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Peine-Ombre
Ariel Holzl
404 éditions, roman (France) dark fantasy, 262 pages, mars 2021, 16€

Le pays d’Astravia subit tous les 30 ans une minute d’éclipse qui provoque des mutations monstrueuses chez ses habitants restés dehors, mais aussi la solution : les bébés nés durant l’éclipse, immunisés, peuvent bannir le mal. Livianne est l’une de ces Eclipsiennes, formée à l’académie de Peine-Ombre pour traquer les Miasmes. Son œil noir lui permet en plus d’entendre chuchoter les ombres, un pouvoir supplémentaire.
Mais quand une éclipse s’abat avec un mois d’avance, et dure deux minutes de plus, c’est la panique, et ce qui reste des Eclipsiens dans le pays doit trouver une solution, car d’après les calculs, le rythme va s’accélérer, jusqu’à plonger le monde dans les ténèbres...



Après une intro bien immersive, aux saveurs marqués de dark fantasy, avec des touches de western et de zombies, genre « La Tour Sombre » de Stephen King, moins cryptique et immédiatement terrifiant, les marques sont prises : le vieil empire, l’affront fait aux trois déesses des trois lunes, les miasmes qui changent en monstres à chaque éclipse, et le petit pouvoir de nos héros, mi-guerriers mi-sorciers, pour circonscrire le mal rampant, sournois comme une pollution radioactive.

La réunion ordonnée par le Miroitier, le dernier maître de l’académie, permet de découvrir tous les protagonistes, leurs origines variées, et les liens souvent complexes qui les unissent, ou les ont unis. A plusieurs reprises, par la suite, Livianne replonge dans ses souvenirs, de son arrivée à Peine-Ombre jusqu’à l’incendie, confrontant les Eclipsiens confirmés qu’elle retrouve avec les jeunes adultes qu’ils ont été. Et les années d’études, autant que l’incendie, ont laissés certaines marques indélébiles : ainsi, Malthias le fier-à-bras aux réparties cinglantes est toujours amoureux de la pieuse Alys, malgré la fin de non-recevoir essuyée des années plus tôt. Livianne éprouve un peu de gêne à revoir Edrik, son amoureux de l’époque, devenu prince consort de l’impératrice Ob’ellia, elle aussi de leur promotion. Bien entendu, le périple qui s’annonce va réveiller toutes ces vieilles rancœurs, ces regrets, ces jalousies jamais oubliées. Le mystère plane également sur les causes de l’incendie meurtrier, qui a coûté un bras et une jambe à Vernest, remplacés par des prothèses mécaniques, et ravagé la peau de Vanessandre, qui use de son pouvoir pour dissimuler ses brûlures.

Pour lutter contre cette accélération de l’éclipse, une seule solution : aller au cœur des Terres Aveugles, jusqu’à la capitale de l’ancien empire celaenen, là où les empereurs jumeaux ont causé l’Affront. Un périple en terrain hostile, maudit, contaminé, au sol vitrifié, à la faune et la flore transfigurées (on retrouve les éléments d’une violence atomique et ses conséquences). Et peuplé d’illusions, d’osmophoses, de lieux jaillis parfois de leurs souvenirs, créés par les miasmes comme un gigantesque piège, mettant leurs nerfs à très rude épreuve, multipliant les dangers.
Bien sûr, cette quête leur permettra de faire la lumière sur leur passé, certains expieront leurs fautes, d’autres se sacrifieront.

On appréciera le retournement final, certes un peu hollywoodien, façon « vous êtes les dindons de la farce + tout cela faisait partie du plan », mais cela n’enlève rien à la qualité de la narration d’Ariel Holzl, repéré avec son excellente trilogie jeunesse, beaucoup plus légère, des « Sœurs Carmine » chez Mnémos. Si son propos est bien plus sombre et violent ici, il a accordé un soin particulier, comme on l’a dit, à la psychologie de ses personnages et aux liens qui les unissent et régissent leurs interactions, pour offrir avec « Peine-Ombre » un très bon roman young adult mais pas que.

C’est bourré d’action, très visuel, et si on craint au début de ne pas s’y retrouver entre les personnages et leurs pouvoirs, c’est une peur vite balayée, au contraire des autres. L’auteur invoque une iconographie et un bestiaire originaux, qui tranche avec les univers de fantasy trop proprets.
Si la cosmogonie est présentée de manière un peu scolaire (mais bon, on est à l’académie), on appréciera, autour du personnage d’Alys, les frictions entre foi en un dieu unique et culte d’une trinité céleste dont la malédiction est on ne peu plus palpable. L’auteur ne pousse pas trop dans ce domaine, tout comme il n’insiste pas sur les merveilles mécaniques de l’Enclave, pour se concentrer sur son histoire et ses personnages. N’empêche, on ne rechignerait pas à revenir à Astravia, même si Peine-Ombre clôt son intrigue de façon définitive, dans les toutes dernières pages qui confrontent nos héros aux déesses.

Un très chouette roman, bien sombre, illuminé par ses personnages fort justes, et servi par une couverture très graphique qui vous susurre presque, comme les ombres qu’entend Livianne : « Lis-moi... »


Titre : Peine-Ombre
Auteur : Ariel Holzl
Couverture : Alice Peronnet
Éditeur : 404 éditions
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 262
Format (en cm) : 22 x 14 x 2
Dépôt légal : mars 2021
ISBN : 9791032404324
Prix : 16 €



Nicolas Soffray
20 août 2021


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