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Entretien avec Arnaud Ladagnous
Scénariste de la série « Cartaventura » chez BLAM !
19 novembre 2021

Arnaud Ladagnous crée des jeux depuis bien longtemps, le premier ayant été publié en 2012. Mais il a aussi vécu d’autres vies dans les milieux artistiques de l’audiovisuel.
Aujourd’hui, il participe au succès de la série « Cartaventura » en signant des scénarii originaux et immersifs. Et il nous en parle pour découvrir l’envers des cartes...



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« Cartaventura : Oklahoma » vous fait arriver à la dizaine de jeux publiés. Mais quelles sont donc les étapes de votre voyage jusqu’ici ?

Je viens de passer les 50èmes hurlants, alors les étapes de mon voyage commencent à être nombreuses, j’en ai oublié certaines, d’autres étaient des fausses pistes ou des cul-de-sac. Dans les grandes lignes, disons que j’ai toujours été très joueur (jeux de rôles, jeux vidéo, jeux de plateaux...). Et, très tôt, j’ai aimé modifier les règles, en imaginer de nouvelles, jusqu’à la création de jeux dits « originaux ». La vraie surprise de ce voyage est de me rendre compte, aujourd’hui, que j’en ai fait un métier.

Vos premiers jeux comme « New York Kings », « Agents Secrets » et « Million Club » ont une ambiance à la fois historique, mais semblent aussi influencés par un aspect série télévisée. Sont-ce des domaines qui vous plaisent particulièrement ?

Dans une de mes vies passées, j’ai été scénariste et réalisateur pour la télévision et un peu pour le cinéma. « New York Kings », mon premier jeu édité, est clairement né du regret de ne pas m’appeler Scorsese et donc, de ne pas avoir réalisé « Les Affranchis ». J’en ai fait un jeu mais le pitch était le même « Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours rêvé d’être un gangster ». Sur ce projet comme sur quelques autres, il est vrai que les sensations de jeu recherchées viennent assez directement du plaisir que j’ai eu à découvrir certaines œuvres audio-visuelles.

Vous oeuvrez plutôt maintenant dans le jeu narratif, si l’on peut ranger « Unlock » dans cette catégorie. Qu’est-ce qui vous attire dans ce principe de mécanique de jeu ?

Pour qui, comme moi, est tombé furieusement dans les jeux de rôles à l’adolescence, associer le jeu à une forme de narration interactive est une sorte d’évidence. La mécanique est, par contre, assez peu définissable. Il s’agit d’embarquer les joueurs dans une histoire et les chemins sont multiples... Quand j’ai commencé à travailler pour « Unlock ! », au delà des énigmes, c’est bien une histoire dans laquelle je voulais embarquer les joueurs. Cyril Demaegd, le créateur du jeu, m’a encouragé à explorer cette direction. Après « Les pièges du Nautilus », j’en ai donc proposé régulièrement avec la joie de les voir intégrer la collection (sous pseudonymes). Cinq ans après, je profite de cet entretien pour le remercier encore de m’avoir ouvert les portes de son formidable terrain de jeu. Associer la narration à des énigmes, les enrichir des possibilités qu’offre l’application... Ce concept, je crois, est à peu près exactement ce que je cherchais depuis longtemps. Je suis d’ailleurs toujours aussi curieux et exalté de voir où on peut pousser encore ses rouages pour créer de nouvelles sensations et de nouvelles surprises.

Avec « Cartaventura », vous avez carrément les pieds dans le narratif. En tant que joueur, on a l’impression de vivre dans une histoire, d’en faire partie, de manière très immersive, une énorme différence avec les jeux de société « habituels ». Comment avez-vous envisagé la mécanique de jeu ?

La paternité de la mécanique du jeu revient entièrement à Thomas Dupont, créateur du concept « Cartaventura ». Directement inspiré du livre dont vous êtes le héros, il a su le moderniser et trouver les quelques astuces qui rendent le jeu inédit et re-jouable.
Mon rôle a été de travailler et d’écrire l’histoire qui est proposée, ses méandres et ses ramifications.

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La construction des différents parcours a-t-elle été un casse-tête ou la narration s’est-elle faite toute seule (ou presque) ?

On a travaillé avec Thomas en totale coopération. Je proposais des schémas d’histoires, des bribes de narrations, des envies de directions... Et, après échanges et discussions, Thomas mettait tout cela en forme dans des grands tableaux excel à embranchements multiples. Une langue totalement étrangère pour moi. À force d’allers et retours, la structure prenait forme petit à petit...

Les « Cartaventura » sont imprégnés par l’Histoire. Avez-vous été très dirigé par les événements historiques ou bien la narration des personnages était-elle primordiale, l’Histoire servant l’ambiance de l’histoire ?

