La collection “Dédales” lancée par Les Humanoïdes Associés poursuit son travail exploratoire des anciennes civilisations à travers des enquêtes de police dignes des Sherlock Holmes d’outre-temps.

Après le Moyen-Âge Français (« Antoine Sèvres »), la Russie des Tsars (« Novikov » Patrick Weber au scénario là aussi) ou la grande civilisation Egyptienne (« Néféritès »), c’est la Chine du XIIIème siècle qui sert de théâtre des ombres à un meurtrier qui décoche ses traits avec une extrême adresse.
Faut dire que l’archer a quasiment une mire de haute précision à la place de l’œil puisqu’il réussit à toucher sa cible en plein muscle cardiaque au cœur de la nuit. Les lunettes infrarouges n’existant pas à l’époque, nombreux sont les contemporains de l’enquêteur Wang, persuadés qu’un magicien agit dans l’ombre.
Pas Wang, évidemment. Cartésien avant l’heure, il va surtout s’attacher à relever de bien maigres indices et se coltiner avec les milieux nocturnes de la cité pour savoir si quelqu’un a vu quelque chose...
Bien sûr, tout est beaucoup plus compliqué qu’un simple meurtre crapuleux, magouilles politiques et financières vont discrètement venir se greffer sur une enquête que tout le monde voudrait simple.

Soutenu par un dessin et une colorisation atypique, « Œil de Jade (T1) : La Mort de l’Intendant Lo » vaut par le climat ambigu distillé par une narration épurée jusqu’à l’os.
Certaines pages (1, 2, 26, 31, 41) sont vierges de tout dialogue, d’autres de toute action (18, 27, 37) mais l’ensemble se lit avec intérêt.
Privilégiant une certaine stylisation des visages et, parfois, une franche simplification des décors, Emanuele Tenderini dispose de l’intrigue comme s’il s’agissait d’une partie de réussite dont les cartes resteraient cachées jusqu’au bout. Les tons très doux (tendance pastels avec des aplats très unis et vaporeux) font irrésistiblement penser à un travail inspiré par l’idée que l’on se fait de l’art pictural Chinois de cette époque (du moins en Occident). Derrière la simple BD se cache donc bien un postulat stylistique calculé.
Une réflexion graphique qui a cependant ses limites et pourrait bien perdre quelques lecteurs en cours de route (ou en gagner par la prise de risque invoquée, allez donc savoir) mais entretient justement le mystère.

Certes, certains personnages (Rosée du Matin, Tigre Blanc) ont du mal à se cacher derrière le scénario de Patrick Weber et le lecteur devine bien la rétention d’informations induite. D’autres (le Gouverneur, le patron de la Maison Close, Wang), sont bien plus complexes qu’ils n’en ont l’air de prime abord et ne trompent personne.

De ce premier volet intrigant et pas inutile, on veut retenir une histoire qui aurait pu être transposée dans une réalité contemporaine et des paris graphiques et scénaristiques osés.

Passé le cap de la surprise, on a franchement envie de savoir ce qu’il en est avant même que le meurtrier ne récidive (dernier tiers de l’album). L’enquête n’est pas bouclée dans ce premier volet, c’est heureux, car l’histoire doit absolument se développer et prendre son envol pour que l’affaire devienne totalement passionnante.

« Œil de Jade (T1) : La Mort de l’Intendant Lo », une flèche létale traverse les ombres de la nuit et fend l’air d’une vibration interrogative.
Une série à suivre sur le long terme, une BD qu’il ne faudra pas juger d’un simple coup d’œil, forcément restrictif et trompeur.

Fiche technique
 Titre : La Mort de l’Intendant Lo (T1)
 Série : Œil de Jade
 À paraître : tome 2, L’Étreinte du Tigre (suite et fin)
 Scénario : Patrick Weber
 Dessin, couleur : Emanuele Tenderini
 Conception graphique : Stéphane Martinez
 Lettrage : Agnès Moreau
 Collection : Dédales
 Animée par : Bruno Lecigne
 Éditeur : Les Humanoïdes Associés
 Partenariat : 13ème Rue (La Chaîne Action et Suspense).
 Format (en cm) : 22,5 x 29,5 - cartonné
 Pages : 48
 Dépôt légal : Mars 2006
 EAN : 9 782731 617542
 ISBN : 2 7316 1754 3
 Prix public : 10,40 €

Droits photos et illustrations : Éditions Les Humanoïdes Associés et ayant-droits originaux (2006).