Après le Minotaure et les Sirènes, Sylvie Baussier nous fait découvrir la version de deux autres « monstres » de la mythologie grecque, deux créatures présentées comme tels par les récits héroïques dans lesquels ils apparaissent.
Mais voilà, Méduse n’avait rien demandé, et sa beauté a autant aiguisé l’appétit des mâles que la jalousie des femmes. Violée par un dieu, elle est punie par la déesse Athéna, quand elle s’attendait au contraire à ce qu’elle prenne sa défense.
Ce mythe sur la double peine des femmes agressées sexuellement résonne avec d’autant plus d’actualité de nos jours, prouvant qu’en plus de deux millénaires hélas les mentalités n’ont guère changées : les puissants s’en prennent toujours à la beauté et l’innocence.
Transformée en monstre aux cheveux de serpents, ses sœurs punies avec elle, victimes collatérales innocentes elles aussi, Méduse pétrifie désormais tous les êtres vivants qu’elle regarde. On se presse toujours à sa rencontre pourtant, mais les héros ont succédé aux prétendants. Comble de la cruauté, c’est Persée, un protégé d’Athéna qui vient mettre fin à son calvaire, et l’utiliser pour punir son grand-père meurtrier. Même dans sa mort, Méduse n’est considérée que comme un objet par les dieux, niant son identité, ses sentiments. De plus, c’est davantage la seconde partie du mythe qu’on retient, lorsque Persée la tue, la cantonnant à son apparence monstrueuse.
Il en va de même pour Polyphème. Le gentil géant, timide et pataud, se fait dépouiller par l’équipage d’Ulysse, endure beaucoup, jusqu’aux insultes, avant de réagir. Mais trop sûr d’avoir montré sa force, il se fait surprendre et crever l’œil. Par la ruse, Ulysse (qui se fait appeler « Personne ») parvient à le discréditer auprès des autres cyclopes, puis à fuir avec ses compagnons, cachés sous les moutons que le géant élève, mange mais aime.
Là encore, on nous a toujours présenté l’histoire du côté du vainqueur, mais Ulysse aurait-il accepté qu’on vienne piller ses réserves et réclamer des cadeaux, au nom de la force ou d’un titre qu’il ne reconnaît pas ? Polyphème ne fait que se défendre, défendre son bien, et il en sort bien mal en point... Il y a donc un semblant de justice à la punition que subit Ulysse, condamné à errer sur les mers durant des années (je vous renvoie à « l’Odyssée » dans son intégralité).
Encore une fois, en adoptant un autre point de vue, Sylvie Baussier interroge notre perception du monde, et les certitudes ancrées par la version du héros, du vainqueur, dont on ne peut que constater les torts. Le rusé Ulysse est prétentieux, cruel, moqueur, fourbe, et sa peine méritée pour ce qu’il a infligé à Polyphème. Méduse, comme la quasi totalité des personnages féminins des mythes grecs (hormis les déesses) ne reçoit aucune considération, n’a aucun droit, elle n’est vue que comme un objet, dont on (les dieux et les hommes) se sert pour son plaisir quel qu’il soit.
Tous deux sont des êtres sensibles, n’ont pas choisi d’être des monstres ou vus comme tels.
On apprécie toujours le dossier d’une vingtaine de pages, bien illustré qui plus est, pour continuer d’interroger le mythe, ses sources et son évolution au fil des siècles, et les jeux pour s’assurer d’avoir bien compris les mécanismes de l’histoire.
A mettre entre toutes les petites mains, en classe ou à la maison, pour apprendr eà mieux regarder l’Autre.
Titre : Moi, Méduse
Série : La Mythologie vue par les monstres
Auteur : Sylvie Baussier
Couverture : Tristan Gion
Éditeur : Scrineo
Collection : Mythologie
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 98
Format (en cm) : 21 x 13,5 x 0,8
Dépôt légal : janvier 2021
ISBN : 9782367409184
Prix : 10,90 €
Titre : Moi, Polyphème, cyclope
Série : La Mythologie vue par les monstres
Auteur : Sylvie Baussier
Couverture : Tristan Gion
Éditeur : Scrineo
Collection : Mythologie
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 97
Format (en cm) : 21 x 13,5 x 0,8
Dépôt légal : janvier 2021
ISBN : 9782367409191
Prix : 10,90 €
Les autres tomes de la série : « Moi, le Minotaure » / « Moi, Ligia, Sirène »