Les deux ont toujours été intimement liés. Il fallait respecter ce que l’Histoire a retenu et nous enseigne sur les personnages, les lieux, les évènements... Mais s’en détacher par moment et prendre certaines libertés pour travailler à une véritable incarnation et développer l’impression que l’on reste maître du récit que l’on emprunte. Au début de mon travail sur « Cartaventura », je pensais que la lecture des livres de références, la recherche documentaire et le respect de l’Histoire allaient juste être d’énormes contraintes. Mais en poussant mes « investigations historiques », j’ai découvert une multitude de détails, d’anecdotes qui ont, de fait, été de très jolies sources d’inspiration pour avancer sur le récit et les personnages.

Les personnages doivent prendre des choix bien souvent moraux. Comment avez-vous envisagé ces choix ?

C’était un des axes forts que l’on voulait insuffler dans « Cartaventura ». On parle de personnages et d’évènements historiques qui marquent des temps parfois troubles. Dans « Lhassa », il est question d’empires coloniaux, de velléités d’indépendance. Dans « Vinland », on évoque la propagation du Christianisme. Dans « Oklahoma », il est question d’esclavagisme, de racisme, et de résistance à l’oppression... Lors de l’écriture, j’ai essayé d’aborder ces thèmes un peu délicats tout en faisant attention de les laisser dans les contextes de leur époque. A titre personnel, je suis toujours méfiant quand on re-visite la « morale des temps anciens » à la lumière de celle de notre époque, sans en préciser les contextes, entre autres, sociaux-culturels.

L’histoire se dévoile carte après carte, avec une mécanique fluide, et qui dessine véritablement le décor, comme un carnet de voyage. Comment avez-vous travaillé avec les illustrateurs ?

L’essentiel des illustrations sont l’œuvre de Guillaume Bernon et je crois qu’on est tous d’accord pour reconnaître qu’il a fait un travail vraiment exemplaire. « Cartaventura » est un jeu assez littéraire avec beaucoup de textes portés sur les cartes. Le fait d’avoir, pour illustrations, les superbes aquarelles de Guillaume, lui donne « de l’air » et donne aux joueurs autant à lire qu’à voir. Le dessin des illustrations venant après les récits, nos échanges se sont limités à donner quelques précisions quand les textes n’en contenaient pas assez ou sur la description d’un lieu ou d’un objet. C’est Claude Lucchini (des éditions Blam !) qui a fait l’intermédiaire et qui a dirigé avec rigueur et précision cette étape. Au final, je crois que ce que l’on dit et ce que l’on montre est assez fidèle aux époques abordées.

Les textes ressemblent à des récits, parfois romanesques. Avez-vous envisagé leur écriture ainsi ? Ou est-ce une façon très différente d’écrire, type livre interactif/dont vous êtes le héros ?

Comme j’ai eu la chance d’écrire les trois premiers scénarios de « Cartaventura », j’ouvrais en quelque sorte la collection qui va se compléter avec d’autres scénaristes. J’ai donc eu une totale liberté sur le type et le ton des textes. N’ayant pas de cahier des charges pré-établi, j’ai profité de cette liberté pour écrire sans contraintes particulières, sans directions précises.
Alors, oui, les récits se veulent romanesques et j’ai essayé de les rendre les plus vivants, sensibles et imagés. Mon travail n’a, me semble-t-il, pas été très différent sur la forme de l’écriture d’un petit roman ou d’un carnet de voyage.

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Quel est le poids de la mécanique et du matériel sur la rédaction des histoires ?

Ce n’est pas dans les textes que se cachent les mécaniques du jeu. Leur fonction est de nous faire voyager, de nous inviter à se transposer dans les personnages, les époques. Et c’est bien dans la précision et la force d’évocation du récit que l’on doit trouver les éléments qui pousseront le joueur à faire tel ou tel choix, avec une connaissance la plus fine possible de la situation et des enjeux pour en apprécier les conséquences possibles.
La mécanique étant très simple et souple, c’est plutôt elle qui, selon les histoires, s’est adaptée au récit. Pour preuve, certaines cartes sont des compteurs de ressources que l’on collecte et que l’on utilise à des moments clé du récit. À chaque nouveau scénario, les effets et les usages de ces cartes sont très différents. La nature même de ces cartes peut changer au cours d’un même récit.

Vous avez travaillé avec des instituts de recherche, des fondations, des historiens. Comment se sont déroulées vos collaborations ?

