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Entretien avec Aurélien Filippi & Joan Bacheré
Créateurs et illustrateur du jeu « Graal » - Oka Luda
27 mai 2021

Aurélien Filippi et Joan Bacheré arrivent dans le milieu des créateurs avec un premier jeu de société, « Graal ». Ce jeu de cartes s’inspire d’un jeu très célèbre tout en le transformant avec talent, et avec de superbes illustrations. Mais comment ces deux joueurs de longue date en sont-ils arrivés là ?



Vous êtes aujourd’hui créateurs de jeux. Quels ont été vos parcours pour y parvenir ?

Aurélien  : Je suis graphiste de formation et rôliste puis GNiste avec Joan depuis maintenant une bonne vingtaine d’années. Nous avons créé, avec notre groupe d’amis, une association d’organisation de GN (jeux de rôles grandeur nature) dans laquelle j’étais graphiste et Joan organisateur. J’ai eu l’envie en 2018 d’assembler l’ensemble de mes compétences et de mes loisirs pour aller vers un nouveau projet. Le jeu s’est rapidement imposé.

Joan  : De mon côté, je suis dans l’informatique de gestion (où il y a plein de règles à créer et à appliquer). Comme l’a évoqué Aurélien, on a toujours baigné dans les jeux depuis notre enfance (cartes, jeux de rôles, wargames, …) et, avec notre expérience associative, on savait qu’il était possible d’être créatifs sans grands moyens. Aurélien m’a présenté ce projet et j’ai tout de suite adhéré. Déjà, avec son talent, j’étais sûr qu’il serait beau !

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Graal reprend les mécanismes de défausse du « Uno ». Qu’est-ce qui vous a donné envie de réutiliser cette mécanique ?

Aurélien  : Alors pas tout à fait ! Dans ma famille nous jouons depuis toujours à un jeu que nous appelons le Maou Maou (nous ne sommes pas tous d’accord sur l’orthographe...). C’est un dérivé du « 8 américain », remanié sur plusieurs générations. J’ai de grands souvenirs avec ce jeu, des retournements de situations, des vengeances implacables et finalement des parties mémorables. En voyant mon neveu s’amuser comme un fou avec ce jeu simple, comparé à la richesse du monde du jeu actuel, je me suis dit : voilà une bonne base !

Joan  : C’est une mécanique simple, efficace et éprouvée. Ceux à qui on a fait tester le jeu n’étaient pas dans l’inconnu complet et pouvaient s’approprier les nouvelles règles et différences sans difficultés.

Vous avez upgradé la mécanique initiale avec des pouvoirs pour les cartes, mais aussi les cartes Légendes et Quête. Comment êtes-vous parvenus à ce résultat ?

Aurélien  : Le plaisir que nous avons à incarner des personnages qui ont leurs propres capacités dans le jeu de rôle et qui partent à l’aventure pour découvrir des trésors et des lieux magiques. Le challenge était de retrouver un peu de ces sensations dans un jeu de carte familial.

Joan  : On voulait mettre un peu d’épaisseur dans le jeu, qu’il y ait un côté « incarnation » qu’on ne soit pas un simple joueur, il fallait donc pouvoir se distinguer des autres avec des actions propres. L’autre avantage était que les possibilités de combinaisons et donc de parties différentes étaient multipliées grâce à ce système.

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Pourquoi la thématique de la quête du Graal parmi toutes les thématiques possibles ?

Aurélien  : Nous voulions un univers riche pour qu’il y ait une cohérence et pas juste un thème. Les pouvoirs des légendes sont associés aux aventures que vivent ces personnages dans les écrits que nous avons croisés. De même pour les quêtes, c’était important pour nous de ne pas faire des illustrations gratuites.

Joan  : Cette œuvre foisonnante m’a plu depuis mon plus jeune âge (« Excalibur » de John Boorman !), ça parle à tous et, comme le souligne Aurélien, c’est extrêmement riche et inspirant.

Sur votre site perso du jeu, on constate l’existence de cartes personnages comme l’Historien, la Milliardaire ou encore le Détective, cartes finalement absentes de la version finale. Quelles étaient vos idées derrière ces cartes ? Pourquoi ne sont-elles pas dans le jeu ?

