête bien, ça manque de légèreté et de décalage humoristique dans l’utilisation des ingrédients de ce fameux cocktail annoncé en quatrième de couv : sexe, drogues, rock n’roll et physique quantique. D’ailleurs il n’y a pas de sexe, sauf un tout petit peu au tout début, les drogues ne sont utilisées que par le KGB pour faire parler le Martien, et le rock et la physique quantique ne débarquent qu’en toute fin de partie.

C’est une impression bizarre, comme si l’auteur avait d’excellentes idées mais que trop de travail d’écriture les avaient gâchées. Un problème d’éditeur ? Une expérience de l’auteur ? Va savoir... Et te fâches pas, Roland (pas taper sur la tête), la semaine prochaine je parle d’un livre de RCW à mon goût.


Henri Bademoude
1er octobre 2006


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