La proposition de « Cartaventura », en plus d’un récit interactif, est de respecter ce que l’on connait des réalités historiques pour mieux nous les faire découvrir. Il était donc important de s’entourer de référents légitimes pour valider, ou non, les directions du récit. Nous avons envoyé les textes, au fur et à mesure, à ces cautions. Leurs retours ont été précieux à plus d’un titre. Ils corrigeaient les inexactitudes quand ils les pointaient et, surtout, enrichissaient le récit en nous donnant des anecdotes ou des éclairages nouveaux sur tel ou tel aspect de l’histoire. De plus, l’histoire étant une connaissance en mouvement qui prête parfois à controverse, il était important d’avoir un accompagnement de référence pour bien délimiter ce que l’on peut, ou pas, dire de l’histoire. Écrire sur la vie de Bass Reeves, esclave devenu Marshall, quand on n’est pas soi-même afro-américain nécessitait un regard pertinent et légitime. Et c’est Art T. Bruton, éminent historien américain et biographe de Bass Reeves qui a eu la gentillesse de se plier à l’exercice et d’apporter sa caution au récit.

Au final, il s’agit plus d’une histoire de personnages, Alexandra David Neel, les Vikings, Bass Reeves, dans l’Histoire générale. Y a-t-il d’autres personnages que vous aimeriez conter ?

Bien sûr. On a tous, je crois, quelques figures historiques qui nous ont marqué et dont on aimerait suivre les traces. D’autres auteurs travaillent en ce moment sur les prochains titres de la collection et celui sur Ibn Battûta arrive, je crois, bientôt . Quant à moi, j’aimerais travailler sur le parcours d’un tribun dans la Rome Impériale sous le règne de Marc Aurèle. Et puis, dans une époque plus récente, sur juin 1944...

Les sujets étaient-ils les vôtres ou est-ce les éditions Blam ! qui vous les ont proposés ?

Simon Villiot (Blam !) et sa compagne avaient très envie d’un premier opus sur Alexandra David Neel. C’est avec plaisir que j’ai donc suivi cette première piste. Pour Erik Le Rouge et les Vikings, c’est Thomas (l’auteur du concept) qui, connaissant bien le sujet, avait envie de le développer. Quand on a évoqué Bass Reeves, on était tous enthousiastes.
L’idée est d’éclairer le parcours d’un personnage historique qui n’est pas forcément encore très connu du grand public. Si cela peut en refroidir certains qui aimeraient peut-être (se) reconnaître dans des figures plus évocatrices, je suis convaincu que d’autres aimeront découvrir des personnages, des périodes, des lieux et évènements moins connus.

Comment s’est déroulé votre travail avec Blam ! ?

En toute confiance et sympathie. Thomas Dupont avait déjà travaillé avec eux sur « Dunaïa ». Quand s’est posée la question de savoir avec qui il voulait travailler « Cartaventura », son choix s’est porté assez naturellement à nouveau sur Blam ! N’ayant jamais travaillé avec eux, j’ai découvert peu à peu les raisons qui l’avaient motivé. Simon et son équipe ont été à la fois à l’écoute, exigeants et très rigoureux sur le suivi et le développement du projet. Je suis vraiment ravi de la qualité d’édition et des choix qui ont été faits. Un format « petit prix », fabriqué en Europe puis maintenant en France, de très belles illustrations, un livret historique... Qualité portée jusque dans les éléments de communication. Je vous invite à aller voir les bandes annonces des scénarios « Cartaventura », elles sont justes très belles.

Plus généralement, quels sont les jeux qui vous inspirent ? Appréciez-vous plutôt des mécaniques, des auteurs, des univers ?

C’est très souvent l’univers qui déclenche, chez moi, l’envie d’un jeu. Ceux que je conçois et ceux que j’achète pour y jouer. Alors oui, parfois, la mécanique me déçoit et le jeu prend la poussière sur l’étagère. J’ai bien sûr dans ma ludothèque des jeux plus abstraits mais, à chaque fois, ce sont les copains qui me les ont fait découvrir. Pour moi, il suffit de mettre les références d’un univers qui me plait sur une boîte pour me séduire. Je suis une cible faible et facile. 😊

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Quelles sont vos influences venant d’autres media, cinéma, livres, BD, peinture… ?

Les années Jeux De Rôle m’ont plongé dans la culture geek qui s’y accole souvent : la SF (de Franck Herbert à « Blade Runner »), la fantasy (de Tolkien à « La Quête de L’oiseau duTemps »), Lovecraft...
Par la suite ma cinéphagie m’a fait engloutir à peu près tout ce qui sortait. Aujourd’hui, je dévore les séries en rafales.
Mes lectures sont essentiellement polar même si en ce moment, je lis avec grand appétit le dernier roman d’Amélie Nothomb,« Soif », qui raconte à la première personne la passion du Christ. Sujet et personnage, pour le coup, qu’il me plairait à travailler pour « Cartaventura ».
La peinture et les arts graphiques qui me touchent sont, eux aussi, toujours très « imagés » (Hopper, Bacon, Banksy).