Aurélien  : Oui, je dois modifier le site pour enlever ces informations qui ne sont plus d’actualité. Il s’agit de la toute première version du jeu. Le principe était que vous incarniez un personnage contemporain (avec une capacité spéciale de pioche) qui était le lointain descendant d’un héros des légendes arthuriennes. On ne connaissait pas son ancêtre en début de partie, il fallait remporter une manche pour le découvrir et bénéficier de ses pouvoirs. Après de multiples parties de tests et de discussions avec l’éditeur Oka Luda nous avons préféré retirer ces mécaniques pour optimiser la fluidité du jeu.

Comment s’est déroulé votre travail avec l’éditeur ? Beaucoup de modifications ont-elles été nécessaires entre votre prototype et le jeu final ?

Aurélien  : Tout s’est très bien déroulé. Oka Luda nous a apporté son expérience et ses précieux conseils pour améliorer « Graal », sans jamais le dénaturer. Ils se sont investis avec nous et c’était très agréable d’avoir ce soutien même si parfois nous avons dû abandonner des mécaniques qui nous tenaient à cœur, avec nos tests nous n’avons pu que constater qu’ils avaient raison.

Joan  : Oui, ça a été un dialogue très intéressant avec Oka Luda. Leur regard neuf et chevronné a été très utile pour élaguer certaines complexités inutiles et de notre côté on avait l’expérience de nombreuses parties de tests pour expliquer certains choix de règles. La version finale est relativement proche du prototype, elle est plus fluide et plus rapide.

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Illustration personnelle d’Aurélien Filippi (hors jeu Graal)

Vous êtes un duo d’auteurs. Comment votre processus de création fonctionne-t-il à quatre mains ?

Aurélien : J’ai montré la base d’un jeu bien trop compliqué à Joan, qui, avec ses milles idées à la seconde, a apporté des solutions et des changements majeurs. Il n’y a rien de plus plaisant que lorsque l’un propose une mécanique et que l’autre rebondit pour y apporter encore une idée en plus.

Joan  : Beaucoup d’échanges, de tests et un dialogue permanent. Être à deux cela conduit à une certaine émulation pour être à la hauteur de l’autre et permet de s’entre-motiver.

Aurélien, vous illustrez le jeu. Quel est votre parcours d’illustrateur ?

J’ai toujours fait de l’illustration dans mon travail et pour le plaisir, mais c’est la première fois que mes illustrations sont éditées, c’est une grande fierté, mais j’espère surtout qu’il y en aura d’autres. Amis éditeurs ou auteurs, contactez-moi !

Joan  : Même si ça ne m’est pas adressé, je réponds quand même. C’est super inspirant et motivant de voir les magnifiques illustrations d’Aurélien, elles ont été faites tout au long du développement, et, au fur et à mesure de leur arrivée, je me disais qu’on tenait un super jeu.

Quelles sont les jeux qui vous inspirent ?

Aurélien  : Je suis en grand fan de « Splendor » (qui ne l’est pas...) ou encore « Kingdomino », « 7 wonders », mais aussi des mécaniques redoutables comme le « 6 qui prend » ou « The Game ». Et je suis toujours sensible aux graphismes qui y sont associés.

Joan  : Sans citer de jeux en particulier, je suis toujours fasciné par la créativité et l’inventivité ludique. Il y a toujours une nouvelle mécanique ou un nouveau concept, souvent très simples, qui sortent et on se demande pourquoi on n’y a pas pensé soi-même !

Quelles sont vos influences venant d’autres media, cinéma, livres, BD, peinture… ?

Aurélien  : Houla ! Je suis un très gros consommateur de séries, films, animés, livres et BD. C’est plus simple pour moi de vous citer mes dernières lectures et mes derniers visionnages. En livre je termine le second volume de l’intégrale des « Aventures de Jack Aubrey » de Patrick O’Brian (« Master and Commander »). En série je viens de commencer « Jupiter Legacy », j’ai adoré les comics. En animé, en attendant la suite du singulier « Made in Abyss » je continue « Vinland Saga ». En BD je viens de terminer « la Dernière Ombre » de Gaspard Yvan et de mon frère Denis-Pierre Filippi, désolé pour cette auto-promo familiale mais j’ai adoré cet album ! Et en film il me tarde de voir « Le dernier voyage », de la SF française c’est trop rare pour ne pas y jeter un œil.

