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Terrible Seigneur des Ténèbres (le), tome 1
Diana Wynne Jones
Ynnis, roman traduit de l’anglais, fantasy parodique, 377 pages, juin 2021, 14,95€

Les mages d’un monde enchanté en ont assez : ils ont décidé de se révolter contre M. Chesney, un humain qui, grâce à un pacte avec un démon, leur impose de servir de terrain de jeu pour ses « Pèlerins », en incarnant rois justes, princes fous, prêtres noirs ou sorciers maudits. Fatigués de voir leurs pays pillés par ses touristes, ravagés par les batailles organisées, ils consultent les Oracles pour y mettre fin. On leur conseille de désigner Derk, un mage pas forcément fabuleux, comme celui qui sera le Terrible Seigneur des Ténèbres de cette année.



Pour le mage débonnaire, c’est l’angoisse : il doit abandonner ses expériences de croisement d’animaux pour transformer son corps de ferme en citadelle noire, organiser des batailles, inventer et semer des indices sur sa prétendue faiblesse secrète, et faire semblant de mourir à chaque fois...
Sa femme Mara, nommée Ravissante Enchanteresse, doit jouer un autre rôle,et il ne peut compter que sur ses enfants : Shona vient d’intégrer l’académie des Bardes, et Blade voudrait devenir Mage, mais Derk s’oppose à ce qu’il entre à l’Université, se souvenant trop comment il y a été brimé. Et il y a les griffons, Kit, Colette, Don, Lydda, Elda, à demi humains et eux aussi en pleine crise d’adolescence...
Mais quand un vieux dragon, qui n’est pas au courant du pacte avec M. Chesney, vient souffler sur Derk, c’est toute la famille qui s’active pour boucler les préparatifs des Pèlerinages pendant qu’il est alité... Tout en se chamaillant un peu.

Autrice anglaise de renom, Diana Wynne Jones (1934-2011) allait avec « Le Terrible Seigneur des Ténèbres » assez loin dans la parodie de fantasy, la doublant d’un critique acide des jeux de rôles. Publié en 1998, le roman nous met dans la peau non pas des « héros », mais au contraire de tous les autres, du décor... L’autrice nous décrit un monde contraint de se changer en parc à thème pour amuser des joueurs, avec toutes les conséquences que cela implique : récoltes détruites, terres ravagées, bétail tués, et même des morts dans la population enrôlée elle aussi.

Derk a le pire rôle, celui du grand méchant qu’il faudra vaincre. Il devra donc simuler la mort pour chaque groupe de touristes... Une tâche qui lui déplait autant qu’aux autres mages qui s’y sont collé les années précédentes.
Si cela lui échoit, c’est que justement tout le monde en a assez, et que sa nomination serait, d’après les Oracles, le moyen d’y mettre un terme. Comment ? En brisant le contrat qui les lie tous à M. Chesney ? Personne ne le sait.

Pour Derk, c’est la fin de la tranquillité. Un peu au ban des mages, jugé asocial, il n’a en fait jamais su se couler dans le moule. Sa famille et sa maison sont à son image, et lorsqu’il voit débarquer toute l’Université chez lui, il craint davantage qu’on lui retire ses protégés, des animaux hybrides comme ses enfants griffons mais aussi un pégase, que de remplir son rôle de méchant d’opérette. Sans être misanthrope, il a assez peu confiance en ses semblables, et en la Grande Sorcière Querida encore moins.

Il va hélas crouler sous les difficultés, et ses enfants prendront le relais, faisant de leur mieux, avec un peu d’aide extérieure et malgré leurs dissensions, pour que M. Chesney ne puisse se plaindre qu’ils n’ont pas rempli leur part du travail. Faute de magie, ils bricolent parfois avec des choses surprenantes, lâchant des oies dans le camp des pèlerins pour imiter la Chasse Sauvage et leur flanquer une belle frousse.

Cette première partie fait presque 400 pages, et après la mise en place, parfaitement ciselée, on pourrait trouver l’accumulation d’épreuves un peu longue... c’est jusqu’à découvrir ce que trament les autres mages, pourquoi les choses vont si mal, mais surtout comprendre que c’est dans l’adversité que chacun des enfants montre le meilleur de lui-même, y compris dans sa relation avec le reste de la fratrie.
Des jeux d’influence se révèlent, des promesses devront être tenues, des erreurs porteront à conséquence... Si pour les mages l’espoir semble naître, nul doute de M. Chesney et son démon ne se laisseront pas déposséder si facilement de leur jouet.

Loin de la fantasy classique, Diana Wynne Jones nous livre une belle histoire de famille extraordinaire, confrontée à une mission impossible aux enjeux qui la dépasse. Cela lui vaudra un Prix Mythopoiec jeunesse, trois ans après celui obtenu pour « Dalemark ».

La fin de ce tome est terriblement abrupte, appelant la lecture sous un bref délai de la suite, promise pour février 2022 chez Ynnis.


Titre : Le Terrible Seigneur des Ténèbres (Dark Lord of Derkholm, 1998)
Série : tome 1/2
Autrice : Diana Wynne Jones
Traduction de l’anglais (Angleterre) : Magali Mangin
Couverture : Diekyers
Éditeur : Ynnis
Collection : Romans
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 377
Format (en cm) :
Dépôt légal : juin 2021
ISBN : 9782376972211
Prix : 14,95 €



Nicolas Soffray
20 novembre 2021


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