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Aya et la sorcière
Diana Wynne Jones
Ynnis, roman (Grande-Bretagne), conte illustré, 130 pages, février 2021, 17,95€

Aya Gance (mais elle préfère Manigance)(et cela lui va bien) a toujours vécu à l’orphelinat St Morwald. Et elle y est très bien, puisqu’elle mène tout le monde à la baguette, des enfants à la cuisinière. Aussi lorsque des parents viennent pour adopter un enfant, fait-elle tout pour les décourager de la choisir. Une stratégie à laquelle elle essaie de convertir son copain John Coster, dit Custard. Mais débarque une étrange bonne femme, à la tignasse bleue et au maquillage aussi bizarre que ses vêtements, et accompagnée d’un homme, affublé de cornes (ou d’oreilles de lapin ?) qui semble grandir à chaque minute.

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Pas vraiment le genre de famille extra-ordinaire par laquelle Manigance accepterait éventuellement d’être adoptée ! A peine arrivée dans son nouveau foyer, une petite maison qui semble bien plus grande de l’intérieur, la vérité éclate : la femme s’appelle Bella Yaga, elle est une sorcière et Manigance est désormais sa nouvelle assistante. La petite fille, nullement impressionnée, réfléchit déjà à tourner la situation à son avantage, sans savoir qu’elle est elle-même fille de sorcière.



Les romans de Diana Wynne Jones ont déjà attiré l’attention des Studios Ghibli, qui avaient adapté son « Château de Hurle » (en « Château ambulant »), dont Ynnis poursuit au passage la traduction, qui s’était cantonnée au premier tome.
« Aya et la Sorcière » est davantage une nouvelle, puisqu’elle ne fait que 130 pages écrites très gros (18 lignes/page) et abondamment illustrées. Et pas par n’importe qui ! Miho Satake, déjà à l’œuvre sur « Kiki la petite sorcière ». Cela nous donne un très bel album grand format, largement saupoudré de petits dessins noir et blanc ou couleur, et de très belles planches couleurs pleine page où les talents d’aquarelliste de Satake font merveille.

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Le choc graphique est d’ailleurs rude, entre la couverture qui annonce le premier long-métrage en 3D de Ghibli et ce dessin très traditionnel, assez peu marqué par les codes asiatiques et pour ainsi dire, très anglais, qui colle parfaitement à l’histoire. Très vite, dès les premières pages, on adopte la bouille renfrognée de Manigance et son allure de chipie (elle s’appelle Earwig, « perce-oreilles » en anglais), loin de cette petite fille souriante et lisse en couverture. Idem pour Thomas, le chat noir, trop choupi-kawai. Cela promet une adaptation surprenante et sans doute assez libre.

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Mais revenons à cette histoire. Coincée entre une sorcière irascible qui la prend pour sa bonniche et un mage, Mandrake, assez effrayant et qu’il ne vaut mieux pas mettre en colère, puisqu’elle ne peut s’enfuir, Manigance ne se laisse pas démonter : elle est prête à devenir une sorcière ! Mais Yaga ne veut pas la former. Tant pis, elle se débrouillera dans son dos. Elle explore la maison, qui n’obéit pas aux lois de la physique, avec une porte qui disparaît dans le mur ou des pièces qui ne sont pas à leur place. Ainsi, le bureau de Mandrake est à côté de sa chambre, là où depuis le couloir elle trouve la salle de bain.
Elle va trouver un allié de poids pour comprendre comment fonctionne les choses : Thomas, le chat noir et familier de Bella Yaga. L’animal, qui parle, est indispensable à la fabrication des sorts, mais il n’aime pas cette sorcière qui le menace en permanence (et Manigance aussi) de lui donner des vers. À eux deux, ils vont travailler en douce à se protéger de cette menace, avant de retourner la magie de Bella contre elle-même. Un jeu dangereux, surtout dans la maison d’un sorcier grognon secondé par des démons.

Diana Wynne Jones nous propose là une très belle histoire, assez drôle, avec une héroïne narquoise à souhait, qui l’a pas froid aux yeux et compte bien rester au centre de son nouvel univers. Preuve de maturité ou égoïsme ? Un peu des deux ! Dans la droite ligne de Roald Dahl, avec des références qui feront sourire les plus grands (les noms des sorciers), une fois encore les enfants sont plein de ressources et ne succombent pas à la peur de l’inconnu mais y cherchent une solution, aux dépens des adultes qui se croient tout-puissants. Les choses sont facilitées ici puisque Bella Yaga a elle-même peur de Mandrake, ce qui offre un levier tout trouvé à Manigance, pour peu qu’elle sache orienter la colère du mage sur la sorcière et pas sur elle. Si elle n’avait pas planifié l’ultime partie de son plan, elle atteint pleinement son but. La conclusion fait une ellipse un an plus tard et une fin ouverte qui nous laisse avec un grand sourire.

Un conte moderne qui plaira aux jeunes lecteurs, avec ce qu’il faut de frissons, de trucs de sorcières bien dégoûtants, de suspense et d’humour. L’héroïne, pas vraiment une petite fille modèle, a un caractère bien trempé qui pourra servir d’exemple aux plus timides (comme Custard) et leur montrer qu’il ne faut pas se laisser marcher sur les pieds ! Attention à ne pas trop lui ressembler non plus !
Si j’attends pour me prononcer sur l’adaptation, et notamment l’esthétique 3D reprise en couverture, l’intérieur est magnifique, et contribue à la perfection au plaisir de lecture, à tout âge.


Titre : Aya et la sorcière (Earwig and the witch, 2011)
Autrice : Diana Wynne Jones
Illustratrice : Miho Satake
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Magali Mangin
Couverture : Studio Ghibli
Éditeur : Ynnis
Collection : Roman
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 130
Format (en cm) : 28 x 20 x 1,5
Dépôt légal : février 2021
ISBN : 9782376972068
Prix : 17,95 €



Nicolas Soffray
10 avril 2021


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