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Trilogie Trademark, tome 3 : Mort™
Jean Baret
Le Bélial’, roman (France), anticipation sociale, 400 pages, septembre 2021, 19,90€

Trois zones, chacune obéissant à un modèle de société guidée par un précepte auquel il faut obéir aveuglément, sans se poser de questions. Quitter le droit chemin tracé pour le bien de la multitude revient à s’exposer au rejet, voire pire.
Rasmiyah vit à Babel, c’est une chaos magicienne priant le dieu serpent Glycon. En plein quartier musulman, cela fait tache.
Xiaomi est journaliste à Mande-ville où la consommation est le maître-mot.
Quant à Donald Trompe, citoyen DN4n93xw de la zone Algoripolis, son quotidien est dirigé par des algorithmes lui indiquant ses temps de vie.
Tous trois entendent parler de la M-Théorie. Personne ne sait de quoi il s’agit, mais ils s’y intéressent par curiosité et peut-être aussi pour dévier d’une existence bien monotone.



Avec « Mort™ », Jean Baret conclut la « Trilogie Trademark ». Deux zones sont déjà bien connues des lecteurs, car « Bonheur™ » se passait à Mande-ville et « Vie™ » à Algoripolis. Restait le troisième secteur, Babel qui n’est pas le seul à être mis en scène ici, car les deux autres se partagent l’espace à parts égales. Trois zones, trois habitants, trois récits, trois destins. Un roman sous forme d’un fromage divisé en trois, mais chaque morceau au goût très différent. La saveur de deux est toutefois connue, seul le troisième apporte de la nouveauté.
Jean Baret rabâche, il use du copier coller pour mieux immerger le lecteur dans la routine quotidienne des trois protagonistes. Un procédé qui a ses limites, il le sait et délaye au fur et à mesure pour la ramener à l’essentiel. Il y a un côté agaçant, car chaque chapitre revient à faire un pas en arrière avant d’avancer de deux. Résultat : les quatre cents pages semblent longues, longues, d’autant qu’on est très loin d’un page turner. Souvent on est bien plus près, voire carrément dans un essai exposant trois modèles de société : un basé sur la religion, donc les Dieux, le second sur la toute puissante consommation et le troisième sur des algorithmes traitant chaque citoyen sur le même plan, les parquant dans des cellules de 8 m² et leur offrant la virtualité comme seule évasion.
Les trois individus lambdas sont bien formatés, chacun est persuadé de vivre dans la seule zone viable, aucun ne croit dans les autres modèles de société. D’ailleurs les trois zones sont séparées par d’énormes murs. Finalement une unique chose les réunit : la M-Théorie qui attire leur curiosité. Mais qu’est-ce ? Si ce n’est une idée, la tentation perfide qui les pousse à regarder au-delà de leur paradis respectif. Bien sûr, chacun cherche à croquer la pomme. Mais pour quel résultat ?

Effectivement pour quel résultat ? Parvenu à la conclusion, je me suis dit : « tout ça pour en arriver là ! » La couverture d’Aurélien Police n’a pourtant cessé de me narguer. Cet espèce de cœur avec des sortes d’immeubles dans son flanc reflète la même artificialité que l’ouvrage. Que signifie la couverture, que veut dire Jean Baret avec son récit saucissonné en trois pour traiter les trois zones en une fois ? Les deux ressemblent à un exercice de style qui parlera à certains et en éjectera d’autres. Si les deux premiers tomes fonctionnaient, celui-ci se disperse de trop, peine à convaincre, d’autant que les deux tiers sentent le réchauffé.
La méthode Jean Baret a-t-elle atteinte ses limites ici ? Ou le fait de changer d’angle d’attaque ne tient-il pas ses promesses ? Pour moi, un peu des deux. De plus, il est difficile d’adhérer aux divers développements. Trop d’inconnus, comme si l’auteur voulait montrer que ces systèmes ont une telle inertie qu’il est impossible de quitter leur giron. Il faut avouer que les tentatives sont bien timides, qu’il n’y a pas grand chose pour s’enthousiasmer en-dehors des sociétés décrites.
Rasmiyah emprunte chaque jour un autre itinéraire pour se rendre dans la famille dans laquelle elle sert de professeur à un enfant. Elle croise de multiples confessions, entend une multitude de messages religieux... Comme elle se rend à pied au travail, il est difficile d’imaginer la pluralité des parcours décrits et servant juste de prétexte à l’auteur pour développer ce qui s’apparente finalement à un prêche. Ce dernier trouvera ou non un public réceptif.

La trilogie n’aura pas tenu la longueur. Dommage, vraiment dommage que l’ultime volet ne soit pas à la hauteur de ce projet animé d’une folie certaine.
Avocat au barreau de Paris, nihiliste et culturiste, Jean Baret maîtrise l’anticipation sociale et culturelle, la critique de notre société est acerbe, mais « Mort™ » finit par lasser.


Titre : Mort™
Série : Trilogie Trademark, tome 3
Auteur : Jean Baret
Couverture : Aurélien Police
Éditeur : Le Bélial’
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 400
Format (en cm) : 14 x 20,4
Dépôt légal : septembre 2021
ISBN : 9782843449864
Prix : 19,90 €


Également sur la Yozone :
- « Trilogie Trademark, tome 1 : Bonheur™ »
- « Trilogie Trademark, tome 2 : Vie™ »
- la nouvelle “Trademark” dans « Bifrost 91 »



Pour contacter l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
21 novembre 2021


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