Quelle sont vos techniques de travail ? Avez-vous des routines ?

J’aimerais tant ! Quand j’entends ces écrivains qui noircissent leurs pages rigoureusement 4 heures tous les matins, ou toutes les nuits... Je suis convaincu que c’est la chose et la méthode à tenir pour forger la qualité au cœur de la quantité. Malheureusement, mon écriture est beaucoup plus volatile et je procrastine énormément. Il faut que je sois acculé dans les cordes des délais dépassés pour me mettre enfin au travail. J’essaie de me corriger mais Thomas pourra témoigner qu’encore récemment, il a dû me fouetter pour sortir les scénarios de « Cartaventura » dans les temps.
Quant à la création de jeux, mes méthodes sont encore plus floues... C’est dire !

Comment concevez-vous vos prototypes ?

Les idées viennent souvent d’un jeu auquel j’aimerais jouer et que je ne trouve pas ou d’un thème qui, soudain, vient me visiter et qui me pousse à imaginer une façon ludique de l’aborder. Je fais alors les choses complètement à l’envers. Je finalise le jeu dans ses moindres détails et je passe des heures sur Photoshop à dessiner mon plateau, mes cartes, alors qu’évidemment ce sera la première chose qui disparaîtra et sera re-designée si le jeu en arrive à l’édition. Mille fois je me suis dit (et mes camarades auteurs également) que ce n’était pas la bonne démarche... Le cœur de mécanique d’abord, les détails ensuite ! Mais, difficile de se refaire, j’aime trop les formes pour les remettre à plus tard.

Quels conseils pourriez-vous donner à un apprenti créateur de jeux ?

Ouvrir et partager son travail ! Pour ma part, je fais partie du GRAL, le Gang Rennais des Auteurs Ludiques. Ce collectif d’autrices et d’auteurs se réunit tous les mercredis à l’Heure du Jeu, notre bar à jeux local. C’est là que l’on se présente nos prototypes et c’est là qu’ils gagnent tous en pertinence et en idées nouvelles. Le premier ennemi de la création est, je crois, la peur de la partager doublée d’un égo toujours mal placé. Si les regards sont aiguisés, durs parfois mais bienveillants toujours, on a tout à gagner à exposer son prototype à ses pairs. Si on est alors vraiment à l’écoute des remarques et critiques et qu’on est prêt à re-travailler en profondeur, les projets n’en sont que meilleurs et, ne serait-ce qu’au GRAL, j’ai vu avec le temps un nombre grandissant de prototypes se transformer en belles boîtes sur les étals de nos ludicaires. « Cartaventura » n’échappe pas à la règle. Quand Thomas a amené son prototype, il m’a tapé dans l’œil immédiatement et notre collaboration est née autour de ses premières cartes et d’une pinte de bière.

Des infos sur vos futurs projets ?

Des idées, toujours, pour « Unlock ! ». À voir si elles tiendront la route jusqu’à l’édition. Fin février se tient le salon du jeu à Cannes. J’ai deux, trois protos que j’aimerais finaliser pour cette échéance. Un gros 4X médiéval fantastique, un party game façon « OSS 117 » et un nouveau jeu narratif...

Pouvez-vous conseiller 3 jeux à nos lecteurs ?

Entre copains et avec des « non joueurs », « Top Ten » est devenu pour moi une référence solide. On s’y amuse vraiment.
Entre « gamers », « Endeavor », « Imperial » ou « El Grande » restent des grands classiques pour moi. Mécaniques fluides et originales et grande profondeur de jeu.
Et puis... « Codex Naturalis », « Dungeon Academy », « Ekö », « Check List », « Kiki va sorti les poubelles », « Above », « Cupcake Academy », « Dans mon panier » ...Qui, en plus d’être de très bons jeux, sont quelques-unes des créations de mes camarades du GRAL.
Désolé, ça fait un peu plus de trois. Mais quand on aime...
Salut à toutes et tous, je vous souhaite de bien vous amuser.

Merci beaucoup Arnaud.


A lire sur la Yozone :
- « Cartaventura : Oklahoma », la chronique
- « Cartaventura : Lhassa & Vinland », la chronique
- Entretien avec Guillaume Bernon, illustrateur de « Cartaventura »
- Le portrait ludique d’Arnaud Ladagnous, scénariste de « Cartaventura »


© les éditeurs & ayant droits


Michael Espinosa
Christelle Espinosa
19 novembre 2021



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