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Terra Ignota, livre Troisième : La volonté de se battre
Ada Palmer
Le Bélial’, roman traduit de l’anglais (États-Unis), science-fiction, 530 pages, février 2021, 24,90€

Suite à la découverte d’OS, système assurant la stabilité mondiale en tuant des éléments perturbateurs, l’humanité arrive au terme de trois siècles de paix au printemps 2454. La guerre semble inévitable, tant la confiance entre ruches est ébranlée. Le miracle de la résurrection de J.E.D.D. Maçon n’aide pas, car ce dernier apparaît encore plus étranger, plus menaçant. Des rumeurs annoncent sa prise de pouvoir sur tout, la fin d’un monde pour la naissance d’un nouveau. Mais lequel ?
La guerre est imminente et seuls les Jeux olympiques offrent une trêve jusqu’à leur clôture, synonyme de jours très sombres.



Les volumes de « Terra Ignota » sont à lire dans l’ordre pour appréhender cette vaste histoire. Elle s’avère d’une telle richesse qu’elle ne s’apprivoise que petit à petit. Au fil des pages, le lecteur découvre ce futur surprenant avec son système de ruches, ses personnages incontournables, sa langue déstabilisante... Il s’y immerge lentement, s’y fait sa place pour mieux suivre le fil des événements narrés par Mycroft Canner. Ce n’est qu’en respectant ce qui s’apparente à un apprentissage que chacun profitera de ce voyage dans un XXVe siècle aux accents du siècle des lumières.

Ce troisième tome « La volonté de se battre » précède la guerre, un art perdu durant ce qui est qualifié d’âge d’or de l’humanité, mais Achille, le héros grec, est de retour et tous les puissants veulent se l’approprier pour survivre aux jours sombres se profilant. Les deux premiers volets servaient de mise en bouche, de détonateur pour cette montée en pression jusqu’à ce que l’irréparable soit commis. Maintenant que le lecteur s’est familiarisé avec cet univers, qu’il en maîtrise les codes, qu’il ne bute plus sur les ons en lieu et place des ils, les genres utilisés à contre-emploi, le plaisir n’en est que plus grand. Il retrouve une vaste famille aux membres turbulents. Les presque 1500 pages qui précédaient ont suffisamment imprimé les principaux acteurs de ce drame dans les mémoires, même si les intervenants sont si nombreux que ce n’est pas toujours évident de (re)situer tel ou tel.

À ce stade, « Terra Ignota » ne demande plus qu’on la dompte, mais que l’on s’y abandonne pour en profiter pleinement et mieux saisir toute l’ampleur de ce projet.
Toutefois, « La volonté de se battre » demande toujours la pleine participation de celui qui s’y plonge, car des inconnus demeurent, comme ce mystérieux lecteur, ce personnage évoluant dans l’ombre de Mycroft Canner, pierre essentielle à ce vaste édifice. Aucun puissant ne peut s’en passer, malgré les actes horribles commis dans le passé, le plaçant au rang des Servants. Il chronique ce basculement de l’humanité, auquel il assiste de près. Il est tiraillé par ses allégeances, ses devoirs, ses envies. Il en souffre, tire sur la ficelle sans considération pour sa santé. Quel personnage magnifique ! D’autant que l’histoire est décrite au travers de son prisme.
Les motivations diffèrent entre ruches : sauver la paix, remporter la victoire, vengeance, empêcher la destruction totale... L’indescriptible J.E.D.D. Maçon, véritable dieu vivant, semble tenir la destinée entre ses mains et vouloir la plier selon ses volontés, même s’il va contre ses alliés. Il attire tous les regards oscillant entre la dévotion et la haine, tant il est insaisissable. Les personnages forts abondent, donnant un incontestable relief à l’ensemble.

La société s’avère elle aussi originale, les Ruches ne manquent pas d’attraits, même si certains ont choisi de les ignorer. Mais l’équilibre est fragile comme en témoigne « Terra Ignota » et se trouver sur un piédestal n’est pas garant d’impunité. Jeux de pouvoir, machinations d’alcôves... les hommes et femmes ne changeront jamais. Ici, ces manigances n’en sont que plus subtiles. Essayer de préserver coûte que coûte la paix s’avère à un moment contreproductif. L’effet boule de neige fonctionne à plein.

Ada Palmer signe là une série de SF exigeante et ambitieuse, dont chaque tome dévoile davantage le potentiel. « La volonté de se battre » marque un tournant, la fin d’une longue ère de paix avant la guerre. Quelle forme prendra-t-elle ? L’auteure n’a pas fini de nous surprendre, de nous séduire avec sa création originale, décalée et décadente.
Au fil des tomes, « Terra Ignota » s’installe assurément au rang des œuvres essentielles de la SF.

Encore deux tomes annoncés en 2022 au programme, de quoi poursuivre cette immersion jubilatoire.


Titre : La volonté de se battre (The Will to Battle, 2017)
Série : Terra Ignota, livre Troisième
Auteur : Ada Palmer
Couverture : Victor Mosquera
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Michelle Charrier
Éditeur : Le Bélial’
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 530
Format (en cm) : 14 x 20,4
Dépôt légal : février 2021
ISBN : 9782843449758
Prix : 24,90 €


Ada Palmer sur la Yozone :
- Terra Ignota, livre Premier : Trop semblable à l’éclair
- Terra Ignota, livre Deuxième : Sept redditions

Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
29 mars 2021


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