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Commissaire n’aime point les vers (La)
Georges Flipo
Folio, Policier, roman (France), polar, 299 pages, octobre 2021, 8,10€

Un manuscrit de Baudelaire est retrouvé dans la poche d’un clochard assassiné devant l’Académie française : pour la commissaire Viviane Lancier, les tracas commencent, et vont mettre à mal son régime… tout comme l’arrivée d’un jeune et mignon lieutenant, Augustin Monot, dont les études de Lettres compenseront son inexpérience policière et son penchant pour les gaffes.



La commissaire de Georges Flipo est une femme mal dans sa peau : seule incarnation féminine de son service, femme dans un univers très masculin, elle se force à donner une image d’elle-même inflexible, supérieure, quand bien même à 37 ans, sa vie sentimentale est en ruine et qu’elle la reconstruit à coups de barres chocolatées, engendrant des kilos de trop qui la minent encore davantage. L’auteur nous dépeint une femme entièrement dévolue à son boulot, mais pas résolue à abandonner le reste, et rêvant au petit prince charmant après la trahison de son dernier compagnon. L’arrivée du lieutenant Monot lui permet de s’imaginer une relation maître(sse)-élève, une certaine emprise que le jeunot lui rend bien, admiratif à chacune de ses déductions, hélas pas toujours justes, mais surtout de ses décisions qu’elle s’efforce d’annoncer avec une assurance souvent feinte.

Car cette affaire s’embrouille rapidement : le défunt, ancien prof revendicatif devenu clochard et sosie de Victor Hugo, laisse une veuve pas très éplorée mais aussi beaucoup de zones d’ombres. Le sonnet retrouvé sur lui, s’il s’avère authentique, lui aurait valu une petite fortune. Accompagnée de Monot et ses études de lettres , Viviane frappe à la porte de l’académie puis d’un spécialiste des manuscrits baudelairiens, Saint-Croy.
Les choses se corsent quand le ministère s’en mêle, réclamant des points presse – exercice que Viviane déteste, passant très mal à l’image, mais dans lequel le grand Monot fait mouche – et que les cadavres s’accumulent : la graphologue chargée d’authentifier le sonnet est retrouvée morte, et on tire sur Saint-Croy. Pire encore pour la pragmatique Viviane, Monot lui fait remarquer des similitudes entre les crimes, les suspects et les vers du sonnet.

C’est un petit polar truculent que nous sert Georges Flipo. Le relookage de la couverture répond parfaitement à la mode actuelle des cosy mystery et autres policiers moins sanglants à la psychologie souvent bordée d’humour. Ici, ne nous y trompons pas, on a affaire à une solide intrigue, mais force est de constater que la pauvre Viviane n’y comprend goutte, et que l’écheveau ne semble faire que s’emmêler, les pistes la perdre un peu plus, les événements dicter leur rythme, forçant la police à suivre, bien impuissante. Jusqu’à la pièce autour de laquelle tout s’assemble enfin.
Le sel de cette histoire vient bien sûr de la relation entre Viviane et son petit Augustin, de ses fantasmes bouleversés par l’avantage culturel de son lieutenant, bien plus à l’aise qu’elle au milieu de cette poésie, face aux médias… Elle reste une flic de l’ombre, mais aussi une femme seule, et elle s’efforce de le ramener sur Terre, le rabrouant sur son inexpérience à chaque envolée un peu trop lyrique. Elle est toujours en déséquilibre, et pas seulement calorique, entre son rôle de supérieure hiérarchique et de femme, chassant ses illusions pour mieux les voir revenir à la baisse de moral suivante. Si c’est assez drôle à lire, on voit néanmoins le portrait d’une femme fragile, qui voudrait vivre et aimer, mais qui s’est blindée dans son rôle d’autorité, en plus de subir toutes les injonctions faites à son genre, et que les autres femmes, plus jeunes, plus minces, ne cessent de lui renvoyer en pleine figure. Viviane, bourrée de paradoxes comme son alternance régimes/écarts, n’en est que plus attachante.

Mystère pas si cosy que cela, véritable polar alambiqué, plein de pièges à chaque rebondissement, « La Commissaire n’aime point les vers » se dévore, sur une plage comme sous un plaid, avec le plaisir de voir son enquêtrice malmenée par une intrigue tordue mais simplement bourrée de passions terriblement humaines.

On a plaisir à la retrouver encore moins dans son élément dans « La Commissaire n’a point l’esprit club » !


Titre : La Commissaire n’aime point les vers
Auteur : Georges Flipo
Couverture : Studio Folio
Éditeur : Gallimard (édition originale : La Table Ronde, 2010)
Collection : Folio Policier
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 661
Pages : 299
Format (en cm) : 18 x 11 x 1,2
Dépôt légal : octobre 2021
ISBN : 9782072956645
Prix : 8,10 €



Nicolas Soffray
31 décembre 2021


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