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Gnomon, tome 1
Nick Harkaway
Albin Michel Imaginaire, roman traduit de l’anglais (Royaume-Uni), science-fiction, 490 pages, février 2021, 24,90€

La monarchie constitutionnelle parlementaire n’existe plus dans la Grande-Bretagne du futur, le Système l’a remplacée. Chaque citoyen est appelé à participer aux décisions et à voter. Ne pas faire son devoir dans cette démocratie participative est mal vu. Le Témoin y veille ; les caméras de surveillance et les flux de données collectées par tous les objets connectés lui permettent de surveiller tout le monde.
Seuls les réfractaires tentent d’échapper à sa toute puissance, à l’image de la dissidente Diana Hunter qui décède lors d’un interrogatoire mental particulièrement intrusif.
Négligence lors de la procédure ? Acte malveillant ? Système d’autoprotection pour ne pas divulguer des secrets ? Le Témoin ne peut rester dans l’ignorance et charge l’inspectrice Neith Mielikki d’enquêter sur le cas Hunter.



Une affaire loin d’être simple... La technologie lui permet d’explorer la psyché enregistrée de la défunte, mais trois personnalités différentes, trois histoires s’y trouvent, noyant Neith Mielikki au milieu d’informations diverses et lui cachant l’essentiel : qui était Diana Hunter ? Et que cachait-elle ?
Les plongées de Neith dans ces couches mémorielles ne sont pas sans conséquences, le retour dans sa propre tête n’est pas une sinécure. Quels rapports entre le trader grec Constantin Kyriakos, l’alchimiste Athenais Karthagonensis et l’artiste Berihun Bekele ? Trois personnes ayant réellement existé semble-t-il mais dont certains faits avérés divergent. Des passerelles entre elles existent, mais elles sont si minces, si ténues que les emprunter n’est pas une garantie.

Les presque cinq cents pages de ce premier tome de « Gnomon » noient le lecteur sous une avalanche d’informations, le lancent au milieu d’un vaste jeu, charge à lui d’en reconstituer les morceaux et surtout d’en appréhender les règles. Le Témoin tient tout de Big Brother, il surveille tout. Les recommandations ressemblent à des injonctions. Mielikki éprouve des remords quand elle ne parvient pas à se ménager suffisamment de temps pour répondre aux débats de société. Qui est vraiment aux manettes ? Les citoyens volontaires sélectionnés pour s’attaquer à des sujets divers ou le Témoin omniscient ? Une société angoissante par certains côtés et quasi infantilisante par d’autres en guidant les citoyens et en gardant toujours un œil sur eux. Mielikki n’est pas vraiment impartiale, car elle est au service du Système, mais le contact avec la psyché de Diana Hunter la remue.

Que dire de ces trois histoires enchâssées dans la principale, à ces pare-feux empêchant l’accès à la vraie personnalité de Hunter, dissidente au Système ? Trois incartades en-dehors de la mainmise du Témoin, trois morceaux très différents aussi bien par le style, par ses acteurs que par la période. Une lecture attentive permet de mieux cerner l’ensemble, d’apercevoir l’édifice dans lequel se cache Hunter.

« Gnomon » se dérobe, se révèle fuyant, car sur ce livre plane la présence du grand requin blanc, celui aux vastes pouvoirs, peut-être le maître du jeu... Nick Harakaway livre là un roman fou, ne laissant aucun moment de répit, tant il soulève de questions. Rapidement il étend son emprise sur le lecteur, le lance dans la débauche d’un Grec assoiffé d’argent et de sexe, avant de le lâcher dans la chambre d’Isis, soit-disant une mystification devenue réelle, puis de l’abandonner dans la création de Bekele, interrogeant sur la tangibilité de la situation. Les retours dans le présent n’en sont que plus difficiles, tant le fossé est grand, tant cette démocratie peine à taire la critique.

Ce premier volet suffit à montrer l’ampleur de « Gnomon » qui est d’une ambition rare et tient du génie. La frontière entre invention et réalité y est mince. D’une grande profondeur, d’une inventivité exubérante, baigné d’une certaine folie avec parfois une logorrhée propice à balader le lecteur, à lui faire perdre tous repères pour mieux le laisser démuni dans un labyrinthe, celui d’un cerveau piégé ne voulant rien laisser paraître de son vrai moi, « Gnomon » réunit toutes les qualités d’un grand roman de SF.
Prévue début mars 2021, la seconde partie confirmera, ou non, si « Gnomon » s’inscrit définitivement au rang des romans SF que tout amateur se doit de lire. Il est déjà certain qu’il se situe dans le haut du panier.


Titre : Gnomon, tome 1
Auteur : Nick Harkaway
Illustration de couverture : Aurélien Police
Traduction de l’anglais (Royaume-Uni) : Michelle Charrier
Éditeur : Albin Michel
Collection : Albin Michel Imaginaire
Directeur de collection : Gilles Dumay
Sites Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 490
Format (en cm) : 14,1 x 20,5
Dépôt légal : février 2021
ISBN : 9782226443656
Prix : 24,90 €


Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
9 février 2021


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