Joan  : En auteurs de livres, j’aime beaucoup Jean-Philippe Jaworski (« Gagner la guerre ») ou Alain Damasio (« La horde du contrevent »). J’ai bien apprécié « Le sentier des astres » de Stefan Platteau qui a réussi à renouveler le genre. Je viens de lire le mook sur « Dune » qui est très bien fait, quand j’ai enlevé le blister plastique et l’ai feuilleté, j’ai ressenti ce petit frisson fugace de l’envie de tout lire mais en prenant son temps pour faire durer le plaisir.

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Illustration personnelle d’Aurélien Filippi (hors jeu Graal)

Quelle sont vos techniques de travail ?

Aurélien  : Je n’ai pas eu l’impression que nous ayons mis en place des techniques particulières. Nous avons testé, testé, et re-testé et chaque partie nous a permis de valider nos nouvelles idées ou de les écarter. En parallèle j’avançais sur les illustrations.

Joan  : Un schéma cyclique s’est mis en place assez vite : partie de test, débriefing, propositions d’amélioration. Avec un peu de temps entre chaque cycle pour laisser maturer les idées nouvelles.

Comment concevez-vous vos prototypes ?

Joan  : Pour concevoir nos prototypes, je confie tout à Auré. 😊

Aurélien  : C’est l’avantage d’être graphiste et illustrateur 😊. Après il faut du papier un peu épais, une imprimante et un bon cutter. Nous avons par contre toujours voulu mettre des illustrations génériques sur nos prototypes pour que nos testeurs puissent avoir un support visuel et pas seulement du texte ou des icônes. Pour le prototype de présentation nous avons cherché des prestataires capables de produire un certain niveau de qualité mais à quelques exemplaires seulement. Nous sommes donc arrivés chez Oka Luda avec un prototype très abouti. L’objectif étaient de séduire par le jeu, mais aussi par nos compétences de mise en forme.

Quels conseils pourriez-vous donner à un apprenti créateur de jeux ?

Aurélien  : Je ne sais pas si j’ai la légitimité pour donner des conseils, nous n’avons fait qu’un jeu. Je crois qu’être seul, est sans doute le plus compliqué. Joan et moi nous sommes poussés l’un l’autre, donc je dirai qu’il faut constituer une « équipe » et attribuer les compétences et les rôles de chacun. Après il y a un facteur chance car aussi bonne soit votre idée rien ne garantit son succès auprès d’un éditeur.

Joan  : Le fait de travailler en équipe nous a bien aidés. Faire un prototype (même moche) est indispensable car il faut beaucoup de tests pour trouver les écueils et les contourner. Et bien sûr faire les tests avec d’autres personnes (aguerries ou débutantes) pour avoir un œil neuf.

De futurs projets à 2 ? Individuellement ?

Aurélien & Joan : Il y a des idées en cours de développement, rien de concret aujourd’hui, nous nous focalisons sur « Graal » en espérant qu’il trouve son public.


3 jeux conseillés par Aurélien Filippi :

- « Splendor » : pour son côté progressif, stratégique, accessible et ses magnifiques illustrations.

- « Kingdomino » parce que réinventer les dominos c’est une idée de génie que j’aurais aimé avoir !

- « Le 6 qui prend » : finalement on y revient toujours avec plaisir.

3 jeux conseillés par Joan Bacheré :

- « 7th fleet » : de Victory Games (et la série des fleet), un vieux wargame où on passait des heures à tout préparer puis à jouer, c’était complexe mais très bien fait et on ne voyait pas le temps passer. (Je confirme ! note de Michaël)

- La belote : c’est facile à apprendre, le jeu peut être subtil et c’est convivial.

- Le jeu de rôle en général  : pour s’évader il n’y a rien de mieux, si on a aimé une œuvre, on peut la faire vivre autour de nouvelles aventures dont on est le héros.


À lire sur la Yozone :
- Graal le jeu
- Aurélien Filippi - Elaine, Viviane, Iseult, Guenièvre...


Illustrations © Aurélien Filippi & Oka Luda


Michael Espinosa
Christelle Espinosa
26 mai 2021



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Aurélien Filippi



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Joan Bacheré



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Illustration personnelle
d’Aurélien Filippi
(hors jeu Graal)



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