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Bifrost n°101
Rédacteur en Chef : Olivier Girard
Revue, n°101, nouvelles - articles - entretiens - critiques, janvier 2021, 192 pages, 11,90€

Début des années 1990 sortaient deux livres de Dan Simmons en France : « Hypérion » et « L’échiquier du mal », deux chefs-d’œuvre, rien de moins. L’écrivain était lancé, son nom associé à deux titres essentiels de l’imaginaire. Il aime surprendre, ne pas se cantonner à ce qu’il sait faire, arpenter de nouvelles voies. Il a commencé sa carrière fort, très fort, même trop fort, car il n’a, à mon sens, plus jamais atteint ce niveau d’excellence. De plus, sa personnalité profonde s’est révélée au grand jour depuis et, pour certains, l’homme a pris le pas sur l’écrivain, surtout quand un roman est devenu sa tribune. Reflet de ce virement à droite toute : la brouille avec Jean-Daniel Brèque a été brutale, traumatisante et l’entretien avec l’intéressé montre encore aujourd’hui combien il en a été meurtri.
Dan Simmons est controversé, sa personnalité divise, mais l’écrivain, même si l’intérêt de ses écrits récents a vraiment baissé, reste un grand nom des genres de l’imaginaire, quelqu’un qui compte.



“La barbe et les cheveux : deux morsures”, nouvelle datant de 1989, est la preuve de son talent. Il nous immerge dans son récit prenant un tour étrange. La tension monte peu à peu, longtemps le doute prédomine avant que la réalité ne prenne le pas. C’est bien écrit, prenant, le glissement est lent, ce qui le rend d’autant plus dérangeant.

En entame du dossier, Apophis retrace la carrière de Dan Simmons et je partage pleinement sa conclusion : « ... ayons le bons sens de ne pas faire payer à l’écrivain les errements de l’homme, supposés ou avérés... ».
Un entretien réalisé en 2013 permet de mieux appréhender le personnage. Les débuts tiennent de la belle histoire avec cet atelier dirigé par Harlan Ellison. David Barr Kirtley aborde aussi les thèses développées dans le roman « Flashback ». L’auteur botte un peu en touche, se retranchant derrière la première version parue dans le recueil « L’amour, la mort ».
L’œuvre de Dan Simmons est décryptée à travers plusieurs pans : « les Cantos d’Hypérion » vus par l’œil fin de Dominique Warfa, les nouvelles, les romans relevant de l’imaginaire et les policiers. De manière générale, il apparaît que l’intérêt faiblit au fil du temps, mais des titres ressortent vraiment de la liste et comment ne pas avoir envie de les découvrir, de s’abandonner à cette prose envoûtante ? Il suffit alors de se reporter à la bibliographie concoctée par Alain Sprauel pour savoir les versions disponibles.
Dan Simmons méritait amplement ce dossier, rien que pour resituer l’écrivain par rapport à la polémique autour de l’homme. Je renvoie aux propos d’Apophis qui a parfaitement cerné le malaise. Lisez, relisez « Hypérion » et vous comprendrez son importance au sein du panthéon de l’imaginaire.

Au rayon des nouvelles, les lecteurs sont gâtés.
Greg Egan nous présente un curieux virus. “La fièvre de Steve” provient de nanobots cherchant à accomplir leur mission initiale, soigner leur créateur, mais leur tâche a pris un tour inattendu. À nouveau, Egan surprend par le sujet dont l’ampleur est doucement dévoilée. C’est toujours un plaisir de s’abandonner à ses nouvelles dont il exploite parfaitement l’idée forte de départ.

Colonisation pour Christian Léourier. Ce ne sont pas les parents curieusement absents qui s’occupent de leurs enfants, mais des robots. Bientôt père, Dan s’interroge sur cet état de fait, il perçoit que quelque chose n’est pas normal. “Je vous ai donné toute herbe” fonctionne très bien avec sa double trame : le voyage du vaisseau vers une planète prometteuse et les jours de Dan précédant l’accouchement. Pas d’esbroufe, mais l’inquiétude d’un futur père, un adolescent perdu dans une situation qui le dépasse et dont les ultimes paragraphes livreront le mystère. C’est beau, du Léourier tel qu’on l’apprécie.

Hannu Rajaniemi nous invite à la démesure cosmique, à une histoire que je me garderai de résumer tant elle est folle. Très hard SF, des sentiments humains tels l’ennui, l’envie y figurent, alors qu’aucun être humain ne pointe le bout du nez. “Le serveur et la dragonne” y joue une partie de haut vol, dans les hautes sphères de l’imaginaire. Un récit qui se mérite, car il demande un effort pour le suivre, mais l’auteur finlandais nous régale par sa vision grandiose qui semble sans limites.

Il est parfaitement raccord avec la rubrique “Scientifiction” qui demande aussi un important effort pour appréhender le cours du temps. La démonstration de Roland Lehoucq n’en est pas moins limpide et stimulante.

Autres moments forts de ce numéro : l’entretien avec Richard Comballot, un maître en la matière, des chroniques à foison, le résultat du Prix des lecteurs de Bifrost 2020 et un hommage touchant à Joseph Altairac, une belle tranche de souvenirs.

Ce « Bifrost 101 » rappelle à juste raison la place importante de Dan Simmons dans l’imaginaire. L’homme ne doit pas effacer l’œuvre de l’écrivain, même si on ne peut ignorer les dérives du premier. Je pense que tout le monde, du moins je l’espère, le comprendra à la lecture du dossier. Sinon il y a bien des noms qu’ils pourront oublier...
Un très bon numéro, prenant du début à la fin.


Titre : Bifrost
Numéro : 101
Rédacteur en chef : Olivier Girard
Couverture : Pascal Blanché
Illustrations intérieures : Nicolas Fructus, Olivier Jubo, Romain Étienne et Quentin Aubé
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, nouvelles, entretien, etc.
Sites Internet : le numéro 101, la revue (Bifrost) et l’éditeur (Le Bélial’)
Dépôt légal : janvier 2021
ISBN : 9782913039988
Dimensions (en cm) : 15 x 21
Pages : 192
Prix : 11,90€



Pour contacter l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
22 février 2021


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